« Seul mérite sa liberté et sa vie celui qui chaque jour la conquiert à nouveau. »
Goethe
Les travailleuses et les travailleurs de la sous-traitance retournent tous les jours dans les rues de Port-au-Prince pour rappeler à Georges Sassine, André Michel et Clifford Apaid, Réginald Boulos, Charles Henry Backer, Grégory Brand, Marc Antoine Acra… qu’ils crèvent dans la misère avec leurs enfants. Malheureusement, les cris de leurs revendications n’émeuvent pas le cœur de marbre des parvenus arabo-haïtiens que les statistiques identifient parmi les 3% des Crésus qui détiennent 80% du pactole national. Alors que les trisaïeuls de ces « bourgeois » sans « origine de noblesse » sont arrivés aux portes de ce pays avec un petit sac suspendu au dos. Ils se sont érigés en « seigneurs » sur cette terre qui les a adoptés, et en « bourreaux » de la population hospitalière qui les a recueillis dans toute leur indigence à bras ouverts. Haïti les a sauvés de l’apatridie, du nomadisme, du vagabondage, des souffrances de la guerre, des persécutions religieuses… En retour, ces « gitans inconscients, sédentarisés » qui ont fait fortune dans l’industrie du textile se complaisent à maltraiter les compatriotes malchanceux que le mauvais sort a basculés dans l’enfer des usines d’assemblage entassées sur la route de l’aéroport, à Cité Soleil et dans d’autres zones défavorisées. Ces endroits inhumains de maltraitance morale et physique constituent des points de transit vers le sanatorium, la morgue et le cimetière.
Nous connaissons l’histoire de ces activités harassantes de travail et de toutes leurs conséquences sur la santé déjà fragile de la population ouvrière. Seule l’émergence d’une « dictature prolétarienne globalisée » fera lever le vent de changement sur les cloaques humains qui gèlent de froid, respirent la faim, la soif et la nudité.
Une police à l’image de l’État bourgeois
Lundi 22 mai 2017. À la demande de Georges Barau Sassine, un ami personnel de Jean-Claude Duvalier, et qui dirige actuellement l’Association Des Industries d’Haïti (ADIH), les policiers lâchés comme des chiens enragés par Jovenel Moïse et Michel-Ange Gédéon ont réprimé dans le sang une manifestation pacifique des masses ouvrières du Parc industriel. Malgré tout, les ouvriers grévistes n’en démordent pas. Depuis l’installation des multinationales de la sous-traitance en Haïti, la liste des doléances des embauchés ne cesse de s’allonger. Aujourd’hui, ils exigent que le salaire minimum passe de 300 à 800 gourdes, ce qui représente moins de 7 dollars US par jour. Au lieu de satisfaire aux modestes demandes, le gouvernement, – afin de plaire à la classe dominante –, utilise la force excessive pour contraindre les manifestants à retourner dans les usines. Les camarades ouvriers refusent de céder. Ils défient les menaces de révocation massive brandies par le secteur patronal qui est sur le point de perdre des contrats juteux. Le retard dans la livraison des commandes pourrait aussi entraîner des pénalités. Michel André Apaid et ses acolytes grincent les dents. Le mouvement de contestation ouvrière prend des proportions importantes. La violence policière utilisée contre les « esclaves » de la Société Nationale des Parcs Industriels (SONAPI) risque d’embraser la République. La cause ouvrière interpelle les patriotes. Plusieurs personnalités politiques et professionnelles multiplient à la radio les déclarations d’appui aux syndicats qui soutiennent la résistance des revendicateurs. Les poussées inflationnistes, dans un pays qui consomme tout, sans rien produire, – outre le banditisme et l’assassinat –, sont devenues vraiment insupportables. Les prolétaires n’ont-ils pas raison de s’en plaindre et d’exiger que le revenu de leur travail soit indexé au coût réel de la vie? Ils accusent le gouvernement de Jack Guy Lafontant d’adopter une position anti-ouvrière et de les abandonner à la merci de la « dictature du capital ». Et ils ont raison.
