Lovinsky Pierre Antoine disparu, mais pas oublié !

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Lovinsky Pierre Antoine: «son militantisme, son sérieux, son respect de la parole donnée, son esprit d’équipe, et surtout son amour pour Haïti» portaient ombrage à ceux qui l'ont livré au «laboratoire».

Dix ans plus tard, la douleur est encore vive, l’immense blessure infligée à une épouse, à deux fils désemparés, est encore vive. Les membres de la Fondation 30 septembre, la communauté des hommes et femmes progressistes luttant pour la dignité de l’être humain, pour le respect de la personne humaine, n’arrivent pas encore à absorber l’idée, la réalité qu’un patriote, un militant sincère, un homme de vigie scrutant l’avenir du pays, un nationaliste de la verticalité et du courage de Lovinsky Pierre Antoine ait pu disparaître sans laisser de traces, sans que nulle instance étatique nationale ne se soit sentie concernée par une aussi tragique disparition.

Le 12 août 2007, disparaissait Lovinsky Pierre-Antoine ex-dirigeant de la Fondation 30 septembre établie pour aider les victimes du coup d’Etat de 1991 contre l’ancien président Aristide. L’organisation a œuvré activement à obtenir la libération de centaines de prisonniers politiques, y compris certains détenus pendant le «gouvernement intérimaire» de Boniface-Latortue (2004 à 2006). Lovinsky a été enlevé après une réunion qu’il a eue à Delmas avec une délégation d’enquêteurs américains et canadiens des droits de l’homme dont il était le conseiller.

Il avait laissé précipitamment son domicile à Delmas 31 après avoir reçu un appel téléphonique lui fixant un rendez-vous. Depuis, il n’a plus été revu. Il semble qu’il aurait eu une dernière conversation téléphonique avec quelqu’un de ses proches le dimanche soir vers 11 heures, deux jours avant sa disparition, laquelle avait été rapportée à toutes les instances concernées du pays : des bureaux de la Présidence à la Police Nationale d’Haïti en passant par la  Primature, le Parlement et le Ministère de la Justice. Deux organisations internationales supposées concernées par les droits humains, l’ONU et l’OEA avaient été aussi averties.

Selon certaines sources, tous les appels destinés à ses trois téléphones cellulaires étaient restés sans réponse.  Il aurait été intercepté par des ravisseurs pendant qu’il regagnait son domicile à Delmas 31, après avoir raccompagné des camarades dans le quartier voisin de Delmas 33. Néanmoins, aucune demande de rançon n’avait été formulée jusqu’à mardi matin, alors que d’autres sources prétendent que sa famille aurait été contactée et une rançon de 300 000 USD demandée, mais qu’il n’y aurait plus eu de contact avec ses ravisseurs. 24 heures auparavant, la police avait retrouvé à Delmas 10 le véhicule que pilotait Lovinsky Pierre-Antoine.

Dix ans plus tard,  en août 2017,  personne ne sait encore comment a disparu Lovinsky Pierre-Antoine. Chaque année, en cette date du 12 août, tous ceux et toutes celles qui vivent encore la douleur atroce de cette disparition incompréhensible espèrent un miracle. Dix ans plus tard, il n’y a pas encore eu de miracle. Mme Michèle Pierre-Antoine, ses deux garçons et la famille du disparu resteront encore sans nouvelles de Lovinsky. Un nouvel anniversaire de deuil, passé à retourner mille fois la cendre du chagrin, d’une vaine attente et d’une persistante et lancinante agonie mentale. La Police nationale n’a même pas pu se targuer de dire que «l’enquête se poursuit», n’ayant jamais pu dire qu’elle avait même commencé.

Lovinsky Pierre-Antoine fut un critique notoire de l’ingérence étrangère dans les affaires haïtiennes aussi bien que des politiques économiques privant l’Haïtien des moyens d’accéder au minimum nécessaire à une existence digne. Il a été peut-être le principal promoteur d’un amendement constitutionnel visant à empêcher le retour des forces armées d’Haïti.

Selon l’Institut pour la Justice et la Démocratie (août 2010), Lovinsky Pierre-Antoine recevait constamment  des menaces de mort en raison de ses activités en matière de droits de la personne, depuis au moins 1996. Il avait été forcé de fuir Haïti après le coup d’état du 29 février 2004 et il a passé les trois années suivantes à Washington DC, dénonçant la répression dans son pays. Il est revenu en Haïti peu de temps après la restauration de la démocratie en mai 2006 malgré d’autres menaces de mort.

