Lettre ouverte au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé

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Alix Didier Fils-Aimé

Monsieur le Premier Ministre,

Votre déclaration ambitieuse semble être une lueur d’espoir dans un océan de désespoir, mais il faut aller au-delà des mots soigneusement choisis et des formules diplomatiques.

Haïti est en crise depuis des décennies, plongée dans une anarchie organisée, un chaos contrôlé et un désordre bien ordonné. Vos trois priorités stratégiques, bien qu’essentielles, manquent de clarté quant à leur mise en œuvre. Permettez-moi de poser des questions pertinentes et de formuler des observations indispensables pour transformer vos objectifs en une réalité tangible.

Vous insistez sur la lutte contre les gangs armés et le renforcement des forces de l’ordre. Mais comment comptez-vous-y parvenir dans un État où la violence est systémique et la police nationale d’Haïti sous-équipée, corrompue, et dépassée? Par la force ou en traitant les causes profondes?

Vous ne pouvez pas simplement écraser les gangs avec des opérations militaires sans comprendre pourquoi ils existent sans une stratégie préventive qui crée des opportunités économiques, un accès à l’éducation, et un tissu social solide, chaque “guerre contre les gangs” ne sera qu’une répétition de l’échec. Suivre les flux financiers des activités criminelles est une solution bien plus efficace que des interventions armées sporadiques. Haïti est aujourd’hui un champ de bataille, pas uniquement à cause des gangs, mais parce que l’État a été délibérément affaibli. Cette destruction n’est pas un accident ; c’est une stratégie. Les politiciens captateurs de l’État, avec la complicité de leurs alliés internationaux, ont transformé le pays en un espace ingouvernable.

* Pourquoi ne pas instaurer une unité dédiée à tracer ces transactions, en collaboration avec des experts internationaux?

Exemple concret : Au Mexique, des efforts similaires pour tracer les fonds du narcotrafic ont permis de démanteler plusieurs cartels. Pourquoi Haïti ne peut-elle pas faire de même?

* Si la transparence est un principe fondamental, pourquoi les comptes bancaires des politiciens et des fonctionnaires accusés de corruption ne sont-ils pas audités?

* Pourquoi la communauté internationale ne s’intéresse-t-elle jamais aux financements occultes des campagnes électorales et des activités politiques?

* Qui finance ces gangs?

* D’où viennent leurs armes sophistiquées?

* Pourquoi des jeunes désœuvrés les rejoignent-ils en masse?

Parler de réforme constitutionnelle dans une société où l’État de droit est pratiquement inexistant ressemble à bâtir un château de sable sur une plage balayée par les vagues.

* Qui mènera cette réforme?

Si ce sont les mêmes élites corrompues, elle sera vouée à l’échec. Les conseillers du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) Dr Louis Gérald Gilles, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire accusés de corruption passive et d’abus de pouvoir n’ont aucune légitimité pour discuter de l’avenir de la nation. Ces individus, au lieu d’être tenus responsables, continuent de siéger, protégés par un réseau d’impunité. Leur présence, loin d’être une anomalie, est le symptôme d’une structure qui valorise la prédation au détriment du peuple.

* Pourquoi ces conseillers n’ont-ils pas été suspendus immédiatement après les accusations de l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) ?

* Où est la pression internationale pour exiger leur démission?

* Pourquoi les organisations comme les Nations-Unies, qui prônent la transparence et la responsabilité, restent-elles silencieuses sur leur cas?

Leur démission n’est pas une option, c’est une exigence morale et politique. Tant que ces individus Dr Louis Gérald Gilles, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire continueront à siéger, ils aggraveront la méfiance déjà profonde envers l’État.

* Comment garantir l’inclusivité?

Une réforme constitutionnelle doit être le fruit d’un processus participatif, impliquant les communautés locales, la diaspora, et la société civile. Avez-vous des mécanismes en place pour garantir cela?

Exemple concret : L’Afrique du Sud post-apartheid a adopté une approche inclusive en engageant des consultations nationales avant de rédiger sa nouvelle constitution. Pourquoi ne pas s’inspirer de cet exemple?

Des élections dans un contexte de crise multidimensionnelle?

Cela ressemble davantage à une tentative de légitimer un système brisé qu’à une réelle volonté de changement.

  • Comment garantir la sécurité des électeurs?

Avec des “gangs armés” contrôlant une grande partie du territoire, il est utopique d’imaginer des élections libres et équitables sans une stabilisation préalable.

* Qu’en est-il des mécanismes de contrôle?

Le système électoral actuel est gangrené par la fraude et les manipulations. Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour assurer la transparence?

Exemple concret : Au Ghana, l’introduction de la biométrie a permis de réduire drastiquement les cas de fraude électorale. Pourquoi ne pas envisager une solution technologique similaire en Haïti?

Les lacunes à combler.

  1. Manque de pragmatisme dans les priorités sécuritaires : Sans une stratégie de désarmement, de réintégration sociale, et de renforcement institutionnel, la lutte contre les gangs est une illusion.
  2. Déconnexion entre réforme et réalité politique : Une réforme constitutionnelle ne peut réussir sans un cadre institutionnel solide et des acteurs crédibles.
  3. Absence de planification logistique pour les élections : Comment assurer la logistique des élections dans un pays où les infrastructures sont en ruine?

Propositions pour combler ces lacunes:

  1. Créer un fonds spécial pour la réhabilitation de la police nationale d’Haïti (PNH): Ce fonds devrait être utilisé pour équiper, former, et surveiller les forces de l’ordre, en collaboration avec des partenaires internationaux fiables.
  2. Organiser une conférence nationale souveraine : Inspirée des exemples africains, cette conférence réunirait tous les acteurs de la société pour discuter des bases d’une réforme constitutionnelle.
  3. Mettre en place un comité électoral indépendant et apolitique : Ce comité devrait superviser l’organisation des élections et garantir leur crédibilité.

Un gouvernement digne de ce nom doit garantir les droits fondamentaux de ses citoyens. Il doit :

  1. Réformer le système judiciaire pour mettre fin à l’impunité.
  2. Renforcer les institutions nationales pour assurer la sécurité et la justice sociale.
  3. Investir dans l’éducation et la santé publique pour briser le cycle de la pauvreté.
  4. Créer des infrastructures économiques pour faciliter l’accès aux ressources et stimuler la production nationale.

Mais rien de tout cela n’est possible si nous continuons à tolérer une classe dirigeante corrompue et une communauté internationale complice. Un gouvernement qui refuse de protéger ses citoyens contre les abus internes et externes est un gouvernement défaillant, un complice de l’effondrement.

Monsieur le Premier Ministre, votre vision pour Haïti doit être accompagnée d’actions concrètes et d’une transparence totale. Le temps des excuses est révolu. Le peuple exige des résultats.

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