La situation socioéconomique qui se complique à toutes les minutes pour les marginalisés témoignent de plus en plus de la nécessité d’une « conquête révolutionnaire du pouvoir de l’État bourgeois », tel que le conçoit Jack Barnes [1] qui rapporte ces paroles de Malcom X dans son ouvrage : « Ne courez pas dans tous les sens en essayant de vous lier d’amitié avec quelqu’un qui vous prive de vos droits, ce ne sont pas vos amis, ce sont vos ennemis. Traitez-les comme tel, combattez-les et vous obtiendrez votre liberté. »
Parmi la classe des travailleurs salariés et des petits agriculteurs, nous entrevoyons l’ovulation d’une prise de conscience qui devrait inquiéter les dirigeants capitalistes locaux. Ces militants syndicaux utilisent la « dialectique d’une révolution mondialisée » pour exprimer leur ras le bol du système impérial. Certains avouent qu’ils lisent des brochures rédigées de manière simple sur la doctrine de l’ouvriérisme. Une travailleuse a déclaré sur radio Kiskeya [2] : « Nous aidons à créer des richesses, nous voulons en bénéficier également. Et c’est tout à fait juste.» L’intervenante a reconnu du même coup que les revendications ouvrières doivent viser la prise et le contrôle des organes de pouvoir de l’État. Sinon, faisait-elle remarquer, le mouvement de résistance sociale n’aura pas le dénouement escompté. D’autres syndicalistes progressistes, comme Dominique St-Éloi du Centre national des ouvriers haïtiens (CNOH), abondent dans le même sens. En échange de leur force de travail, ils veulent aussi manger un morceau raisonnable du gâteau. L’essayiste Placide Gaboury [3] aurait sûrement ajouté : « Pas la charité, mais le partage. »
Lénine, le brillant dialecticien de la révolution d’octobre, expliqua en 1920 que « la politique de l’Internationale communiste dans la lutte contre l’oppression nationale vise à unifier les prolétaires et les masses laborieuses de toutes les nations dans la lutte révolutionnaire pour renverser les propriétaires fonciers et la bourgeoisie. Seule une telle unité garantit la victoire sur le capitalisme, sans laquelle il est impossible d’abolir l’oppression nationale [4].»
Nous avons remarqué que les grévistes des secteurs de l’industrie du textile cherchent adroitement à élargir l’espace des contestations sociales et économiques. L’État est en crise. Le gouvernement de Jovenel Moïse marche sur la voie d’une explosion sociétale. Et plus inquiétant encore. Haïti est tombée en faillite. Pour répéter Raspoutine: « Quand on sème la misère, on récolte la violence.»
La bourgeoisie compradore n’a pas de patrie
Les « faucons migrateurs » qui exploitent les usines d’assemblage à Port-au-Prince et à Ouanaminthe ont millionuplé leurs « capitaux » en détruisant la classe paysanne non-scolarisée. Profitant des méfaits ravageurs des intempéries sur l’environnement agricole, les « crocodiles » qui vivent eux-mêmes des miettes lancées par les grandes multinationales pêchent la main-d’œuvre à bon marché dans l’étang de chômage, d’oisiveté et de précarité qui noie et déracine les populations rurales ruinées.
