Lettre salée dans le wèl de Pierre Espérance : Satisfaction sucrée au cœur de Marie Yolène Gilles

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M. Espérance, «Au nom de la moralité et de l’éthique, s’il vous en reste, [...] je vous invite à vous ressaisir s’il est encore possible.»

Jamais je n’avais pensé que j’eusse eu à faire bon usage à la fois de sel et de sucre dans une même recette twafeuillante. Pourtant, c’est arrivé. J’avais bien voulu garder les proportions égales entre ces deux éléments chimiques: le sucre, ce monosaccharide de formule C6 H12 O6 et le chlorure de sodium de formule ClNa. Mais du sel j’en ai trouvé en quantité ”à couler un bâtiment”, pour reprendre le cher Maurice Sixto, de regrettée mémoire. J’en ai trouvé en abondance tout au long de cette lettre salée dans le wèl de Pierre Espérance, directeur du RNDDH. Lettre que Marie Yolène Gilles a certainement écrite avec une satisfaction sucrée qui lui a gonflé le cœur. Je n’en doute pas une seconde.

Je ne connais personnellement ni Espérance ni Gilles. Je suis les méandres, les sinuosités, les zigzags de leur Réseau National de Défense des Droits Humains depuis plus d’une dizaine d’années. À tort peut-être, j’ai toujours trouvé un peu suspecte cette belle harmonie, cette accordance, cette concordance, cette cohérence dans les déclarations, analyses et dénonciations de ces deux défenseurs des droits humains. Je soupçonnais toujours une faille dans cette armure harmonique, accordante, concordante, et je m’attendais à ce qu’un jour cette fente, cette fissure se révèle une vraie déchirure, une cassure révélatrice des labyrinthes secrets de ce réseau national auquel je n’ai toujours connu que deux grosses mailles: le dirèk, Espérance, et son assistante, Gilles. Mais, passons.

«Je descends de la barque», a dit Marie Yolène Gilles. Un navire qui tanguait dangereusement sur une mer démontée de mensonge, de perfidie et de parjure. Elle en est descendue «les mains propres et le cœur léger».

Prétendre que le Réseau National de Défense des Droits Humains n’a rien fait de positif, de valable depuis sa fondation serait méchant et injuste de ma part. Il me vient à l’idée, par exemple, leur rapport dénonçant, condamnant l’implication d’agents brésiliens de la MINUSTAH pour avoir arrêté illégalement et affreusement torturé, dans la soirée du 13 décembre 2011, Joseph Gilbert, Abel Joseph et Armos Bazile respectivement âgés de vingt-neuf, vingt et dix-neuf ans. Ces trois jeunes montaient la garde autour d’un camion de livraison d’eau tombé en panne après qu’ils aient assuré une livraison à Cité Soleil. Après maintes tentatives pour réparer le camion, ils s’étaient rendus compte qu’ils devaient laisser le véhicule sur place et passer la nuit à le surveiller, dans le but de sécuriser le camion ainsi que les matériels qui y sont attachés, quand les préposés brésiliens au ”maintien de la paix” (sic) leur sont tombés dessus.

On se souvient surtout de l’excellent rapport détaillé du RNDDH concernant quatre malfrats faisant partie du gang dénommé Gang Galil, impliqués dans des cas spectaculaires d’enlèvement suivi de séquestration contre rançon, de trafic de drogue et d’assassinat, arrêtés par la Police Nationale d’Haïti (PNH), suite à l’enlèvement d’un homme d’affaires du nom de Sami El Azzi. Ledit rapport avait permis d’épingler un papa malfra, un tonton scélérat, Woodly Éthéard, alias Sonson la Familia, alias SOS, connu pour être un narcotrafiquant très puissant. Il avait été arrêté en 2005 et, en sa possession, il avait été retrouvé des armes fannfwa, des armes de poing et une forte somme d’argent estimée à cent soixante dix-huit mille quatre cents (178.400) dollars américains.

