La police nationale a-t-elle demandé au gangster Tèt Kale de liquider Bougòy en échange de sa libération?

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Le chef de la police nationale d’Haïti Michel-Ange Gédéon

« Ce qui arrive à l’humanité est la conséquence des pensées et des actes des hommes.
À eux d’en analyser les conséquences et d’en trouver les remèdes
. »
Albert Jacquard, J’accuse, page 171

La République d’Haïti s’enfonce  dans un trou béant. Et les observateurs se demandent comment va se produire le miracle de sa remontée à la surface. En vérité, la traversée du désert de la population haïtienne est mortifère. Catastrophique. Vraiment difficile pour ce pays de 27 750 kilomètres carrés, avec une population estimée à près de 11 millions d’habitants, de survivre à cette triste et regrettable mésaventure qu’elle a entreprise depuis le 1er  janvier 1804.

Pas un jour sans manifestation de revendications politiques et salariales! Les fonctionnaires de l’Office d’Assurances des Véhicules Contre Tiers (OAVCT) refusent de retourner à leurs bureaux. Ils réclament le renvoi du directeur de l’institution, Wolff Dubic, qui exige des employés grévistes une nouvelle soumission de leur curriculum vitae, appuyé par une lettre de recommandation. Une mesure que les membres du personnel qualifient de farfelue. Et ils ont tout à fait raison. Surtout lorsque l’on sait que la plupart d’entre eux cumulent des années d’ancienneté au sein de cette « boîte » désorganisée. Entre temps, les usagers sont aux abois. Des automobilistes écopent des billets de contravention parce que leurs pièces d’assurance justificatives ne sont pas renouvelées. Les policiers affectés au service de la circulation ne tiennent pas compte de cet état de fait.

Une Nation à la dérive

Rien ne fonctionne dans ce gouvernement dirigé par deux néophytes sans conscience. Jovenel Moïse et Jack Guy Lafontant multiplient l’insouciance, l’incompétence, l’ignorance et l’inexpérience pour en obtenir des produits de l’absurdité. Même son grand frère, un certain Gabriel Moïse, est venu dénoncer le cynisme, le mépris de cet homme à l’égard de ses proches parents. Quelqu’un qui délaisse les membres de sa famille, du côté aussi bien utérin que consanguin, ne saurait se montrer sensible aux souffrances des masses populaires. Pourtant, l’escogriffe idolâtre la petite classe possédante. « La Grenouille qui se prend pour un Bœuf. » Jovenel Moïse devrait savoir que cette pseudo-bourgeoisie, composée de la clique de commerçants du bord de mer, nourrit des préjugés sociaux graves envers les masses issues de la paysannerie.

Les Haïtiens sont en train de faire face à la pire des périodes de crise que leur pays ait jamais traversées durant les 214 ans de la création de l’État postcolonial.

En qualité de fils et fille  naturels des campagnes et des mornes, Jovenel et Martine Moïse croient à tort qu’ils sont épargnés du lot des méprisés. Frantz Fanon dirait lui-même des « damnés de la terre ». L’âne peut imiter le cri du « tigre », mais jamais n’arrivera à changer son apparence. Même avec une fortune évaluée à des milliards de dollars US, le singe ira toujours chercher sa banane dans la forêt. Et c’est par là qu’on le reconnaîtra. Aucune espèce animale n’échappe à sa nature.

Et puis, quel mal y a-t-il pour un individu d’avoir des souches rurales? Ce sont les paysans qui avaient l’habitude de nourrir ce pays. Ce sont encore eux qui formaient les unités de guérilla des « cacos » qui combattirent vaillamment les forces de l’occupation des États-Unis de 1915 à 1934.

Le tonnerre gronde

À travers le territoire national, les voix s’élèvent contre la pénurie alimentaire, la cherté de la vie, le chômage, la dégradation de l’environnement… Partout, les citoyens réclament et exigent la fin du régime des Tèt Kale. Nous voyons mal comment la présidence illégale, antipeuple, prédatrice de Jovenel Moïse, Jack Guy Lafontant, Wilson Laleau, Guichard Doré…, puisse mener à terme le mandant que lui a confié Léopold Berlanger et ses ouailles.

