Les ouvriers et ouvrières des industries de sous-traitance à Port-au-Prince, ne décolèrent pas. Sous un soleil de plomb alterné à une fine pluie battante, en présence d’unités policières lourdement armées, la classe ouvrière haïtienne a été sur le macadam pour continuer d’exiger l’augmentation du salaire minimum à 800 gourdes (US$12.71).
Après quelques jours de trêve, les promesses non tenues des autorités étatiques, les violences policières et malgré les révocations, chantages et pressions des patrons, plusieurs milliers d’ouvriers et ouvrières ont de nouveau investi les rues de la capitale le 26 juin pour réclamer un ajustement salarial et de meilleures conditions de travail dans les usines.
Scandant des propos hostiles aux patrons et au gouvernement, munis de branches d’arbres et de pancartes, les manifestants, venant des quatre coins de la région métropolitaine revendiquent mordicus 800 gourdes comme salaire minimum et des accompagnements sociaux en raison de l’augmentation du coût de la vie et du prix du carburant sur le marché local.
« Par accompagnements sociaux, nous entendons la subvention de la nourriture, du loyer, du transport et de la scolarité des enfants des ouvriers. Nous avons discuté avec le ministre des affaires sociales qui nous a menti. Il a promis des bus, une subvention de la nourriture et du loyer. Pourtant, rien n’a été fait », a expliqué Daniel St-Eloi, coordonnateur général du Central National des Ouvriers Haïtiens (CNOHA).
« Nous allons travailler pour la réintégration de plus d’une quarantaine de personnes révoquées », ajoute-t-il.
Les protestataires, pour la plupart des jeunes femmes, dansaient et manifestaient au rythme de chansons traditionnelles très connues en Haïti. Ils dénonçaient par ailleurs la présence des membres qui se disent représentants des ouvriers au Conseil Supérieur des Salaires (CSS), entité chargée de travailler sur l’ajustement du salaire minimum des travailleurs haïtiens.
« Avec cette vie qui se fait de plus en plus chère, nous les ouvriers, nous nous retrouvons dans l’incapacité de prendre soin de notre famille avec les 300 gourdes [US$4.76]. Les frais de transport ainsi que les prix des produits de première nécessité ayant augmenté. Nous avons le loyer à payer et la scolarité de nos enfants. Nous réclamons 800 gourdes. Ce salaire ne peut pas résoudre nos problèmes, mais il pourra plus ou moins nous aider », se plaint Luc Léon, 50 ans, ouvrier et syndicaliste.
Il fustige le comportement des autorités qui les laissent prêcher dans le désert. En toile de fond des protestataires scandant à tue-tête 800 gourdes. « Parfois, je parviens à subvenir à mes besoins grâce à l’appui de proches et amis », renchérit Judith Joseph, 30 ans, mère de deux enfants. « On ne peut rien faire avec les 300 gourdes ».
« On nous paie samedi et lundi on est déjà à sec », « Les agents de la CIMO [Compagnie d’Intervention pour le maintien de l’ordre] sont à la solde de Baker [un patron]», entre autres slogans qui ont fait le va-et-vient au cours de cette matinée de protestation. Sur les pancartes, on pouvait lire « CNOHA exige que les patrons des usines de sous-traitance respectent les conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ».
L’ex-candidat à la présidence Moise Jean Charles du parti politique Pitit Dessalines, vêtu de chemise rouge venait les supporter. A en croire l’homme fort de Pitit Dessalines, « les 800 gourdes ne sont pas négociables ». Dans cette ambiance carnavalesque où musique rime avec protestations, les manifestants se disent déterminés à continuer à occuper le macadam jusqu’à la satisfaction de leurs revendications.
La marche a démarré non loin de la Société Nationale des Parcs Industriels (SONAPI) puis longea la route de l’aéroport, le carrefour de l’aéroport, l’avenue Martin Luther King, Lalue, Bois Verna pour arriver jusque vers l’avenue Charles Summer devant les locaux du ministère des affaires sociales où les organisateurs livraient un message spécial à l’endroit des autorités.
Les protestataires ont répondu à l’appel des organisations syndicales comme Central National des Ouvriers Haïtiens (CNOHA), Platfòm Sendikal Izin Tekstil – Batay Ouvriye (PLASIT-BO) et du Groupement Syndical des Travailleurs du Textile pour la Réexportation Assemblage- Confédération des Travailleuses (eurs) des Secteurs Public et Privé (GOSTTRA-CTSP).