Proposition pour une sortie de crise lucide, audacieuse, et inévitable !

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Le porte-parole et président de la coalition « Viv ansanm » Jimmy Chérizier (NPR Photo/Odelyn Joseph)

Viv Ansanm, entité contestée, critiquée, redoutée — mais surtout incomprise — doit tendre la main à ceux qui, hier encore, refusaient même de reconnaître son existence “politique”. Cette proposition est une invitation à la dialectique. Non pas à la compromission, mais à la co-construction du réel.

Oui, il faut le dire sans détour : le moment est venu de négocier. Non par faiblesse, mais parce que la réalité, têtue et irréfutable, impose sa propre logique.

Pourquoi maintenant?

Parce que même les puissants ont compris que la force brute n’a pas triomphé. Parce que la criminalisation n’a pas éradiqué la contestation — elle l’a amplifiée. Parce que faire taire la parole n’a pas éteint la légitimité populaire. Parce que le chaos a changé de camp. Et surtout, parce qu’une ligne rouge vient d’être franchie : la décision des États-Unis de classer certains groupes haïtiens comme Foreign Terrorist Organizations. Cette déclaration n’est pas qu’un verdict moral — c’est un tournant stratégique. C’est le langage de la géopolitique qui dit : “Vous existez trop fort pour qu’on vous ignore, mais pas encore assez bien pour qu’on vous respecte.”

Cette désignation est donc paradoxalement la reconnaissance implicite d’un pouvoir de fait, d’un monopole de la violence dans certaines zones, que même l’État haïtien ne détient plus. Mais c’est précisément cet excès de langage qui dévoile la vérité : on ne diabolise que ce qu’on ne peut plus ignorer. On ne traite de “terroriste” que ceux que l’on reconnaît, implicitement, comme détenteurs d’un pouvoir réel — un pouvoir échappant à la fiction institutionnelle. L’État corrompu n’a ni souveraineté ni enracinement populaire. Viv Ansanm, oui, la communauté internationale ne peut donc ignorer une structure qui remplace déjà l’État sur le terrain.

Viv Ansanm a imposé un rapport de force. Et lorsqu’une force impose la peur, l’ordre, l’obéissance ou le silence, elle entre dans le champ du politique. Vous pouvez refuser leur idéologie, mais vous ne pouvez plus nier leur existence. Soyons honnêtes :

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L’État haïtien ne gouverne plus — il administre l’effondrement. Les élites ne dirigent pas — elles préservent leurs privilèges derrière des murs blindés. Quant aux chancelleries, elles se renvoient la façade, mais savent exactement où réside l’autorité effective sur le terrain.

Alors oui, la communauté internationale veut — doit — négocier.

Pourquoi?

  1. Parce qu’exclure, c’est radicaliser. Sun Tzu, dans L’art de la guerre, affirme : « Le suprême art de la guerre est de soumettre l’ennemi sans combattre. » La vraie victoire n’est pas dans l’extermination. C’est dans la conversion du rapport de force en construction politique. Donc, la force a échoué. Les interventions militaires, les sanctions ciblées, les missions onusiennes n’ont pas désarmé le pays — elles l’ont fracturé. La MINUSTAH l’a prouvé, et ses échecs sanglants résonnent encore dans la mémoire collective haïtienne. Viv Ansanm, en revanche, a imposé un ordre alternatif, un contrôle territorial réel, une régulation locale. Ce n’est pas une utopie. C’est un fait. Et les faits se traitent, ils ne se nient pas. Et ce fait mérite dialogue, pas seulement condamnation.
Conférence de presse de Jimmy Chérizier

L’histoire l’a prouvé : plus vous frappez une structure sans la comprendre, plus vous l’enracinez. L’exemple de Boko Haram ou des FARC est clair.

  1. Parce qu’Haïti est au bord d’une guerre civile. L’erreur serait de croire qu’Haïti vit une simple crise de gangs. Non. Haïti vit une pré-insurrection populaire, nourrie par l’effondrement de la verticalité de l’État, et aggravée par l’arrogance des réponses importées. Viv Ansanm en est l’expression radicale. Le traiter de “terrorisme” sans diagnostic, c’est choisir la voie “israélienne” — la guerre perpétuelle. Mieux vaut transformer cette énergie de rupture en levier de stabilisation.

