Président Privert, vous avez la parole !

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L’état de catastrophique dévastation matérielle, physique, psychologique, morale dans lequel l’ouragan Matthew a laissé la péninsule du Sud ainsi que le Nord-Ouest – ce dernier à un moindre degré – doit impérieusement et sans détour, sans marronnage, interpeller la conscience de tous les citoyens par rapport, d’abord à une prise en charge systématique, ordonnée et effective des populations en détresse, ensuite à des considérations réalistes et humaines relatives à la tenue des élections qui devaient se tenir le 9 octobre écoulé.

La grande question morale est de savoir s’il faut se hâter d’avoir pratiquement tout de suite et à tout prix des élections, panacée supposée aux maux du pays, ou s’il faut prendre le temps nécessaire pour ramener les populations décimées par l’ouragan Matthew à un niveau de vie décent, digne, humain, jusqu’à leur permettre de se recalibrer en vue de participer aux dites élections dans un cadre propice et favorable.

Le CEP a convenu d’élections fixées au 20 novembre avec éventuellement un second tour au 29 janvier. Les candidats se sont rangés à la décision du CEP dont on ne sait sur quelle base rationnelle cette date du 20 novembre a été prise. Il est évident que malgré les allées et venues des candidats les mieux pourvus économiquement à manifester leur aide aux populations sinistrées, leur objectif premier et immédiat c’est la tenue des élections. Rien dans leurs propos ne semble indiquer une préférence ou quelque tendance à s’occuper de façon prioritaire des victimes de Matthew, le temps qu’il faudra, et à organiser les élections le moment propice venu.

Du côté de la communauté internationale, c’est une grande satisfaction sinon une exultation pour « les membres du Core Group eux-mêmes [qui]se réjouissent totalement de la volonté démontrée par les acteurs politiques Haïtiens à conclure le cycle électoral et les encouragent à mettre en œuvre le nouveau calendrier, permettant ainsi le retour à l’ordre constitutionnel ». Dans la perspective néolibérale de ce groupe funeste « Haïti a besoin d’institutions qui sont stables et de dirigeants démocratiquement élus pour répondre aux nombreux défis politiques, humanitaires, économiques et sociaux que connaît le pays ».

Or, ce n’est pas à proprement parler seulement l’élection de dirigeants démocratiquement élus qui va permettre à Haïti de répondre à ces défis-là. On en a pour preuve le quinquennat Martelly «démocratiquement élu» aux yeux de l’internationale et ses désastreux résultats. Ce qui plutôt handicape et retarde le pays, c’est le programme de réformes adopté par nos gouvernements restavèk sur les recommandations du Fonds Monétaire international et de la Banque Mondiale et qui de tout temps a toujours nourri les calamités humanitaires, économiques et sociales qui tiennent le pays dans des conditions inhumaines.

Nous croyons que le report des élections à une «date ultérieure raisonnable» qui prenne en compte d’abord et avant tout un mieux-être des populations méridionales décimées est un must moral, quitte à bousculer certains prescrits de la Constitution pour un temps et à faire les ajustements nécessaires en fonction du bien-être de la population et non pas des ambitions de pouvoir des candidats ou des diktats plus ou moins déguisés du Core group. Cette Constitution, n’a-t-elle pas été piétinée pendant les cinq ans de Martelly ?

Nous proposons que le président Privert prenne l’initiative de convoquer les forces vives de la nation en un gros woumble national pour déterminer cette «date ultérieure raisonnable» : représentants de syndicats, d’organisations populaires, d’organisations de femmes, d’étudiants, de partis politique, d’organisations paysannes, des églises, d’organisations des droits humains, de la presse, de la société civile, des trois pouvoirs, et bien entendu les candidats.

Une telle initiative aura le triple avantage d’assumer la prise en charge par nous-mêmes d’un grave problème humanitaire national, de restaurer la péninsule du Sud et le Nord-Ouest à un niveau d’humanité digne et d’organiser dans l’ordre ces élections tant souhaitées. Il va sans dire que tous les secteurs de la nation devront se faire à l’idée d’une prolongation au pouvoir de Privert et du maintien du CEP, même quand la chose devrait les chiffonner. Il faut que tout un chacun fanasse les sacrifices nécessaires. La balle est dans le camp de Privert.

Président Privert, vous avez la parole!
Haïti Liberté Vol 10 # 15
                             

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