Lors des dernières élections présidentielles, le journal a bien pris soin, à travers ses éditoriaux, et au fil des semaines, de montrer sa position par rapport à «la bande des quatre»: Jude, Maryse, Jean Charles et Jovenel, membres de «cette classe politique parasite, aveugle qui refuse catégoriquement de compter sur les forces populaires […] tellement corrompue, et pourrie qu’elle devient incapable de développer aucune faculté d’indépendance, aucun projet national […] Ils se laissent emporter par le courant électoraliste sans aucune cohérence, sans jamais questionner l’appareil en marche […] Leur seul point fort reste qu’ ils attendent tous qu’une force extérieure vienne leur faciliter le pouvoir au détriment et des desideratas du peuple haïtien».
Au-delà de cette approche analytique à laquelle tout vrai progressiste ne peut que souscrire, j’étais habité par une inquiétude, une hantise ne relevant pas du fait politique proprement dit. J’étais hanté par une victoire de Jovenel Moïse, non pas que j’eusse pu avoir un quelconque penchant pour l’un des trois autres de «la bande», une inclination (folle) pour «le moins pire» d’entre eux. Pas du tout. D’ailleurs, j’aurais été en flagrante contradiction avec la ligne politique même du journal. Inquiété par la perspective d’une victoire jovellienne, je craignais le pire, je craignais le retour de la bête à obscénités, la bête à cochonneries, l’animal à vulgarités par excellence, le retour de Michel Joseph Martelly.
En effet, je savais – et n’importe qui pouvait le soupçonner– qu’une victoire de Jovenel Moïse allait paver la route à Martelly avec tout ce que cela comporte de retour, de reprise, en public, de toutes les bestiales vulgarités de langage de cet animal qui, malheureusement, n’est pas encore en voie d’extinction. Et la bête nous est tombée dessus le jeudi 9 février 2017, au micro de Radio Caraïbes. Je me demande encore comment un présentateur d’émission, musicale ou pas, a pu avoir l’idée folle, absurde, téméraire, grotesque, saugrenue, biscornue, insensée, sotte, d’inviter Martelly à déblatérer, à grogner – ah le cochon !– lui donnant ainsi l’occasion de s’en prendre à deux journalistes solidement établis dans l’espace médiatique haïtien : Jean Monard Métellus et Liliane Pierre-Paul.
Brégard Anderson, animateur de l’émission ”Canal Musical”, aurait dû pressentir, savoir qu’en invitant l’ex-président Michel Martelly à son micro, il y avait toutes les chances d’avoir l’animal obscène dormant en Sweet Micky se réveiller et commencer à déclamer ses titres de noblesse, son identité de cochon patenté, de voyou de bas étage. En invitant Martelly, surtout dans le cadre de présentation de musique carnavalesque, Anderson n’avait-il pas eu ce bon sens, ce cinquième sens qu’en le faisant, c’était inviter la bête porcine à de nouveaux plongeons dans la bassesse et la vulgarité ? Et Micky n’a pas raté l’occasion d’exhiber sa marque déposée en débitant des injures à l’endroit de Jean Monard et de la journaliste vedette de Radio Kiskeya, Lilianne Pierre Paul.
On peut se rappeler le haut-le-coeur et les cris d’indignation qu’avait causés la méringue carnavalesque de Martelly intitulée Ba l bannann nan. Déjà, à l’époque, elle prenait pour cibles Liliane Pierre Paul, animatrice, comme on le sait, du journal quotidien de 16 heures sur Radio Kiskeya, et Jean Monard Métellus, présentateur de l’émission Ranmasé sur Radio Télévision Caraïbes. Pourquoi cette haine ? Simplement parce que ces deux journalistes avaient longuement évoqué les soupçons de fraude massive, et, souventes fois, donné la parole aux leaders de l’opposition. La méringue ne les citait pas nommément, mais les désignait par les surnoms méprisants et dédaigneux de Ti Lili, et Ti Mona. Quant à la banane du refrain, inutile d’insister sur les sous-entendus sexuels qu’elle colportait.
Le sulfureux Martelly est connu pour ses sorties obscènes et surtout pour ses frasques à connotation sexiste et misogyne. Toujours en rut, il n’est est pas à sa première saillie, son premier défoulement sexiste. Au mois de juillet de l’année 2015, en tournée électorale à Miragoâne où il patronnait son dauphin Jovenel Moïse, une miragoânaise avait eu le courage de reprocher au sans-aveu de ne pas avoir tenu sa promesse d’installer l’électricité dans son quartier. La réponse fut rageuse, ordurière, cinglante, clouante, blessante au plus haut point : «Ta gueule [salope], trouve-toi un mec et fais-toi enfoncer derrière un mur».