La violence n’est pas un projet politique. Et même Viv Ansanm le sait. La guerre ne donne que du chaos, pas du pouvoir. Si vous voulez gouverner, il faut convaincre, non vaincre. Donc, la dialectique plutôt que la force est une preuve de maturité stratégique. Et en diplomatie, le plus fort n’est pas celui qui tire, c’est celui qui peut imposer une table de négociation. L’art de la guerre moderne n’est plus dans les balles. Il est dans les deals. Dans les coalitions, dans les représentations, dans la capacité à transformer un rapport de force en levier de transformation politique.

  1. Parce que Viv Ansanm contrôle une part de la souveraineté réelle. C’est ici que s’impose une vérité dérangeante : la légitimité s’est déplacée. Non dans les hôtels où se signent les faux pactes de transition, mais dans les quartiers populaires. Viv Ansanm ne remplace pas l’État — il comble son absence. Et celui qui gère la sécurité, la justice locale, et même l’aide humanitaire, exerce de facto une autorité politique. Le gouvernement haïtien est délégitimé, désorganisé, sans emprise sur le territoire.
  2. Parce que la peur change de camp. Même dans les chancelleries. Ce qui inquiète désormais, ce n’est plus seulement la violence, mais la possibilité d’un soulèvement populaire structuré, articulé, irrécupérable, et porté par une conscience collective éveillée. Dans ce contexte, mieux vaut avoir un interlocuteur identifié qu’un incendie généralisé sans issue.
  3. Parce qu’un canal de dialogue peut sauver des milliers de vies. La trêve que je propose n’est pas une reddition. C’est un test de responsabilité. Si vous croyez à la paix, prouvez-le. Si vous voulez reconstruire Haïti, commencez par écouter ceux qui ne l’ont jamais quittée.

Et vous, sceptiques, je vous pose une question : Qu’avez-vous à perdre à dialoguer — que vous n’ayez déjà perdu par le silence?

À la communauté internationale : que cherchez-vous vraiment? Une paix juste?

certaines zones « rouges » sont devenues des zones de survie communautaire, où l’ordre imposé par Viv Ansanm a remplacé l’État absent.

Alors vous devez parler avec ceux qui tiennent les armes. Vous voulez “stabiliser” Haïti? Alors commencez par stabiliser vos principes. Car qualifier Viv Ansanm de “terroristes” tout en défendant un Conseil Présidentiel coopté, rejeté et discrédité est une insulte au droit international lui-même. Vous parlez de démocratie mais vous soutenez l’exclusion. Vous parlez de paix mais vous imposez des forces militaires sans consentement populaire.

La question est simple : voulez-vous désarmer Haïti ou la reconstruire?

Si la réponse est la seconde, vous devez négocier. Et avec les vrais acteurs. Oui, Ils ne sont pas des saints. Ils sont les produits d’un siècle de trahison. Mais ils ont encore une chose que ni les ONG, ni les ministères, ni la force multinationale ne possèdent : l’écoute du peuple. Et cela, aucune force étrangère ne peut l’acheter. Cessez de négocier avec l’illusion. Négociez avec le réel. Et aujourd’hui, le réel, c’est Viv Ansanm !

Comme le disait Montesquieu : « Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir. » Et parfois, c’est dans la rencontre de deux puissances antagonistes que naît l’équilibre.

Viv Ansanm n’impose pas encore la paix — mais il peut la rendre possible. Et si vous ignorez cette main tendue, alors vous aurez refusé la dernière chance d’une paix haïtienne, par et pour les Haïtiens. À vous de choisir. L’histoire, elle, a déjà commencé à écrire. Ce que je propose aujourd’hui n’est pas un acte de faiblesse. C’est un acte de grandeur. « Venez, et plaidons ensemble, dit l’Éternel : si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige » (Ésaïe 1:18).

Si le monde cherche une solution haïtienne à la crise haïtienne, alors il est temps de se départir des schémas classiques, des dialogues stériles entre élites déconnectées, et des interventions armées sans lendemain. Il faut construire un pacte de stabilisation progressif, à partir du réel, avec les forces en présence de toutes les forces. La paix ne commence pas par la perfection morale. Elle commence par la volonté de s’asseoir ensemble — ouvrir un canal de discussion, c’est entrer dans l’art du logos, dans le langage de la civilisation. C’est prouver que la parole est plus forte que la kalachnikov. C’est poser la première pierre d’un leadership reconnu, légitime, durable.

Je propose donc une feuille de route politique en cinq étapes, à débattre, ajuster, mais surtout : à engager sans délai.

  1. Instauration d’une trêve humanitaire négociée (30 à 45 jours) sous l’égide d’un acteur neutre ou toute autre entité crédible — c’est-à-dire une trêve humanitaire temporaire entre Viv Ansanm et les autorités de transition (ou les forces étrangères mandatées).