Dans l’œuvre immortelle de Shakespeare, Roméo et Juliette, le Frère Laurent, en apprenant que le Frère Jean, à cause de l’épidémie de la peste, n’a pas pu transmettre son message à Roméo, à propos de la mort affabulée de Juliette, poussa ce soupir prophétique : « Je pressens un très grand malheur. » Effectivement, la fin de l’histoire se referma sur une intense tragédie.

Sans être Nostradamus, n’importe qui pourrait se permettre de se lancer dans des prédictions apocalyptiques par rapport à l’avenir de la République d’Haïti. Il se dessine à l’horizon une détresse indescriptible. Les Haïtiens sont en train de faire face à la pire des périodes de crise que leur pays ait jamais traversées durant les 214 ans de la création de l’État postcolonial. À part l’oligarchie qui continue de s’enrichir, en exploitant éhontément la classe ouvrière, les petits agriculteurs, les petits artisans, toutes les couches sociales du territoire vivent des moments de difficultés mordantes, incisives, acrimonieuses. L’inflation forme une courbe exponentielle. Les petites gens ne meurent pas. Comme l’écrit Gorki à propos de Vlassov : « Ils crèvent. »

Les ouvrières et les ouvriers de l’industrie du textile se sont vu trahir par l’un des leurs.  Jovenel Moïse a préféré se ranger aux côtés des « chacals » qui dévorent leur « force de travail », au lieu de leur accorder cette petite augmentation de salaire qui aurait pu leur permettre d’ajouter quelques branches de spaghetti, et un petit poisson des chenaux dans les assiettes des gosses mal nourris, sous-alimentés.

Le gouvernement du PHTK mise sur la prolifération des gangs armés de Grand-Ravine, et d’autres quartiers défavorisés de Port-au-Prince, des villes de province et des bourgs pour s’accrocher aux remparts du palais de la présidence. Il distribue des armes et des munitions aux « enfoirés » analphabètes, malveillants, méchants, pour qu’ils contraignent les individus à se terrer chez eux comme des lapins. Des tirs d’armes automatiques ponctuent les heures de la journée et de la nuit. Obligeant les familles à se préoccuper encore plus de leurs conditions de sécurité que de leur situation de pauvreté.

Le photojournaliste Vladjimir Legagneur

La direction de la police nationale, jusqu’à présent, n’est pas en mesure d’informer la population du sort qui a été réservé au photojournaliste Vladjimir Legagneur. Et pourtant, le pays entier raconte que le « pauvre Vladjimir » a été exécuté par balles et son cadavre mutilé par l’assassin Bougòy et ses cannibales. Aucune unité du corps policier n’ose affronter ces va-nu-pieds de la criminalité qui tiennent l’État en otage. Voilà donc ce qu’il en est de placer des trafiquants de drogue, des blanchisseurs de l’argent sale, des dilapidateurs des fonds PetroCaribe à la tête du pays fondé par Jean-Jacques Dessalines, Alexandre Pétion, Catherine Flon, Henri Christophe…!

Le jeudi 24 juillet 2014, un chef de gang, Mackendy François alias  « Ti Kenkenn » est sauvagement assassiné par deux de ses lieutenants, dont Joseph Kénold Junior, surnommé Junior Dòy, à Grand-Ravine, un quartier misérable de la zone de Martissant située au Sud de la capitale haïtienne, Port-au-Prince. Au micro de la presse, le tueur principal, qui sera exécuté lui aussi trois mois après par le redoutable Tèt Kale, avait révélé impunément les « mobiles » du meurtre : « Lorsque les ONG ou les partis politiques octroyaient des montants d’argent à « Ti Kenkenn » notre chef, celui-ci refusait de les partager avec nous. Il gardait tout pour lui… Il se permettait même de coucher avec nos femmes, et nous ne pouvions pas protester. Ses chiens étaient mieux nourris que nous. Il nous obligeait tous les jours à prendre la rue pour aller braquer les individus qui revenaient de la banque, et à lui remettre tout le montant du vol.»

Le 3 décembre 2018, après l’assassinat de Junior Dòy, le puissant chef de gang, Tèt Kale, en partance pour les États-Unis avec sa petite amie,  a été harponné à l’aéroport international Toussaint Louverture.