Poussant l’insulte au comble, le charognard s’était même offert la satisfaction malsaine, morbide, pathologique de proposer à la malheureuse femme de le rejoindre sur le podium. Le comble de la délinquance des mœurs et de l’indécence.
Le plus douloureux c’est que la grossièreté de l’ex-Président avait provoqué l’hilarité de la foule. Vraiment, il faut se demander, comme disait un quidam : où vont-nous ? Que (se) passe-t-il comme ça au pays ? À quelle jeunesse a-t-on affaire ? À quel public a-t-on affaire ? C’était le moment rêvé pour chahuter le cochon et le forcer à déguerpir. L’incident avait été révoltant, choquant, écoeurant, dégoûtant, infamant, puant, scandaleux, ignominieux, abject, au point de susciter la démission d’au moins deux ministres qui protestèrent contre «des propos orduriers et immoraux», phallocentriques, lancés par le porcinard : Yvrose Morquette à la Condition féminine et aux Droits de la femme et Victor Benoit aux Affaires sociales et du travail.
Pour sa part, Me André Michel, opposant farouche au pouvoir Tèt kale, candidat à la présidence, lors, avait saisi l’occasion pour intenter une action en justice contre l’animal au Parquet de Miragoâne. Outrage public à la pudeur, c’était le chef d’accusation retenu contre le pourceau, ironiquement premier mandataire de la nation, pour avoir tenu des propos aussi grivois, désobligeants, indécents, graveleux, obscènes à l’endroit d’une femme exerçant ses droits de citoyenne. Vous avez peut-être oublié, d’autant que l’oubliature est du domaine de l’homme. Permettez alors que je vous rappelle ce propos hypocrite, audacieux, outrecuidant, effronté, gonflé de Martelly lors de son inauguration : « Ase vyolans sou fanm! » Si vous étiez sourd, moi je ne l’étais pas.
On se souvienra que la flétrissure, l’ignominie, le déshonneur a eu lieu le mardi 28 juillet 2015, date de commémoration du centenaire de l’occupation américaine. Fils politique adultérin de l’union champwelle d’Hillary Clinton et de Gaillot Dorsinville, Martelly s’est fichu de cette date comme d’une guigne et a préféré s’enfoncer dans la boue de ses trivialités, médiocrités, grossièretés et iniquités. Il a ainsi avili le pays et les femmes du pays. C’est dire que le discours du malotru pour le respect des droits des femmes, leur participation politique et tout le blablabla, bliblibli, blobloblo, n’est qu’une infâme posture et une insolente imposture. Encore une fois, Martelly avait traîné la femme, sa propre femme, pitit fi li, manman l, dans le ruisseau limoneux, boueux, fangeux, vaseux de ses délires pathologiques.
À l’occasion, onze organisations féminines, rejointes par le Réseau national de défense des droits humains avaient fait paraître un document exprimant leur indignation, leur ras-le-bol, condamnant la barbarie machiste de l’ancien chef de l’État. Une marche s’en était suivie le mardi 4 août, pour exprimer leur vive réprobation de ce qu’elles avaient qualifié, avec raison, d’agressions verbales et de menaces sexuelles du cochonnard Martelly. Lors, les dérives sexistes de ce jouisseur au groin impertinent n’étaient pas nouvelles. En effet, au début de son mandat, le mufle, pour encourager le tourisme, proposait les femmes haïtiennes parmi les ”choses ” et ”avantages” qu’on pouvait offrir aux touristes. Et lors d’une émission télévisée en France, n’avait-il pas laissé entendre, le goujat, que les femmes haïtiennes défavorisées se plaisent à multiplier les grossesses ?
Il est bien connu que sous le pouvoir de l’ancien président Martelly, le ministère à la Condition féminine s’est détérioré au point que, parfois, il était honteusement «utilisé comme un instrument de propagande du régime». Dans cet ordre d’idées, le document d’indignation des onze organisations féminines avait fait savoir aussi que «le harcèlement sexuel envers les femmes tendait à s’ériger en règle au sein de l’administration publique». Rien de surprenant à de telles tendances malsaines et machistes, à de telles coulées puantes, d’autant que c’est par la tête que pourrit le poisson.
