« Pleins Feux sur » : Ernst « Nono » Lamy (Port-au-Prince, 1923 – Canada, 1992) « Un leader naturel »

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Ernst « Nono » Lamy

Musicien rehaussé d’une expression remplie de finesse, “Nono” a propagé un style tout à fait distinctif. Artiste dans l’âme, déjà à l’âge préliminaire; il fit montre de ses aptitudes exceptionnelles. Mené en ce sens par la connaissance et l’expertise de sa mère, la pianiste Adèle Guilbeau Lamy. Laquelle fut en son droit, la récipiendaire d’un prix au Conservatoire de Paris. C’est sous son instruction, son savoir-faire et son sens de discipline que le petit ‘’Nono’’ apprit les premiers fondements de sa formation musicale agrémentée de classicisme, qui lui permit de s’innover, faisant montre de ses atouts particuliers. Cependant, la mort prématurée de sa mère qui l’encouragea vers une orientation ‘’classique’’ eut pour conséquence de l’éloigner de ses origines musicales. Pour s’atteler de préférence dans l’exploration des rythmes de climat et un profond désir d’être un pourvoyeur des paramètres natifs, aptes à lui permettre de mieux s’extérioriser et donner libre cours aux sonorités plurielles qui caractérisaient l’environnement eurythmique natif.

Pour cela, il s’en remit sous l’ingénieuse instruction du légendaire François Guignard, afin de mieux maîtriser les sujets qui mènent à la route du vedettariat aussi bien que les impondérables qui parsèment les visées bacchanales. Il alla aussi trouver abri au côté de ‘’Dodof’’ Legros, avec lequel une complicité accrue se développa. A cette étape, il fit déjà l’objet de nombreuses sollicitations, et, se retrouva au sein du « Jazz Chancy » avec lequel son ascension fut fulgurante. Subséquemment, il fut repéré comme l’ainé de Guy Durosier, de Raoul et Roland Guillaume; un quatuor de prodiges qui faisait la pluie et le beau temps à la fanfare de l’Institution St Louis de Gonzague. Avec tous les signes avant-coureurs de celui qui allait marquer la musique haïtienne. Il s’imposa ainsi avec l’orchestre le plus grandiose de l’époque que fut le groupe de Issa Sahieh, en tenant l’accordéon, pendant que le célèbre musicien cubain Bebo Valdez fut au commande des claviers. Et lorsque Issa perdit de son influence sur l’orchestre qui était bourré de talents exceptionnels et, que Bebo dut remettre le tablier, ‘’Nono’’ fut appelé au milieu de ce beau monde à le remplacer comme arrangeur attitré du groupe.

Pianiste aux multiples facettes, il n’appartenait pas aux classifications simplistes. Dès les années 1940, ce talent épanoui mit en évidence ses capacités de multi-instrumentiste. Il excellait à l’accordéon et à la basse, dont il jouait dans des associations exploratrices en compagnie de ses amis “Dòdòf”, Durosier, Dormelas etc. ; lorsqu’il s’attela à innover les données exploitées. Mais c’est surtout comme claviériste qu’il atteignit le sommet de son art en Haïti et à l’étranger. Après la dissolution de l ‘« Orchestre Sahieh », il s’établit en leader discret de sa génération et, fut choisi pour rallier les membres éparpillés, afin de se regrouper avec la bande de « Cabane Choucoune », puis de l’« Orchestre de Nono Lamy ». Encore là, sa maestria le mit dans le collimateur des producteurs de show et de spectacles, fort de son style inventif et pluriel qui lui valut de trôner à Cuba, Porto-Rico, Mexique, et la République Dominicaine, où il reçut l’offre de diriger l’«Orchestre San José» de Santo Domingo, pour le compte de la ‘’ Voz Dominica’’. Tout en déclinant l’invitation insistante de la « Sonora Matancera » qui voulait s’attacher ses services.

De retour au pays après cinq années à s’imposer en République Dominicaine, il collabora avec l’ « Orchestre Riviera » de son alter ego Edner Guillard, s’innovant surtout à l’accordéon et  faisant office d’arrangeur. Il s’impliqua aussi dans des explorations avec le groupe « Ibo Lele » de Guy Durosier, tout en continuant à faire des vagues ici et ailleurs, en faisant l’offrande de cette brillance qui lui valut de nouvelles aventures tout aussi excitantes. Entre autres, une offre de la Télé Métropole au Québec, qui l’engagea en compagnie du chanteur Joe Trouillot ; l’ayant autorisé à conquérir d’autres villes canadiennes dans des prestations pertinentes. Subséquemment, il continua à être aussi impeccable comme accompagnateur et comme soliste, dans des ultimes prouesses avec le « Doremi », toujours en compagnie de l’indécrottable Joe Trouillot. Son approche universelle le plaça à la croisée des chemins de tous les genres contemporains, élaborant avec adresse des transpositions vibrantes et motivantes pour ses partenaires. Sa popularité allant de pair avec son expertise, il était incessamment en demande.

Mais, vint un temps ou ‘’Nono’’ eut à affronter un cancer du colon qui l’incita à prendre du recul tout en faisant des prestations sporadiques, continuant à gratifier de ses envolées éclatantes. Ernst Lamy s’est caractérisé par sa liberté rythmique, sa subtilité harmonique, sa touche à la fois élégante et envahissante, sa sonorité rayonnante et son inventivité intarissable. Il demeure à juste titre l’un des pianistes les plus influents de son temps. Lorsqu’il succomba finalement en 1992, sous le poids de cette maladie, courageusement supportée dans la discrétion, il laissa un vide immense dans le cœur de son entourage qui l’a classé insurpassable, et des mordus de la musique qui l’ont toujours tenu superbement en estime.

 

  • ‘’Ce texte est extrait du livre ‘’Les 100 plus influents musiciens Haïtiens…’’
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