Depuis son arrestation, le dangereux hors-la-loi est gardé dans une prison de la capitale.  Il avait en sa possession un visa de 5 ans estampillé sur son passeport valide. Le tueur à gage était-il en mission commandée? La question a toute son importance. Elle ouvre la porte à un questionnement. Dans quelle mesure des instances de la communauté internationale présente en Haïti, des acteurs du gouvernement haïtien, des parlementaires, des clans de la bourgeoisie compradore n’utilisent-ils pas les bras des gangs armés du Village-de-Dieu, de Grand-Ravine,  de Cité Plus, de toutes les zones dites de non-droit, aux fins de commettre des meurtres extraterritoriaux? Serions-nous encore dans la méthode et la pratique des crimes commandités par la raison d’État, et dans lesquels sont impliqués les services d’intelligence comme la CIA, le KGB, la mafia…? Les ennemis du régime politique des Tèt Kale, qui vivent dans les milieux de la  diaspora, ne devraient-ils pas  prendre le temps d’y réfléchir?

Décimus alias Tèt kale

Nos sentiments de doute sortent encore plus renforcés, lorsque  nous avons appris la semaine dernière que le juge d’instruction, Bredy Fabien,  s’apprêtait à renvoyer hors des liens de la prévention le « Caïphe » de Grand-Ravine, celui qui a exécuté publiquement son associé Junior Dòy, et qui s’en est vanté, pour « insuffisance de preuve ». Ce Bredy Fabien attend-il que ce Junior Décimus assassine toute la population de Grand-Ravine, ou son épouse et ses enfants, avant de reconnaître que ce « voyou » est effectivement un criminel, et par conséquent, mérite un procès digne et équitable, comme cela se fait dans toutes les sociétés de droit ?

Et si l’on poussait plus loin cette analyse sur la compréhension de cette affaire nébuleuse. Pourquoi le juge Bredy Fabien prenait-il brusquement la décision controversée d’ouvrir la cellule de Tèt Kale, et de renvoyer l’animal paître dans son pâturage de délinquance? Au départ de Décimus, le hideux Bougòy combla le vide de la chefferie. Libéré de prison Tèt Kale allait devoir liquider son remplaçant de facto pour reprendre possession du trône. Un véritable feuilleton cinématographique à la Hollywood. Bougòy, désarçonné par la drogue et le clairin, parle trop. Sa langue reste pendante sur plusieurs stations de radiodiffusion.  Ses « Grands Patrons » craignent que, noyé sous l’effet des narcotiques, il se mette à citer des noms. C’est l’une des explications plausibles du communiqué publié par le ministère de la Justice, à propos des conversations qui se déroulaient entre des animateurs comme Guerrier et les chefs de gangs. Les autorités judiciaires et policières n’auraient-elles pas conclu un accord secret avec Junior Décimus, alias Tèt Kale, pour qu’il liquidât Bougòy et ses lieutenants? En échange, il aurait obtenu un montant d’argent pour sa réinsertion sociale et celle de ses partisans. Leurs crimes auraient été blanchis.

En clair, M. Michel-Ange Gédéon pensait-il utiliser les services de Tèt Kale pour tenter de pacifier les zones dites de non-droit ? N’avons-nous pas le droit de poser la question?

Un combat difficile

En observant les agissements et les comportements controversés de la soi-disant « classe politique » en Haïti, n’avez-vous l’impression d’être en présence de  « maîtres tailleurs » qui tentent de faire décoller un  Boeing 737, avec des passagers éreintés et impatients à son bord. Ces gens-là n’ont jamais appris à piloter. Une pareille situation – aussi cocasse qu’invraisemblable – laisse présager que l’appareil restera cloué au sol, jusqu’à ce que l’on trouve des individus qui soient capables d’accomplir la tâche d’emmener l’engin à une destination finale. Si rien n’est fait pour pallier les difficultés, les voyageurs enfermés dans la carlingue risquent de mourir de faim, de soif et de froid sur la piste d’envol. Il ne faut pas non plus qu’ils attendent trop longtemps. Surtout dans une période hivernale. « Sinon, c’est sans espoir », pour reprendre l’écrivain britannique d’origine indienne, Ahmed Salman Rushdie.