L’État confie le marché de l’importation de l’engrais chimique à la même clique des « prédateurs » qui font leur beurre dans les zones franches. Le prix du produit grimpe comme Tarzan dans les lianes de la forêt tropicale. Piégé de tout bord, le paysan se jette sur la route avec un baluchon sur l’épaule. Il devient, par la force de la misère, la « propriété » exclusive des « vipères mafieuses » qui accaparent et contrôlent les sphères de l’économie nationale. Bon nombre de « ces gens-là » – dans le langage de Jacques Brel – sont des « terroristes financiers ». Mis à part, bien entendu, quelques uns qui sont restés fidèles et loyaux envers leur patrie adoptive. Nous pouvons rappeler, entre autres, le nom prestigieux d’Antoine Isméri, de regretté mémoire. Les « chacals » de la SONAPI et les « bourgeois compradores du bord de mer » ne vouent aucun sentiment d’appartenance à Haïti. D’ailleurs, le journaliste Hervé Kempf [5], spécialiste de l’environnement écrit que « la secte des hyper-riches n’a pas de patrie.» L’écrivain souligne de plus : « …L’oligarchie fleurit aussi sur le développement des économies locales en s’accommodant […] d’une exploitation poussée des travailleurs et du dépouillement des paysans. »
Au fil des années, les « arabes ingrats » installés sur le territoire ont détruit la capacité d’autodétermination des Haïtiens. Ils sont même parvenus à fragiliser les conditions de l’indépendance et de la souveraineté de l’État. N’ont-ils pas toujours collaboré avec les puissances dominatrices contre les intérêts des indigènes ? En scrutant les dessous de l’occupation américaine, on découvre aisément les traces indélébiles de leurs mains traitresses. D’abord, le 28 juillet 1915. Ensuite le 30 septembre 1991. Et la dernière fois, le 29 février 2004. Qui a payé le poignard de 40 millions de dollars US avec lequel Michel François – l’hydre de Lerne – égorgea le « Rêve » des pauvres de La Saline, de Cité Soleil, de Solino…? Et profitant encore de l’embargo de Bill Clinton – le DSK de la Maison Blanche – ils ont plongé leurs bras dans le sang des 5 000 victimes d’Emanuel Constant et de Louis Jodel Chamblain pour puiser l’or du crime dont ils jouissent grassement jusqu’à présent. En toute impunité. Les toits de leurs somptueux châteaux sont « voisins du ciel », comme l’aurait élégamment écrit Jean de la Fontaine. Des agents de sécurité armés jusqu’aux dents montent la garde devant leurs barrières coulissantes en acier trempé, veillent sur le sommeil de leur épouse, de leurs maîtresses et de leurs enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de fréquenter les grandes universités européennes ou nord-américaines. Ils se déplacent à bord des véhicules blindés. En se juchant sur la crête des mornes et en s’exilant dans les vallées lointaines et inaccessibles, les « assassins financiers » qui prennent Haïti en otage pensent échapper au regard accusateur et au jugement sévère des « maltraités » et des « négligés » du « capital ». Seulement, les « ripailleurs » doivent se rappeler que les bidonvilles assassinés conservent la mémoire des faits et des noms. Et le gibier, quand viendra l’autre « temps » qui sera le sien, saura retrouver les « chasseurs » qui le faisaient rôtir sur le boucan de la pauvreté extrême.
André Comte-Sponville [6] a posé la question : « Le capitalisme est-il moral ? » La réponse n’est pas difficile à trouver. Chacun de nous sait que derrière ce concept malfaisant se cachent des intérêts puissants, mesquins, qui ne riment pas avec la philanthropie. Qui dit « intérêt », dit « exploitation ». Le capitaliste n’a pas d’âme. Il ne se préoccupe guère de progrès social et économique des collectivités territoriales. Il demeure tout à fait indifférent aux dangers qui émergent des crises écologiques et qui menacent la survie de l’espèce humaine. L’insouciant augmente ses dividendes. Et thésaurise. Alors qu’il est concerné comme tous les terriens par les catastrophes naturelles qui résultent de la dégradation de l’environnement.
En Haïti, 3 millions d’individus de toutes les catégories sociales s’entassent dans une cité grouillante, une capitale étouffante, engloutie sous des tonnes de déchets ménagers et industriels. Les « bourgeois compradores » ferment les yeux et se bouchent le nez. Ils ne sont pas concernés par les problèmes des inondations à Martissant, dans le Sud et dans la Grand-Anse. Ils possèdent leur résidence principale en Floride, en Guadeloupe, en Martinique et en République Dominicaine. Leurs capitaux sont exilés dans les paradis fiscaux, loin des griffes de la Direction générale des impôts (DGI). Ils n’habitent pas en Haïti. Ils viennent y travailler. Chaque vendredi après-midi, ils prennent l’avion en direction de la Floride. Et retournent dimanche au crépuscule du soir. Quand la République d’Haïti aura touché le fond véritable de la déchéance, franchi la limite irréversible de la déliquescence, les immigrants arabes qui n’ont jamais soutenu la production nationale, aidé l’État à mettre l’île sur la route du développement durable, repartiront vers d’autres cieux où ils pourront continuer à engraisser leurs dividendes.