Au mois de juin 2015, le fils de Martelly prenait le risque d’inviter des artistes étasuniens à se produire au Champ-de-Mars. Le show battait de l’aile quand Sweet Micky s’est invité à la fête. Un public friand d’obscénités s’est mis à applaudir à tout casser. Sous le coup sans doute de poudre blanche, le son of a bitch, le fils de pute s’est emporté : « Pete, pete, pete ». Il invitait la foule à péter. « Pa sispann pete, pete tèt kale», insistait-il. Simplement incroyable. Le spectacle d’un père aussi décousu et immoral était tellement pénible et affligeant que le plus jeune fils de Martelly s’était approché de son pourceau de père pétador, l’avait pris par la taille comme pour protéger les téléspectateurs du pire, de coulées d’injures machistes, sexistes et ordurières. Après avoir traîné l’animal hors du podium il l’avait convaincu d’arrêter de péter par la bouche, de mettre fin à ses diatribes et piteuses pitreries.
Les saloperies, les cochonneries, les vacheries, les rosseries de Martelly ont toujours fusé au niveau de différents registres. Ainsi, en juin 2014, le journaliste de Scoop FM, Germain Etienne, s’obstinait à demander au connard de préciser sa pensée à propos d’élections kachkachliben qui n’atterrissaient pas. À la surprise d’Étienne, son interlocuteur lui a demandé de louer une maison où lui le psychopathe Sweet Micky et lui dormiraient sur le même lit. Et c’est à ce moment qu’Étienne pourrait lui poser des questions relatives à la tenue des élections. Ni plus ni moins. Dépravation morale, quand tu tiens l’animal… Pour mémoire, ce même journaliste avait déjà été victime des frasques ordurières de Michel Martelly le 6 Octobre 2011. Étienne avait été menacé de s’entendre dire ce que ”kasayòl te di bèf la”.
Voilà ce qui nous menace, pendant les cinq années à venir, avec l’arrivée de Jovenel Moïse au pouvoir, Jovenel la doublure, Jovenel le paillasson de Martelly et de cette jeunesse dépravée, friande de frivolités, de gros mots sales. D’autant que l’ancien président ne fait preuve d’aucune retenue. Plus c’est choquant, désinvolte, grossier, mieux ça passe. Plus il se défoule, plus il se trémousse, plus il s’amuse, plus il s’assume, plus il se sent dans son élément, plus il se laisse aller, plus il se satisfait, plus il s’épanouit. On a l’impression que toutes les vannes du savoir-vivre, de la bienséance, du tact, des convenances sociales, de la correction en société, du respect des autres, d’entregent, de civilité, de politesse, de décence, de lizaj, ont sauté. Il ne reste plus qu’une carcasse humaine prête aux dérives les plus goujates, les plus malsaines.
Et je vous parie que Martelly, antyoutyou et omniprésent comme on le connaît s’invitera à toutes les sauces, à toutes les tables, à toutes les inaugurations, à toutes les cérémonies d’importance nationale. Plus que jamais il se lâchera, voudra occuper tout l’espace, s’exhiber en petites culottes de femmes si l’occasion se présente, voler la vedette au président (mal élu) Jovenel Moïse. La seule chance que nous ayons d’être épargnés des frasques de ce trublion, c’est madame Martine Jovenel qui peut nous la garantir. Avec ses tenues rouge-victoire, elle a déjà volé la vedette à son mari. Qu’elle s’habille en rouge sang, en vert kakajako, en jaune kazèn Desalin, en bleu macoute foncé, avec des boutons dorés ou argentés et des épaulettes-je-les-ai-gagnées-sur-le-champ-de-bataille-vous-ne-pouvez-me-les-enlever! Et voilà! Micky passera sûrement inaperçu.
Chère madame Martine Moïse, on le sait, l’avenir politique du pays est entre les mains de l’ambassade américaine. Quant à l’avenir de nos oreilles, il est, en partie, entre vos mains, lors des grandes cérémonies officielles. Que vos couleurs vives néantisent la présence du mec! Quant à vous messieurs et dames de la presse supposée responsable et citoyenne, mete gason ak fanm sou nou pour refuser l’accès à vos micros de l’énergumène. Ainsi on aura minimisé au maximum le retour de la bête à obscénités. Vous aurez mérité de la patrie. L’Histoire vous en sera reconnaissante.
19 février 2017