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Le monde est plein de mystificateurs, d’arnaqueurs qui courent les rues. Ils trompent la vigilance et la bonne foi de gens naïfs, trop crédules, et arrivent à se faire passer pour des personnes crédibles jusqu’au jour où ils ont fait tant et tant, dit tant et tant qu’on finit par s’en rendre compte. Ils sont de tous les milieux, de tous les domaines, de toutes les strates sociales, de partout. Deux exemples suffiront à illustrer le propos arnaquant.
Pascal Pia, de son vrai nom Pierre Durand, qui fut un critique littéraire brillant, ami de Malraux et de Camus, a publié en 1925 — il avait alors 22 ans — une plaquette intitulée À une courtisane contenant de prétendus poèmes inédits de Baudelaire entièrement de sa main et qui furent réédités en 1945. Le mec, captivé par l’odorance de Les fleurs du mal, avait entre-temps rédigé un faux journal de Baudelaire, qui parut dans l’édition de la Pléiade de 1941 établie par le spécialiste Yves-Gérard Le Dantec. Ce dernier en fut parfaitement mystifié quand il découvrit les courtisaneries et journaleries de Durand.
Banni de sa Sicile natale pour escroqueries, un certain Joseph Balsamo, dit comte de Cagliostro, arrive en 1780 à Strasbourg. Il se fait surtout remarquer par ses conseils de charlatan. “Accompagné d’une dame qui prétendait avoir des visions, il mystifiait toute la haute société, à commencer par le cardinal de Rohan”, ancien ambassadeur du roi à Vienne qui scandalisera la cour viennoise et l’impératrice Marie-Thérèse laquelle demanda son rappel.
Rohan se fit embobiner en 1785 par Cagliostro dans la fameuse affaire du collier de la reine, dont les diamants tombés aux mains de la filoute Mme de La Motte-Valois, maîtresse du cardinal, seront vendus dans toute l’Europe aller pour venir. Mais, pour l’instant, mystifié tribord et bâbord, Rohan fut persuadé que son protégé fabriquait de l’or et possédait une eau de jouvence…
Trêve d’européanités pour en venir à des haïtianités. Du président Sténio Vincent de corrompue mémoire à l’actuel, non moins corrompu chef de l’État haïtien, Jovenel Moïse, les mystificateurs n’ont pas arrêté de gesticuler. On les retrouve parmi les candidats déclarés ou sous le châle, les sempiternels bouffons de l’opposition, les ‘‘bonnes gens’’ de la société civile et les faiseurs d’opinion de la presse autoproclamée « indépendante ». On a l’impression qu’ils pullulent les avenues politiques du pays, une carte de visite menteuse à la boutonnière, annonçant leur métier de « dépanneur » politique. En plus d’être des mystificateurs, ils sont aussi, et surtout, à des degrés divers, de vains hâbleurs, de déroutants ranceurs ou de risibles bétiseurs.
Depuis le 7 février 1986, ils font la une des journaux, des micros et des écrans de télévision. Ils peuvent se montrer sous des dehors progressistes : en un tournemain, l’espace d’un cillement, ils peuvent par exemple faire d’une Organisation Politique Lavalas (OPL) une Organisation du Peuple en Lutte (OPL). C’est sans doute un grand intellectuel du sérail qui a eu l’idée géniale de cette métamorphose. Pourtant, pas un seul des membres ne saurait honnêtement dire qu’il vit au sein des masses. Qu’à cela ne tienne, ils « luttent ».
Ils n’hésiteront devant aucune simagrée, grimas, grimacerie, bouffonnerie, pitrerie, singerie, clownerie, filouterie, riziblerie, pour mystifier la population. On n’a pas idée comment des intellectuels, des hommes de loi, des chefs de parti puissent se convertir en olibrius de peu de valeur, en risibles magouilleurs, juste pour épater les naïfs, les crédulets, les benêts, les simplets, les andouilles, les nouilles et les niquedouilles et faire avancer leur cause. En l’occurrence, on se souviendra longtemps encore du fameux et fumeux ‘‘gouvernement de Pont Morin’’, mis sur pied en février 2001 par une clique de ranceurs, de bétiseurs et présidé par un honorable septuagénaire, homme politique, avocat, militant des Droits humains, ministre, ambassadeur, enseignant, qui se laissa prendre au piège de mystificateurs qui abusèrent de son âge avancé. Éventuellement, la PontMorinerie finit en queue de poisson, queue de mensonge, queue d’haïtianités, queue de bouffons qui durent entrer leur queue entre leurs jambes politiques.
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