Les manufactures ont remplacé les plantations coloniales
N’est-il pas tout à fait absurde de croire, – comme l’inculte Jovenel Moïse et ses guépards –, que l’expansion des industries de sous-traitance extirpera les paysans de la Grand-Anse des grottes, des cavernes qui les abritent des pluies diluviennes après le passage foudroyant, dévastateur de l’ouragan Matthew? L’ouverture d’une nouvelle zone franche à Cabaret a pour unique but de prolétariser les paysans de la plaine de l’Arcahaie et d’ouvrir encore plus grandes les portes du marché national à l’importation des denrées alimentaires made in United States. Le travail de la terre va être abandonné au fur et à mesure. Le petit cultivateur s’appauvrira davantage avec un salaire minimum de 300 gourdes. Bientôt, il y aura un flux migratoire vers la « ville-mère » du bicolore national. Avec ces genres d’initiative, c’est le processus de destruction de la « paysannerie saine » qui se poursuit allègrement. Là où il faut pleurer, la population marginale doit se garder de rire et d’applaudir.
Un pays victime de ses élans de solidarité internationale
Enfant, nous vîmes un Libanais fin et long comme un crayon à mine descendre d’un bateau battant pavillon bahamien sur le wharf des Gonaïves. Il était dans la trentaine. Selon les apparences. Il n’avait aucun bagage. Personne ne l’attendait. Il se présenta à la douane portuaire et ressortit quelques bonnes minutes plus tard. L’étranger longea la grand-rue à pas cadencés en direction du petit hôtel qui se trouvait en face de la caserne Toussaint-Louverture. Par la suite, nous le croisâmes plusieurs fois avec la chemise blanche et le pantalon noir qu’il portait le jour de son arrivée. En moins de 3 mois, l’individu tenait un magasin de tissus et de chaussures sur la place du marché. Il siégeait déjà parmi le clan restreint des notables. Il choisit une épouse de même origine ethnique que lui et se fonda parmi les riverains. Après quelques années, l’homme venu des régions montagneuses du Liban fit fortune. Comme tous les syriens, les juifs, les palestiniens, qui étaient arrivés dans la ville avant lui.
Le service de l’immigration d’Haïti est très tolérant. Il ne refoule pas les étrangers qui cherchent à obtenir l’asile pour des raisons politiques, économiques et religieuses. Les expatriés, quelle que soit leur appartenance culturelle, quel que soit leur lieu de provenance, ne se font pas chasser ou emprisonner en franchissant les frontières maritime, aérienne ou terrestre de la République. Ils sont accueillis à bras ouverts. Même sans passeport, même sans visa, ils arrivent à obtenir une autorisation de séjour temporaire ou permanent sur une « terre de liberté » qui défend les principes sacrés de la « libre circulation » des êtres humains sur la planète. Les obstacles frontaliers entre les États sont historiques. Ils ne remontent pas à la genèse de la « Création ». D’ailleurs, il n’y avait pas d’institution étatique. Le concept de société, incluant le droit positif et tout ce qui s’y réfère n’était même pas parvenu au stade de l’embryogenèse. On ne parlait pas encore de structure sociétale organisée. Les philosophes contractualistes désignaient cette époque par la locution substantive de « l’état de nature ». Ceux-là qui ont érigé les barrières matérielles entre les peuples ont entaillé les préceptes moraux qui caractérisent fondamentalement l’existence humaine. Nous avons été créés pour vivre ensemble. Pour nous entraider. Pour nous interprotéger. Aucun citoyen ne devrait bénéficier des privilèges de statut social, d’appartenance raciale, d’origine familiale par rapport à un autre. « Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris. » (Souviens-toi homme que tu es poussière et que tu retourneras dans la poussière.) Ma grand’mère, par ironie, faisait toujours remarquer qu’elle n’a jamais vu un château suivre son défunt propriétaire au cimetière. Les « vivants raisonnables » entrent dans l’existence nus comme un vers, ils en sortent avec un cercueil. Seules leurs « bonnes actions » comptent et servent d’« exemples » à ceux qui les remplacent.
