Mushi Widmaier (Port-au-Prince?)
« Un prodigieux claviériste »
Ce pianiste moderne et avisé s’est amené en innovateur de sa génération. Musicien précoce et de surcroît inclassable, Mushi a transcendé tous les styles, conventionnels et modernes en explorant toutes les facettes des claviers. C’est au milieu des années soixante-dix qu’il surgit dans la mouvance fusion et de la musique expérimentale chère à Gérald Merceron. Rien d’étonnant, puisqu’il a grandi dans l’ambiance des mille et un métissages chers à son père H. Widmaïer, un explorateur patenté. En plus de son séjour au ‘’sunshine state’’ à peaufiner ses sujets .C’est donc imbu de son domaine qu’il a su exceller lors des éternels jams-sessions, embrasant tant de nuances musicales. A ce carrefour, le prodigieux Mushi se fait déjà remarquer, pour être sollicité à toutes les sauces musicales: «Caribbean Sextet», en tandem avec Régi pour des sortilèges en plus complémentaires. Le «Scorpio», en aspergeant le morceau :Tandé de randonnées sobres, lesquelles se distinguaient des envolées tonitruantes des synthétiseurs indiscrets de l’époque.
Il a collaboré aussi avec : «Zenglen», «Djanm», et «Boukman» pour lesquels il infusa ses vibrations rasin. Ce qui fit de lui un vrai colosse de multiples excursions. Musicien divers, on l’a repéré dans une toute autre approche avec le «Zèklè», groupe pionnier de la “nouvelle génération”, dont il a élaboré en compagnie de son frère Joël, les paramètres musicaux. Dans ce courant, il a fait preuve d’un flair en plus explorateur, incorporant des approches standardisées à la ‘’free music’. Il faut aussi à son sujet se référer aux coups d’éclat du groupe «Lakansyèl» pour mieux cerner la dimension de ce musicien hors-norme, dans l’album en solo: “Kote ou”, qui révéla son talent abondant, ses surprenantes envolées atonales et aussi, dans ces gammes qui défilent comme des perles étincelantes.
Avec en plus, un sens d’innovation éclectique dans un développement harmonieux, d’une rare sophistication. Au niveau des arrangements, il se montre tout aussi surprenant dans les renouvellements des thèmes: allégories, tournures non-figuratives, élaborées âprement et avec créativité. Mais, tout comme son frère Joël, il semble donner l’impression que la musique n’est pas sa première priorité, chaperonnant de préférence des musiciens qui rêvent d’avoir leur talent. C’est qu’un musicien de ce statut ne doit pas courir les rues que ce soit à New-York, Londres, Paris, Johannesburg. Alors pourquoi ferait-il le ‘’loser’’ à Port-au Prince? Mais, comble de raison, c’est toujours pour le bonheur des mélomanes que Mushi renoue avec la musique, comme dans la gratification du c.d : ‘’My World’’ en plus impeccable. Imbibé d’un phrasé rigoureux et conventionnel pour se muer en un style très orchestral, enrichi de langage harmonique, avec sa part de dissonance et des orientations radicales.
Au gré d’un jeu ciselé fait d’une grande imagination, auquel il intègre une dose d’eurythmie, transfiguré dans la thématique de la world-music. Tout en mettant en verve des dialogues entre le passé, le présent et l’avenir lesquels animent une production marquée des vagues polyphoniques supportées par des grooves asymétriques. Avec une section d’octaves expressives d’une rare qualité épique. En plus, en misant sur son talent, parcourant les festivals de jazz en diaspora et ailleurs et, de retrouvailles sporadiques, aptes à fructifier un art qui doit s’exposer à l’appréciation de plus d’un.
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Joël Widmaier (Port-au-Prince,*)
« Un modèle contemporain »
Joël représente à la fois la quintessence musicale et vocale d’une nouvelle tendance qui s’est ressourcée à tous les genres, et dont il a constitué l’avant-garde de par son talent versatile de: chanteur, percussionniste, guitariste, compositeur et parolier sur les traces de son pionnier de père Herby Widmaïer. C’est au comble des randonnées exploratrices d’avec Gérald Merceron, qu’il passa son examen vocal dans la pièce: “Je m tonbe nan je ou”, propulsant une voix non-ordinaire, captivante de sonorité ‘’cool’’. Entre temps, c’est à partir de l’éclosion du groupe « Zèklè », et de la musique fusionnée de «Lakansyèl» qu’il infusa sa polyvalence, de son timbre limpide et chaleureux aspergé d’un scat libertaire et éclectique: free, rocky, bluesy, qui malgré tout, ne se vide pas de son identité locale. Et comme batteur de son état, Joël n’en demeurait pas moins un étonnant percussionniste qui a su explorer toutes les dimensions de cet instrument pour s’appliquer en représentant de l’environnement sonore, au gré de son art du dosage et un jeu fait de ponctuations précises. Tout en entrecroisant ses vocalises impromptues, sereines et improvisées à ses chevauchées percussives.
C’est autant de traits qui l’ont installé comme un modèle à suivre par ses contemporains. J.W a chanté diverses ritournelles pour le «Zèklè» et le «Caribbean Sextet», deux groupes au sein desquels il a simultanément rempli la double fonction de chanteur-batteur dans les années 1990: Se ou menm, Amélie, Reponn mwen, Tambour battant, Move nouvèl, Pil ou fas, Si ou vle, Adye, Sodo, San mele, Caribbean update, Makaya, Sonje mwen renmen w, Chante lanmou, Anyway, Wangol, Decide w, M ap fè yo ti bo, etc. Avec le temps, le vocaliste a cédé le terrain au percussionniste. Puis, «Zèklè» et «Caribbean», n’étant plus sous les feux de la rampe, il finit par se joindre entre autres associations fugaces, au groupe «Strings» comme batteur, chantant par intermittences. Ainsi que la voix talismanique des sublimes productions de Réginald Policard.
Malheureusement, à cette étape, sa carrière mitigée n’a pas pu égaler son immense talent qu’il a gaspillé dans d’autres fonctions aléatoires. Cependant, lorsque de, retour aux postes au comble des ‘’réunions’’ occasionnelles avec le « Zèklè »,le «Caribbean».Et d’autres associations auxquelles il sait se propulser à l’occasion en propagateur pluriel, nimbant de sa fraîcheur, son exubérance et sa voix de excentrique, laquelle demeure parmi les plus singulières d’un milieu avec qui il a renoué, avec les bons félins et les onomatopées. Tout en mettant en évidence une texture agrémentée de lyrisme et d’expressivité. Et comme batteur qui s’y connaît bien en percussions et de tous ses composants; lui qui sait se montrer dominant dans le domaine de la mesure. Sachant transformer toute boue percussive en or.
Il s’est surtout catalysé comme chef de file parmi les instigateurs: dont son frère, Mushi, Claude Marcelin, Raoul Denis etc; ayant propulsé la mouvance Nouvelle Vague avec le Zèklè, explorant un concept polyrythmique tonal et syncopé, inspiré de référence globale. Imprégné d’une fusion de l’exotisme à l’ordinaire. Trait-d’union entre le pop et le konpa alors en proie à de brusques mutations par rapport au rock et à la world beat; jusqu’à des randonnées rasin .Et en défricheur de toutes les orientations diverses. Autant de diadèmes qui l’imposent en modèle contemporain. Et de tant de marques à maintenir dans une perspective de revalorisation des vieux héritages.
(*)Déja apparu dans :’’Top 10 vocalistes’’.