Projet d’exploitation minière et soupçon de corruption en Ayiti !

Plaidoyer pour une prise en compte de tous les secteurs d’activités dans les débats et la mobilisation contre la corruption d’aujourd’hui

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Non à l’exploitation minière en Haïti

Depuis plusieurs mois, des voix d’horizons divers se lèvent pour dénoncer ou pour demander des comptes sur la dilapidation du fond Petro-Caribe. Toutes les revendications se concentrent sur le fond, sans inscrit, peut-être, cette mobilisation dans une perspective globale contre la corruption qui gangrène nos institutions et qui pourrait hypothéquer l’avenir des plus pauvres du pays. L’exploitation minière est l’une des perspectives, non en vrai, mais juste comme discours, que nous offre l’international communautaire en guise de moyen pour sortir le pays du marasme socio-économique auquel il fait face. Ce modèle de développement de l’internationale communautaire pour Ayiti,  conforme aux politiques d’énoncées générales de tous les Premiers Ministres, est la politique que les dirigeants en Ayiti sont en train d’appliquer. Cependant, cette activité est non seulement écologivore de par ses conséquences néfastes sur l’eau, l’air, la terre, la santé, l’agriculture, la flore et la faune, voire l’ensemble des conditions de vie, mais ses histoires à travers tous les pays du monde témoignent qu’elle fait paire avec la corruption dans tous ses processus. Cela dit, cet article vise à apporter une perspective, une approche de plus comme contribution dans les mobilisations et les débats actuels contre la corruption.

Projet exploitation minière : Du processus de livraison permis aux compagnies à la suspicion de corruption

Ayiti a une longue histoire relative à la question de l’exploitation minière, notamment en ce qui concerne les mines métalliques avec la colonisation espagnole en 1492 et celle de 1956 jusqu’à 1982 avec SEDREN et REYNOLDS. Depuis près de quatre (4) décennies, le modèle de développement économique adopté par le gouvernement ayitien est basé sur l’attrait d’investissements étrangers visant à relancer le secteur touristique, l’industrie manufacturière, l’agriculture industrielle et l’exploitation des ressources minières. Ces dernières font l’objet de convoitise depuis 2006 sous le gouvernement d’Alexis où  quatre (4) permis ont été octroyés à des compagnies.  En 2008, vingt-sept (27) permis de prospection ont été délivrés sous le gouvernement de Pierre-Louis et  dix-neuf (19) sous le gouvernement Bellerive en 2009. Après son mandat,  Bellerive est devenu membre du Conseil d’administration du VCS, une des compagnies qui a eu un permis d’exploitation à Morne Bossa sur 25 km2, dans le département du Nord. Il a démissionné le 19 février 2016.

le processus de livraison de ces permis se fait en dehors des normes administratives et légales et sans transparence.

Dans le contexte post 12 janvier 2010, sous prétexte de relancer l’économie dans une perspective de « reconstruction » d’un pays meurtri, les ressources minières font l’objet de convoitise de grandes compagnies et une vague de processus de livraison de permis a été déclenchée sous le gouvernement Martelly-Lamothe, soit plus de cinquante-deux (52), parmi lesquels trois (3) permis d’exploitation. Les cartes ci-dessous en témoignent.

Fréderic  Thomas, dans son texte  « Haïti – Un modèle de développement anti-paysan, Juillet 2015 », évalué à 15% du territoire du pays qui est déjà sous concession minière. Cependant, ces processus de liquidation de permis sur les ressources naturelles du pays, bien commun du peuple ayitien, ne se font pas en dehors de tout soupçon de corruption. Pour y voir clair,  nous tenterons de reconstituer les faits racontés par le Directeur du Bureau des Mines et de l’Energie convoqué par la commission du TPTC au Sénat le 21 février 2013, ainsi que la résolution prise par ce dernier. Ensuite nous passerons en revue la lettre adressée par les cadres du BME le 18 Avril 2016 pour lui signaler un ensemble d’irrégularité concernant le fonctionnement du Bureau. Enfin, nous comptons puiser dans le conflit entre la compagnie 3D et la VCS convertie en Ressource General Corporation (RGC) pour en faire ressortir les traits les plus exprimés du soupçon de corruption relatif à l’exploitation minière.

Pour une analyse des pistes de corruption dans l’octroi des permis octroyés par le Bureau des Mines et de l’Energie (BME) en 2012.

D’entrée de jeu, la corruption est constitutive de l’industrie minière partout dans le monde. En ce sens, il n’existe aucun cas d’activité d’exploitation minière qui ne fait pas l’objet de suspicion de corruption. Correspondant à la logique fondamentale du capital, l’entreprise extractiviste en vue de maximiser leur profit préfère se vouer aux pratiques de pots-de-vin à des particuliers pour contourner certaines exigences administratives et juridiques et de leur responsabilité dans la contamination de l’environnement. Cette situation est observée dans les pays qui ont des structures ou dispositifs administrativo-juridique fortes et est dominante dans les pays à structures administratives et juridiques faibles, parfois inexistantes en Amérique Latine, en Afrique. Donc, la corruption dans l’industrie extractiviste minière est monnaie courante depuis le processus de livraison de permis jusqu’à la commercialisation des ressources naturelles exploitées. Ayiti comme pays à dispositif juridico-administratif faible ou presque inexistant, est convoité par plusieurs compagnies multinationales désirant exploiter les ressources naturelles du sous-sol du pays, bien commun du peuple ayitien. Ces compagnies ont eu des permis du Bureau des Mines et de l’Energie (BME) qui ne sont pas hors de soupçon de corruption.

