Port-au-Prince

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En prononçant la première syllabe de ton nom

Je me suis mordu le côté droit de la langue

En prononçant la seconde syllabe

Je me suis coupé le côté gauche

Durant la troisième

Mes dents ont failli me décapiter le bout.

Comme les eaux marines dans ta baie

Sanglant devient le crachat  dans ma bouche

Mes lèvres dégoulinent, giclent du sang

Comme tes murs fragilisés.

 

Port-au-Prince

Conçue pendant l’un des viols les plus affreux

Sur notre planète harcelée

Malgré tout tu as grandi

Tu as grandi pour devenir une adorable femme

Une femme dont  les seins savoureux

Attiraient non seulement de simples gens

Mais également des mendiants et des voleurs

Des prêtres et des pirates

Aussi bien que des princes et des rois.

Les lunes et les soleils de chaque année ont illuminé

Et l’élargissement de ta hanche

Et l’expansion de ta poitrine

Ta prairie enchantée  a conçu des générations d’enfants

Mais ni enfants, ni prêtres

Ni pirates ni princes

Ni rois, ni même les dieux

Pour qui tu ériges des autels fleuris

A qui tu sers des mets paradisiaques

Pour qui tu tonnes tes tambours Rada et Assotor

Et entre en transe

T’aspergeront d’eau bénite

Pour chasser le sort maléfique

Laissé par la première croix

Erigée sur les rives d’Ayiti Toma.

Port-au-Prince

Sanglant est devenu le crachat de ma bouche

Comme les eaux marines de ta baie.

Allongée sur le dos  dans un lit déplorable

De boue  d’excréments et de sang

Tes jambes  largement écartées

Révèlent les pétales desséchés d’une fleur

Maintes fois bafouée:

LA RAGE DE LA MÈRE PATRIE!

LE RETOUR DE NOUVELLES HORDES DE RAPACES!

LA TRAHISON DES ENFANTS MATRICIDES!

Nombreux étaient les sambas

Nombreux étaient les poètes

Dont les lyres  chantaient

Ton passé glorieux

Ces jours reviendront

Ils reviendront

De nouvelles rangées de lauriers repousseront

Et sèmeront dans tes rues

Leurs pétales  roses et blancs

Les palmiers géants balanceront à nouveau

Leurs feuilles grandioses

Dans de plus douces brises

Et pointeront leurs flèches vertes

A ton  ciel bleu.

Les arbres acajou

Les arbres de “ Kita Nago”

S’inventeront des racines plus fortes

Des branches et des feuilles  plus fortes

Pour  t’aider à résister

Aux  ouragans les plus féroces

Et  aux  séismes les plus odieux

Et deux lampes de l’éternel progrès brilleront

Une au-dessus du Morne  Hôpital

Une  au-dessus du Fort National

Pour baigner de lumière

Chaque nouvelle génération d’enfants.

Et la bouche caverneuse de ton denizen vengeur

Ne sera plus pleine de sang.

Poème de Denize Lauture  traduit de l’anglais

En collaboration avec Coutecheve  Lavoie  Aupont

 

 

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