Depuis le chambardement qui a mis à l’écart le gouvernement intérimaire du SDP-Fusion-Phtk et alliés, on espérait que les revendications et mobilisations populaires allaient aboutir à une situation inédite : celle visant justement au renversement du régime mesquin et la mise à plat de la domination impérialiste en Haïti au bénéfice des classes défavorisées. C’était bien compté, mal calculé. L’élite sociopolitique haïtienne s’est illustrée davantage dans la collaboration avec l’ennemi et comme toujours, s’active à servir avec loyauté, compétence et abnégation les puissances capitalistes dont leurs forces anti-changement sont plus puissantes et plus sophistiquées que jamais.
Vu leur capacité de domination sur tous les points essentiels du pays, elles ont pu rapidement récupérer le mouvement afin de nous retourner à une situation pire que notre point de départ. Elles se sont servies de leur arsenal d’esclaves domestiques pour nous construire sur mesure et selon leur goût un Conseil Présidentiel de Transition (CPT) avec les mêmes rejets de la société qui, non seulement, sont des traîtres à la patrie mais également d’agents authentiques des ennemis du pays. Entre ces différents individus et courants politiques, tous, allaités à la mamelle capitaliste, aucune réconciliation même la plus basique n’est possible. Il n’y aura jamais d’homogénéité ni d’entente dans cette association improbable ressemblant davantage à un « Club d’Ali Baba et les 40 voleurs ». D’ailleurs, c’est l’aspect le plus marquant et l’ambigüité même de ce regroupement forcé formant ce prétendu exécutif haïtien de la transition.
En ce sens, aucune confiance ne peut être accordée à ces laquais au service des oligarques du pays, représentants de la classe capitaliste et de ses institutions corrompues, prétendument venues à la rescousse du peuple haïtien. Aucune issue conforme aux intérêts des travailleurs ne pourra être trouvée par ces différents partis ou organisations politiques inféodés au système capitaliste.
On veut pour preuve, la bagarre indécente qui a éclaté entre eux au sujet des élections pour la présidence et le poste de Premier ministre du Conseil. Elle illustre leur mentalité mesquine qui les rend indigne face aux aspirations populaires. Ils ont tourné le dos aux valeurs du pays et à leur propre honneur en tant qu’Haïtien et de fait, sont incapables de tirer les leçons du passé, de se projeter vers le futur et de prendre enfin des décisions capables de rétablir Haïti et les Haïtiens dans leur trajectoire de 1804.
La lutte fratricide en cours ne visait pas à s’entendre pour écarter les forces occidentales de la domination du pays, au contraire, tout leur combat résulte à trouver qui d’entre eux a plus de capacité, de bassesse afin de mieux servir les forces coloniales.
Ces vendus sont aussi dangereux que l’ex-Premier ministre de facto Ariel Henry qui avait sollicité l’occupation du pays. Eux, au lieu d’arrêter le processus d’intervention militaire pour éviter au pays une énième honte nationale, préfèrent le cautionner inconditionnellement dans l’ultime but de satisfaire les quatre volontés de leurs patrons et de sauvegarder leurs intérêts vitaux. N’y a-t-il pas là, une indéniable continuité, une position de classe? Certes, il n’y a aucun reniement de leur part ni aucun marronnage, au contraire, ils assument leur conviction en acceptant les conditions de la CARICOM sur la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité en Haïti (MMAS) pour être membre du Conseil Présidentiel.
Au lieu de rompre avec ces institutions moribondes pour empêcher la poursuite de la mauvaise gouvernance du pays, cette classe politique préfère se transformer en courroie de transmission des mesures régressives des puissances impérialistes. Facilitant les Etats-Unis d’apparaître comme un pays bienfaiteur, prêts à jouer un rôle d’appoint à un État dysfonctionnel où la puissance publique a failli. La propagande est d’envoyer à l’opinion publique internationale l’image que Washington recherche sincèrement la paix et la stabilité en Haïti et pourquoi pas dans le monde. Et que le capitalisme ne serait plus un péché mortel ! Est-ce la nouvelle doctrine qu’on veut enseigner au peuple désabusé face à toutes ces hypocrisies et ces mesquineries politiques ?
Faut-il le rappeler qu’au sein de ce Conseil Présidentiel de Transition patronné par les impérialistes occidentaux avec la CARICOM comme intermédiaire, les coups bas feront partie de la vie de cette structure présidentielle multi-tête. Chacun joue pour sa chapelle, ce qui explique que très tôt la cohabitation s’avère difficile et anarchique et où chaque Conseiller (Président) cherche à s’approprier un ministère, des directions générales et n’hésitant pas à décrier l’autre pour se justifier et donner du crédit à son action. C’est une ambiance délétère qui règne au sein de ce Collège présidentiel à 9 têtes qui va, sans doute, pondre un gouvernement à son image.
Ce pouvoir sera mesquin parce que les protagonistes qui le composent sont des sans-pudeurs qui ont accepté l’inacceptable en échange à l’exploitation brutale insidieuse de leur patrie. Si finalement il arrive à se constituer, ce pouvoir ne saurait nous conduire à aucun projet de société nationale et son point fort sera sans aucun doute, la volonté de vengeance, la frustration, les intrigues, la tromperie, le pillage, la médiocrité, la forfaiture, la bassesse, la méchanceté criminelle et surtout la combine mafieuse officielle.
Un tel Micmac nous empêchera pour longtemps de relever la tête, de rester vraiment un pays digne et souverain à la face des autres. Nous ne serons qu’un peuple-objet qui n’arrivera guère à s’organiser, à fonctionner sans une béquille de l’Occident.
A ce stade, est-il trop tard pour redresser la barre du pays ? Assurément Non ! L’essentiel, les progressistes et les révolutionnaires ne doivent pas jouer sur plusieurs tableaux. Ceux qui sont réellement engagés dans le camp socialiste, anti-impérialiste ont le devoir d’apporter un nouveau souffle à la lutte du peuple pour mettre fin à cette mascarade institutionnelle.
Face à l’ennemi principal, qu’on le veuille ou non, seule une rupture décisive avec le capitalisme oligarchique piétinant en permanence, non seulement, les droits des travailleurs, mais aussi les intérêts de la Nation, pourra empêcher le pays de tomber définitivement dans l’abîme. Seule la défaite des capitalistes, à travers une révolution prolétarienne pourra nous apporter la paix, la prospérité et la fin de toutes nos mesquineries politiques.