En effet, le processus de livraison de ces permis se fait en dehors des normes administratives et légales et sans transparence. Partant de ce constat, le directeur du BME a été convoqué par la Commission du TPTC au Sénat le 21 Février 2013 pour en donner des explications. Malgré le mea culpa du directeur du bureau des mines et de l’énergie et la résolution du Sénat de stopper tous les travaux des compagnies dans les communautés rurales ayitienne, aucune enquête n’a été menée pour déterminer les raisons pour lesquelles ces permis ont été octroyé en ce sens, ni aucune action légale n’a été menée pour rendre caducs ces permis délivrés dans des circonstances douteuses. D’ailleurs c’est la compagnie Newmont qui a construit un local pour le BME à Carrefour-la Mort dans la commune du quartier- Morin dans le département du Nord.

A côté de la résolution du Sénat, en date du 16 Avril 2016, un ensemble de cadres du Bureau des Mines et de l’Energie (BME) parmi lesquels l’actuel Directeur du BME Claude Préptit a adressé une lettre au Directeur à l’époque Ludner Rémarais pour lui faire part des dérives auxquelles l’institution fait face, suite à une situation qui existait dans la Commune de Mont-Organisé ou plusieurs compagnies ont eu des permis sur le même site.

D’après cette lettre, le Directeur avait interdit à ces cadres de faire le suivi sur cette situation signalée par le SONO Global Holding, qui formellement a eu un permis de prospection émanant du BME en 2012 sur le site. Le gros dans tout ça, c’est que des compagnies sont en train d’opérer et d’autres permis sont octroyés à des compagnies énergétiques comme Ayiti Gaz malgré la résolution du Sénat. Aujourd’hui, nous savons qu’il y a des Sénateurs qui avaient signé la résolution du 22 février 2013 qui sont actuellement dans la course pour obtenir des sites miniers, comme exemple celui de SEDREN. Or ce sont ces mêmes Sénateurs qui vont se pencher sur le Projet-loi minier que le gouvernement de Michel Martelly et de Laurent Lamothe a entrepris avec le soutien technique et financier de la Banque mondiale en guise de réaction par rapport à la résolution du Sénat de la république. Encore une fois, cette démarche a été menée dans la plus totale opacité rejetant par le fait même le droit de regard de la société civile sur le contenu de la loi minière et sur l’utilisation des ressources nationales.

D’autre cas de soupçon de corruption sont révélés dans le conflit entre la compagnie 3D et VCS ou RGC. En effet, depuis l’année 2012, la compagnie américaine VCS nommée actuellement Ressource General Corporation (RGC) a obtenu un permis d’exploitation, pourtant cette dernière n’avait pas vraiment la capacité financière adéquate pour commercer le processus de mise en place de l’industrie pour l’exploitation du site Morne Bossa qui a été un des critères pour l’obtention d’un permis d’exploitation. Après vaine recherche de financement, le VCS ou RGC a vendu sur le marché boursier international 70% de ses actions à la compagnie Australienne 3D en juillet 2017. Depuis 14 Mars 2018, les deux contractants sont livrés dans un conflit ouvert où le 1 juin 2018, la VCS ou RGC accuse le 3D d’actes de corruption et de violation de plusieurs lois ayitienne par le board de 3D qui opère en dehors de l’accord d’après leurs enquêtes. Dans une note  datée du 28 juin, la RGC a mis fin au contrat avec le 3D en date du 18 mai pour cause de non-respect des lois ayitienne et américaine, aussi pour cause de corruption. Une fois encore, la justice ayitienne reste muette sur ce dossier.

En guise de conclusion

Comprendre la logique, l’ampleur et l’enjeu du potentiel impact négatif du détournement des 3.8 milliard de dollars du Fond de Petro-Caribe en Ayiti est un exemple clé pour comprendre comment l’exploitation minière, dans tous ces processus, peut enfoncer  le pays plus profondément dans la pratique de corruption que le peuple ayitien est entrain de combattre aujourd’hui. Le processus de l’application du projet d’exploitation des ressources du sous-sol ayitien est entaché d’illégalité, d’illégitimité, hors norme de transparence et de corruption par le détournement du cadre administrativo-juridique du pays dans la livraison des permis octroyés aux compagnies multinationales. En ce sens, les débats, les mobilisations contre la dilapidation du fond de Petro-caribe doit être inséré dans la logique de lutte globale contre l’extractivisme qui est générateur de corruption. Donc, pour que la nouvelle Ayiti que nous voulons et/ou à laquelle nous aspirons soit hors de la corruption, nous devons absolument divorcer de la logique capitaliste, de la division internationale coloniale du travail, des projets extractivistes génératrices de corruption comme l’exploitation minière.

Port-au-Prince, Ayiti, Mercredi 6 septembre 2018

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