Objectif de faciliter la distribution de l’aide, réduire les violences immédiates, et créer un climat minimal de confiance. Cette trêve ne suppose pas reconnaissance mutuelle, mais reconnaissance du fait : l’autre existe.

  1. Création d’un Comité de Contact Multilatéral (CCM)

Composé de représentants de :

  • La communauté internationale (ONU, CARICOM, OEA, etc..).
  • L’État haïtien (ou son équivalent institutionnel).
  • Viv Ansanm, via des délégués désignés.
  • La société civile haïtienne, notamment des leaders communautaires indépendants.

Ce comité aurait pour mandat de mettre en place un couloir humanitaire, superviser la trêve, évaluer les conditions de sécurité, et identifier les points de convergence politique pour la pacification durable des zones concernées.

  1. Un accord-cadre pour une transition politique inclusive et sécurisée sous médiation internationale, ce document définirait :
  • Une zone de non-agression réciproque.
  • Un mécanisme de désescalade progressive, contrôlé par des observateurs internationaux.
  • Les modalités de reconnaissance politique limitée de Viv Ansanm comme acteur de transition, sans préjuger du statut futur.

Ce ne serait ni une amnistie générale, ni une impunité garantie, mais une pause stratégique permettant de sortir du chaos contrôlé sans humiliation mutuelle.

  1. Participation de Viv Ansanm à un forum national de refondation. Ce forum, convoqué dans un délai de 90 jours, réunirait toutes les forces politiques et sociales du pays : partis, organisations populaires, églises, les haïtiens vivant à l’étranger, secteurs productifs, mais aussi forces non conventionnelles ayant acquis une influence territoriale ou sécuritaire.

Viv Ansanm y aurait un statut d’observateur actif, avec possibilité d’entrer dans le jeu politique sous conditions.

Objectif :

  • Élaborer une nouvelle architecture institutionnelle.
  • Réconcilier l’État et la réalité du terrain.
  • Fonder une paix haïtienne, pas une paix importée.
  1. Définition d’un statut politique transitoire pour Viv Ansanm. À la lumière des étapes précédentes, et selon les engagements respectés, une sortie politique encadrée serait offerte à Viv Ansanm :
  • Transformation progressive en organisation communautaire, force d’ordre local, ou mouvement civique légalement encadré. Viv Ansanm doit faire émerger une plateforme politique structurée, dotée d’un organe de dialogue interne, d’un porte-parole politique et d’un programme transitoire de stabilité. C’est l’heure de muter de la dissidence armée à la dissidence politique. Il faut démontrer au monde que vous n’êtes pas qu’une réaction — vous êtes une alternative.
  • Réintégration partielle ou complète dans les institutions nationales (police, armée, services publics, etc.), selon les cas.
  • Procédures de justice transitionnelle pour les crimes les plus graves, selon un modèle inspiré des commissions vérité et réconciliation.

Cette feuille de route n’est pas un rêve. Elle est un pari — celui du dialogue contre la destruction, du politique contre la punition, de l’intelligence stratégique contre l’orgueil militariste. Car il faut le dire : la paix ne se décrète pas, elle se négocie. Et ceux qui croient pouvoir l’imposer par la force finiront par négocier plus tard — en plus faible position.

Viv Ansanm n’a jamais été invité à la table. Il est temps de changer de stratégie. Il ne s’agit pas de céder à la peur, mais d’écouter ce que la peur révèle : l’échec des solutions anciennes.

Alors je pose la question à toutes les parties : Souhaitez-vous encore imposer un ordre irréel… ou construire une paix réelle?

À la communauté internationale :

Il ne s’agit plus d’un malentendu, ni d’une mauvaise lecture de la situation haïtienne. À ce niveau de continuité dans l’échec, à ce degré d’aveuglement volontaire, il faut dire les choses telles qu’elles sont : vous savez exactement ce que vous faites. Vous savez que l’insécurité ne se résout pas par des expéditions punitives. Vous savez que l’État haïtien, tel qu’il est, ne représente plus que lui-même. Vous savez que les sanctions unilatérales, les mandats d’arrêt sélectifs, les aides conditionnées, ne font que creuser le fossé entre les élites protégées et la population abandonnée. Et vous savez, surtout, que le rejet populaire massif de vos méthodes n’est pas un caprice nationaliste, mais le fruit d’une mémoire longue : celle d’un peuple trahi à chaque étape de sa quête de dignité.