Du même coup, le rapport avait jeté un regard cru sur la malfratude de Woodly Éthéard alias Sonson La Familia, et Charles Saint-Rémy, alias Kiko, frère de la première dame, Sophia MARTELLY. Grosse affaire. Les deux malandrins, à l’époque du moins, étaient propriétaires du restaurant ‘La Souvenance’ situé à Morne Brun, Pétion-Ville. Ce restaurant était chargé de fournir à manger au Palais National et à quelques Ministères du pays. L’ancien chef de l’État, Michel Joseph MARTELLY fréquentait personnellement et régulièrement ledit restaurant où généralement il rencontrait ses amis proches, surtout en début de week-end. Était-ce seulement pour le plaisir du palais? On peut en douter. Peut-être qu’il y circulait quelque substance blanche pulvérulente autre que le sucre et le sel. Mais passons.

Le grand public était habitué à ces performances du RNDDH marquées au coin de l’honnêteté, de la moralité, d’une éthique certaine et de prises de position en faveur des droits humains, de la justice et de la vérité. Mais voilà, Pierre Espérance, directeur du RNDDH – on voudrait dire à vie – est un être humain. Il s’est laissé succomber à la tentation et personne n’a pu le délivrer du mal, pas même le Très Haut. Ainsi fut-il. Selon son associée de longue date, kidonk Marie Yolène Gilles, des «rumeurs de corruption qui se sont révélées vraies entachent irréparablement l’image de l’institution». Rumeurs qui ont porté madame à prendre ses distances avec l’asòs, non, le dirèk, devenu encombrant, infréquentable. Elle lui a donc fait parvenir sa démission dans une lettre salée comme du hareng saur.

Madame écrit: «Je ne saurais me faire complice de vos agissements ni non plus jeter ma crédibilité et mon honnêteté à la poubelle de votre irresponsabilité». Aïe ! C’est dur. Ayayay ! L’image est très forte, toute enrobée de sel à saupoudrer Espérance, sa réputation, son honnêteté supposée pour quelques lustres. Gilles poursuit, de façon responsable : « Une institution qui fait de la moralité et de l’éthique son cheval de bataille doit être au-dessus de tout soupçon», comme pour dire : ce n’est pas seulement la femme de César qui doit être au-dessus de tout soupçon. César lui aussi. Question de parité des sexes, ou kwè!

Cette Gilles, elle n’est pas petite, non. Ce n’est pas une petite crasse de femme, non. Elle charge: «Comment le RNDDH pourrait-il continuer à demander à des entreprises ou à des organisations de se mettre en règle avec le fisc quand vous avez choisi depuis trois ans de ne pas payer les redevances fiscales à la Direction Générale des Impôts (DGI) et de ne pas honorer vos engagements envers l’Office National d’Assurance Vieillesse (ONA)? Alors qu’un prélèvement est effectué régulièrement sur nos rémunérations». Non, César, vous êtes resté trop longtemps au fond de votre poubelle. Remerciez Yòl, kidonk Marie Yolène, de vous avoir sorti de cette poubellerie.

Madame Gilles n’est pas dans les jouets, non, li pa nan jwèt. Elle continue de « saler » César qui a «poussé l’outrecuidance jusqu’à accepter d’une institution étatique, en l’occurrence le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD), au moins un chèque d’un million cinq cent mille gourdes (HTG 1.500.000,00)». Yòl soupçonne-t-elle que son asòs a pu engranger plus d’un chèque de un million cinq cent mille tomates ? Ah Pierre Espérance ! Fouineuse, farfouilleuse, trifouilleuse, tripatouilleuse, la Gilles a dû longtemps observer, joffrer, épier, fureter, fourgonner, diablotiner, jusqu’à avancer cet accusateur ”au moins’‘ qui en dirait long sur la poubelle d’irresponsabilité d’un Pierre Espérance sans espoir, ou presque, de pouvoir gravir une pente de responsabilité au sommet de laquelle il escompterait retrouver un minimum de crédibilité.

Marie Yolène sait comment saler un poisson qui commence à pourrir par la tête, ayayay ! À propos du BMPAD, elle enfonce un clou d’honnêteté dans le mur d’irresponsabilité de César : « N’êtes-vous pas au courant, Monsieur le Directeur Exécutif, que cette institution est décriée pour être une mangeoire attitrée des corrupteurs et des corrompus de tous bords? Ou aviez-vous, sciemment, mis en veilleuse la retenue morale et éthique que cette équipe s’était jusqu’ici imposée?» Ba li, Yòl, donne-lui, il le mérite. Madame, on le sent, on le devine, a eu un haut-le-cœur. Comme nous disons, dans toutes les langues du reste, le cœur lui est monté à la bouche. Intérieurement, comme ma grand-mère paternelle, elle a dû se dire : ala de salezon mal detranpe ! Autrement dit, quelle salopritude ! Quelle sale affaire !