L’écrivain Bernard Diederich [7] a rencontré récemment à Port-au-Prince des journalistes, des professeurs et des étudiants haïtiens, après la signature de son récent ouvrage sur le règne politique des Duvalier : « Le Prix du Sang. La résistance du peuple haïtien à la tyrannie… » L’ex-ministre de la communication et de la culture de Jocelerme Privert, Marcus Garcia, modérait les échanges à caractère discursif. L’essayiste a avoué que le bateau sur lequel il voyageait, faisait escale en Haïti, lorsqu’il prit la décision de planter sa tente à la capitale et d’y prendre femme. Il était séduit par la beauté du paysage et par l’accueil chaleureux qui lui fut fait.
Le gouvernement dictatorial exigea le départ du Zélandais le 26 avril 1963. Cette date correspond à l’une des journées de sang qui étampent Port-au-Prince dans l’historiographie universelle.
Ce n’est pas étonnant
Le gouvernement de Jovenel Moïse appuie sans réserve le secteur patronal qui a financé sa campagne électorale à coups de plusieurs millions de dollars récoltés dans des opérations de malversations financières. Sans écarter, bien sûr, le trafic de la drogue et le blanchiment de l’argent sale. Le « gérant » de l’Agritrans a atteint son but. Il doit maintenant passer au guichet des « bailleurs » intransigeants pour régler les factures de sa présidence frauduleuse. Entretemps, son entreprise a été démasquée en tant que création bidon qui a aidé l’équipe gouvernementale précédente des « crânes rasés » à déposer près de 15 millions de dollars US de plus dans le panier des vols et des détournements de fonds qui lui sont attribués. L’un des membres influents du cabinet de Jovenel Moïse, l’ex-ministre des finances du « parti rose », Wilson Laleau, a déjà été entendu par le Parquet dans le cadre d’une enquête diligentée pour clarifier une affaire de « gâchis administratifs, de détournements des fonds PetroCaribe et de dilapidation des caisses de l’État ». Le scandale financier est classé sans suite. Et ce n’est ni le premier. Ni le dernier.
Au lendemain de la confirmation de sa « nomination à la présidence » par Léopold Berlanger, Jovenel Moïse est apparu tout ému et tout souriant aux côtés de Marc Antoine Acra, lui-même aussi accusé dans une affaire de « drogue sucrée ». Cette « tête de linotte » n’avait-elle pas laissé échapper « qu’il est tout à fait normal pour quelqu’un qui travaille de devenir millionnaire ». De quel type de « travail » le « petit paysan prétentieux et inculte (PPPI) » – sans insulter nos courageux et intelligents compatriotes des campagnes qui nous ont donné le grand Dumarsais Estimé – parlait-il ? Vendre des stupéfiants, blanchir de l’argent sale? Car dans quel coin du monde a-t-on déjà vu des pauvres travailleurs et journaliers intégrer le rang puissant des millionnaires et des milliardaires, ces individus ventrus, intouchables qui tiennent le monde dans la paume de la main, qui se prélassent au bord de leur piscine bleutée, qui s’exposent sur les plages du Maroc, du Brésil, de la République dominicaine, du Mexique, de la Floride, en compagnie des créatures débauchées qui éclatent de beauté comme Hélène ou Adonis, et qui scintillent dans les nuits orgiaques comme la couronne du roi Salomon? Dire que l’on trouvera encore des « timorés » qui viendront faire la leçon de respect des « autorités politiques » aux citoyennes et aux citoyens dégoûtés et révoltés!