Alors oui, vous savez. Et puisque vous savez, vous êtes comptables. Alors, ne reproduisez pas l’erreur afghane, libyenne ou sahélienne : tuer sans dialogue, c’est créer un monstre plus résilient. Vous avez déjà échoué à produire la paix par la force. Essayez la diplomatie par la réalité. Haïti n’est pas un territoire à pacifier — c’est un peuple à entendre. Une intervention étrangère sans ancrage social est un chaos annoncé.

Vous dites vouloir la stabilité? Alors parlez avec ceux qui contrôlent réellement le terrain. Envoyer des troupes contre une insurrection sociale masquée sous les traits de la criminalité, c’est traiter un volcan comme un feu de forêt. Créer une force multinationale sans résoudre la crise de légitimité politique, c’est tuer l’avenir du peuple haïtien. Maintenir un pouvoir de transition vidé de sens, c’est faire vivre un cadavre institutionnel sous perfusion diplomatique.

Haïti n’a pas besoin de renforts armés, mais de solutions politiques courageuses, capables d’assumer la complexité du réel. Oui, certaines bandes sont criminelles. Mais certaines zones « rouges » sont devenues des zones de survie communautaire, où l’ordre imposé par Viv Ansanm a remplacé l’État absent. Et dans certains cas, la ligne entre le chef de gang et le chef de quartier est devenue une zone grise de gouvernance populaire non reconnue. Ignorer cela, c’est persister dans l’échec. Refuser d’en parler, c’est choisir la guerre civile rampante. L’Histoire observe. Et les générations futures jugeront.

Viv Ansanm n’a jamais été invité à la table. Il est temps de changer de stratégie.

C’est maintenant, pas plus tard, que vous pouvez transformer une politique d’exclusion en diplomatie d’inclusion intelligente, passer d’une stratégie de neutralisation à une stratégie de stabilisation réelle, remplacer les vieilles alliances avec les élites discréditées par un engagement avec les nouvelles forces sociales, aussi dérangeantes soient-elles.

Ne vous trompez pas : il ne s’agit pas de récompenser la violence. Il s’agit de comprendre ce qui l’a rendue possible. Et de négocier avec les conséquences du désordre que vous avez, en partie, contribué à créer.

Viv Ansanm : êtes-vous prêts à devenir plus grands que vos armes?

Car voici le vrai défi est de transformer l’autorité de la peur en autorité de légitimité. Le respect, pas l’intimidation. Le projet, pas la terreur. Le pouvoir que vous cherchez ne se gagne pas en imposant la peur, mais en incarnant une alternative crédible, structurée, humaine, historique. Vous pouvez être des libérateurs. Ou rester des forces de réaction. Le choix vous appartient.

La paix se gagne à ceux qui ont le courage de parler. Haïti est à genoux, mais pas morte. Viv Ansanm peut être la matrice d’un nouvel ordre si et seulement si elle se libère de sa prison identitaire, et embrasse la voie du dialogue. C’est le moment où vous devez prouver que vous êtes plus que des armes. Que vous êtes une force organisatrice, une volonté politique. Sinon, vous resterez des fusils isolés, et non un mouvement historique. C’est à vous maintenant de montrer que vous êtes plus qu’un rapport de force. Prouvez que vous êtes capables de paix, de discipline, de stratégie, et surtout : d’humanité. L’histoire ne vous donnera pas deux fois cette occasion. Si vous voulez régner demain, commencez par dialoguer aujourd’hui.

Le Rwanda a négocié après le pire.

La Colombie a négocié avec les FARC.

L’Irlande du Nord a trouvé la paix avec l’IRA.

Et chaque fois, c’est la reconnaissance mutuelle, et non la supériorité armée, qui a fait la différence. Et comme le dit l’Évangile : « Bienheureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Matthieu 5:9).

Et à vous, dirigeants étrangers, souvenez-vous de ceci : Ceux que vous appelez aujourd’hui “terroristes” pourraient bien être les fondateurs de la nouvelle République. À condition qu’ils prouvent qu’ils savent négocier, organiser, et gouverner. Car c’est cela, la vraie révolution : passer de la violence subie à la souveraineté conquise.

L’heure est grave. Mais dans les ténèbres, parfois surgit une lueur inattendue. Et si cette lueur venait aujourd’hui de ceux qu’on a toujours désignés comme l’obscurité elle-même?

Aux élites haïtiennes : Vous avez perdu votre légitimité historique. Mais vous pouvez encore sauver votre avenir. Acceptez l’idée qu’une nouvelle génération vous demande des comptes. Ce n’est pas la haine. C’est la justice. Et la justice négociée vaut mieux que le jugement par les armes.

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