Je m’imagine Yòl, debout dans ses sandales d’éthique et de retenue morale, lançant à son menteur de patron: « Vous aviez laissé croire que l’histoire du chèque du BMPAD est totalement sans fondement». César réduisait ainsi en miettes les fondements de l’honnêteté et voulait faire mentir l’adage turpe est mentiri, aussi vieux que le monde et qu’un loustic avait traduit à sa façon: Choupèt ap toujou nan manti. N’arrêtant pas de tisonner la braise d’un mensonge tout brûlant, Madame ravive la flamme d’une dénonciation sans merci, sankanpe: «Pire encore, vous aviez poussé votre perfidie à l’extrême en envoyant une correspondance le 20 février 2017 au Directeur du BMPAD sollicitant des informations (sic). Pourtant, vous aviez personnellement reçu ledit chèque et même signé l’avis de réception». Alors, n’est-ce pas vrai que  nèg gen move mannyè ?

Il y a toujours un dernier coup pour tuer le coucou. C’est ce coup fatal, fatidique, funeste, tuatoire, que Gilles a administré à Pierre Espérance, juste sur le cou d’un dirèk encore sous le coup d’un kout pa konprann : «Monsieur le Directeur Exécutif, vous êtes plus que parjure en acceptant de patauger dans la boue immonde de la corruption que vous étiez censé dénoncer et combattre». Outrecuidant, menteur, perfide, parjure, boueux, Pierre Espérance en a eu pour son irresponsabilité et son grade de directeur. Il doit encore en avoir le visage tout éclaboussé. Non, Pierre, ce n’est pas sur une pierre bacouloute et ticouloute que vous pourriez continuer à bâtir une église des droits humains, de retenue morale et d’éthique, pour que les portes de l’enfer de la corruption et de l’indignité ne prévalent point contre elle.

Après le dernier coup qui tue le coucou, il faut bien le coup de grâce. Marie Yolène Gilles l’avait bien prévu. Et elle a tiré droit au cœur de César: « Au nom de la moralité et de l’éthique, s’il vous en reste, je vous invite à vous ressaisir en convoquant, dans le plus bref délai, une assemblée générale pour tenter de sauvegarder les acquis du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), s’il est encore possible.

Alors là, kite m bay kou pa m: oui, Pierre Espérance doit rendre des comptes, faire son autocritique et se retirer par la petite porte. Peut-être que le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement pourrait lui trouver un strapontin dans un coin où il pourra méditer sur la fragilité des choses humaines. François Fénelon, au XVIIème siècle et François-René de Chateaubriand, après lui, en avaient bien conscience.

Après avoir bien salé Espérance, après l’avoir vendu comme du ti sale au marché à ciel ouvert de la conscience citoyenne, madame Gilles, sans s’en rendre compte peut-être, s’est bien sucrée d’une bonne dose d’honnêteté, de dignité, d’éthique et de courage. On comprend aisément qu’elle ait fait «aujourd’hui le choix qui s’impose». Elle l’a dit de façon imagée : « Je descends de la barque». Un navire qui tanguait dangereusement sur une mer démontée de mensonge, de perfidie et de parjure. Elle en est descendue «les mains propres et le cœur léger».

Et pour terminer, je vous salue, Marie Yolène Gilles, pleine de grâce pour avoir, d’entrée de jeu dans votre lettre, remercié Pierre Espérance «de m’avoir donné l’opportunité de travailler à vos côtés comme Assistante Responsable de Programmes du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH)». Oui, la reconnaissance n’est pas une lâcheté. J’ai peut-être une mémoire en passoire, mais c’est bien Hans Christian Andersen, le romancier, dramaturge, conteur et poète danois qui avait dit (m pa sonje ki kote) : «La reconnaissance est la mémoire du cœur». Bravo Yòl!

Il faudra beaucoup d’eau à Pierre Espérance pour se laver, je veux dire pour laver toute la salinité imprégnant la lettre de Marie Yolène Gilles qui s’en est sortie « les mains propres et le cœur léger». J’ajouterais: le cœur sucré de satisfaction.

 

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