Lovinsky faisait peur, politiquement, à bien des gens qui pouvaient avoir pris ombrage de sa verticalité, de «son militantisme, son sérieux, son respect de la parole donnée, son esprit d’équipe, et surtout son amour pour Haïti», pour reprendre les mots justes de son épouse.  Des jours avant son enlèvement, il avait annoncé son intention de se présenter aux prochaines sénatoriales partielles prévues à la fin de l’année 2007 pour le poste de sénateur en tant que candidat du parti Fanmi Lavalas. Est-ce le parti qui l’y avait invité ? Voulait-il voler de ses propres ailes ? Ce qui aurait peut-être froissé certaines susceptibilités jalouses de leur autorité suprême. Pour qui était-il un rival dangereux? Pourquoi fallait-il l’abattre? Quel rôle sinistre a pu jouer le ”laboratoire”? Y a-t-il eu dans son entourage politique immédiat quelque ”cinquième colonne”,  quelque Conzé à qui la popularité croissante et le prestige militant de Lovinsky a pu faire ombrage ? Des questions qui attendent encore réponse.

Il y a eu certainement complicité quelque part. Certaines personnes, haïtiennes,  proches de la délégation dont Lovinsky était un conseiller ou qui en faisaient partie, devraient pouvoir se souvenir des noms des membres de cette délégation. Il y a eu concertation entre certaines autorités pour faire le silence sur la disparition de Lovinsky Pierre Antoine. Même, il y a peut-être eu des ordres venus de très haut sinon de « très loin » pour enterrer à tout jamais l’existence de Lovinsky Pierre Antoine, pour que nulle enquête ne démarre, pour que la disparition de Lovinsky soit oubliée purement et simplement. Une affaire d’État à classer, sans doute parce que Lovinsky devait trop savoir de sordides et machiavéliques combines tramées contre le peuple haïtien.

Nous aimerions croire que les responsables haut placés de Fanmi Lavalas n’ont pas oublié Lovinsky Pierre Antoine, vrai gardien du temple lavalas où, à un moment donné, s’étaient réfugiés les espoirs des masses. On s’attendrait à voir cette organisation politique se joindre à la Fondation 30 septembre, chaque année, pour garder vivante la mémoire de Lovinsky, son courage, sa verticalité, sa rectitude politique, son enthousiasme à travailler avec les masses, aux côtés des masses, pour les masses. Autant de qualités morales et politiques qui devaient enlever le sommeil à certains, soucieux de leur petite personne, jaloux de la détermination sincère de Lovinsky à participer à l’établissement de rigoureux changements, fondamentaux, au pays. Changements ardemment souhaités au lendemain du 7 février 1986, avortés après le 16 décembre 1990 et, depuis, trahis et mis au rancart par les forces obscures et obscurantistes veillant au statu quo.

La disparition de Lovinsky est un crime abominable contre le peuple haïtien, un crime ignoble contre la démocratie, un crime méprisable contre les masses haïtiennes avides de changement, un crime atroce contre les proches de Lovinsky, un crime infâme contre le changement, contre la justice, contre la dignité du peuple haïtien, un crime abject pour lequel les commanditaires et les exécuteurs devront payer un jour quand la force de marée d’un soulèvement populaire contre l’iniquité en cours viendra balayer comme un fétu de paille tous les criminels coupables de monstrueux forfaits.

Haïti Liberté n’a pas oublié cette disparition qui enlève encore le sommeil. Les membres du journal s’associent à la douleur toujours vive des proches de ce patriote progressiste, authentique défenseur des droits humains et de la cause du peuple haïtien pour leur dire qu’eux non plus ils n’ont pas oublié leur cher Lovinsky. Certes, les ravisseurs, les ennemis acharnés de Lovinsky courent encore les rues, à Port-au-Prince ou à l’extérieur, dans les couloirs du «laboratoire». Mais nous ne saurions oublier Lovinsky Pierre Antoine. Il vivra dans notre mémoire. Les traîtres qui l’ont livré aux forces du mal mourront couverts de leur lâcheté, la conscience lourde de la révoltante hideur de leur crime.

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