Quel sentiment de « respect » peut-on manifester envers des rois, des présidents, des sénateurs, des députés, des premiers ministres, des ministres, des directeurs généraux qui dévalisent l’État et qui jettent leurs concitoyens dans les flammes de la misère? Comment peut-on s’agenouiller devant des cardinaux, des évêques, des prêtres, des pasteurs, des imams, des moines qui prostituent leur foi, salissent leur conscience, ridiculisent leur croyance et qui gomment leur dignité en appuyant inconditionnellement l’«oligarchie des loups » qui dévorent les « Blanquette » sans défense? Saurait-on exiger des militants de la lutte pour la libération de toutes les « Cosette » de se courber devant les « Thénardier » du monde et de baiser leurs mains souillées de méchanceté et d’injustice ?
Mencius, le philosophe chinois reconnaît : « Quand un chef d’État traite ses sujets comme la mauvais herbe et la saleté, alors ses sujets doivent le traiter comme un bandit et un ennemi. »
Nous refusons d’appeler ce Jovenel Moïse « président de la République d’Haïti ». Les autorités judiciaires attendent impatiemment le moment de mettre le grappin sur l’homme et de le juger pour des crimes reconnus très graves. Comment Évinx Daniel, le parrain de la mafia du Sud et de la Grand-Anse a-t-il disparu? Que savent le prisonnier Guy Philippe et le délinquant Jovenel Moïse à propos de cette affaire embarrassante qui va jusqu’à troubler le sommeil de l’ancien empereur Lucius Aurelius Commodus ? Le procès de Moïse pourra-t-il esquiver ces interrogations? Le peuple haïtien crie : « Luceat lux ». Et les citoyens gardent toujours l’espoir que la lumière de la « vérité » finira certainement par luire sur les ténèbres du « doute ». Grâce au « Parlement » mal constitué et croupionné par les ambassades, Jovenel Moïse a déstabilisé toute la structure organique de l’UCREF. En révoquant le mandat du juge Sonel Jean-François, l’écervelé espère bêtement se soustraire à une poursuite judiciaire? Il se trompe. L’État est permanent. N’importe quel gouvernement choisi effectivement par le peuple pourra faire appel à Me Jean Danton Léger, à Me Sonel Jean-François, de sorte qu’ils puissent reprendre le « dossier brûlant » là où ils ont été contraints de le laisser. La partie est donc seulement remise.
Pour que le mouvement ouvrier triomphe
Le combat qui oppose les ouvrières et les ouvriers de la sous-traitance doit être soutenu par toutes les couches sociales progressistes de la vie nationale. Le salaire minimum d’Haïti est catalogué comme étant le plus bas sur le continent américain. Si les grévistes reculent devant le patronat avide, vorace, malhonnête, c’est la guerre qu’ils perdront. Et non pas un combat. Comme ils le disent bien : ils n’ont rien à perdre. Au contraire, ils sont en train de faire pencher la balance des rapports de force en leur faveur. Il faut que les journalistes avant-gardistes locaux accompagnent les camarades sur le chemin de leurs revendications. L’ADIH cherchera par tous les moyens à transformer les « chômeurs chroniques » en « briseurs de grève », afin de désolidariser et de diviser les populations nécessiteuses des bidonvilles.
Le jour où le montant du salaire minimum se sera mondialisé comme le « capital », il n’y aura plus de délocalisation des entreprises bourgeoises. C’est vers cette direction que le syndicalisme international doit commencer à regarder, afin de permettre aux masses prolétariennes de jouir favorablement des retombées bénéfiques de leur force de travail. En attendant ce « Jour » où les moyens de production seront effectivement réappropriés.
Robert Lodimus
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Notes et références
[1] Jack Barnes, Malcom X, la libération des Noirs et la voie vers le pouvoir ouvrier.
[2] Radio Kiskeya, Di’m m’a di w.
[3] Placide Gaboury, Pas la charité, mais le partage.
[4] Rapporté par Jack Barnes, Malcom X, la libération des Noirs et la voie vers le pouvoir ouvrier.
[5] Hervé Kempf, Comment les riches détruisent la planète.
[6] André Comte-Sponville, Le capitalisme est-il moral?
[7] Bernard Diederich et Al Burt, Papa doc et les tontons macoutes.