Avec des individus comme ceux-là qui évoluent sur la scène politique nationale, l’espoir de décollage de la République d’Haïti s’amincit journellement. L’entreprise est rendue même – sans être pessimiste – quasi-improbable. La population, comme les passagers qui nous ont servi de symboles analogiques,  va devoir prendre son mal en patience – bien entendu, si elle reste les bras croisés –, car tout indique qu’elle attendra longtemps ces rayons de soleil qui doivent se pointer dans le ciel de ses tribulations sociales, où il pleut de tout : famine, analphabétisme, maladie, viol, insécurité, prostitution, assassinat, exode, gabegie, corruption, népotisme, coercition, pédophilie…

Ce qui dérange les observateurs de cette tragédie qui annonce une apocalypse à l’ampleur noéenne, et qui inspire généralement une pensée  pessimiste, nettement fataliste par rapport à l’avenir des Haïtiens, c’est le constat du phénomène de l’aggravation journalière des difficultés socioéconomiques, multiplicatrices des souffrances morales et physiques.  Les nerfs de résilience de la population sont grugés en profondeur. Tout  cela n’inquiète aucunement les mercenaires, les affairistes, – ces espèces de bandits à cravate ou en tailleur pour femme –, qui usurpent la présidence, le parlement, la primature, les ministères, les mairies, au moyen des opérations de vote frauduleuses.

Après la deuxième guerre mondiale, les vainqueurs de Berlin se sont réunis à Yalta pour se partager la Terre et les populations pauvres. Ils étaient  à la fois  juges, ministère public et bourreaux à Nuremberg et à la Haye. Ils ont répudié. Maudit. Condamné. Incarcéré. Exécuté. Pour « crimes contre l’humanité ». Ils détiennent même le pouvoir de « faire disparaître, de kidnapper ou de voler des cadavres ».  Et pourtant, les historiens de la guerre de 1939-1945 ont dénoncé des cas d’exécutions sommaires de militaires allemands, de viols de femmes allemandes commis par les G.I états-uniens pendant la libération de la France. Même après la reddition du Japon, des femmes japonaises continuaient d’être abusées sexuellement par les soldats des États-Unis. Tous ces cas de crimes de guerre sont bien relevés et bien documentés. Malheureusement, les « Lions » sont intouchables. Et c’est un privilège pour les bergers et les brebis de se faire manger par ces félidés. Nuremberg a été institué pour les nazis et leurs alliés. Comme la Cour pénale internationale de La Haye pour les Charles Taylor, les Laurent Gbagbo, etc. Mais pas pour les Bush ou les Sarkozy.

Qu’est-ce qui est à la base de l’esprit de ploutocratie, d’autoritarisme, de « dictatorialisme » qui caractérise toujours les gouvernements haïtiens de 1804 à nos jours?

La maîtrise du  concept de la « démocratie » advient par un cumul  de connaissances théoriques et pratiques dans les domaines intellectuels y afférents. Il faut donc explorer, à ce sujet, les voies philosophiques tracées par les immortels de la pensée universelle. Plus on est informé, plus on est critique et exigeant envers soi-même, sage, tolérant et charitable envers les autres. C’est par la théorie que les philosophes de gauche, tels que Karl Marx, Lénine, Engels, Gramsci  arrivent à opposer au capitalisme exploitationniste d’autres modèles de société qui répondent aux intérêts des peuples misérabilisés. Nous avons eu des exemples en Russie avec la révolution bolchévique, en Chine populaire avec Mao, à Cuba avec Fidel, Raoul et Guevara, au Chili avec Allende, au Nicaragua avec Ortega, au Vénézuela avec l’immortel « Commandante » Chavez… Les actes que nous posons viennent de nos idées. Les idées sont fonction de notre degré de perception intellectuelle, de compréhension  et d’interprétation des faits sociaux, des événements politiques, des données économiques et des manifestations culturelles.

Tous ces tâtonnements qui dévoilent le dysfonctionnement des organes de l’État haïtien ne proviendraient-ils pas d’une méconnaissance, d’une ignorance, et même chez certaines espèces cultivées, d’un mépris des formules de base de la méthode rationnelle, scientifique qui définissent les principes de fonctionnement d’une société de droit ? En clair, une société où les citoyens évolueraient dans un état de grande quiétude et de sécurité béate, en exerçant leurs droits, et en s’acquittant de leurs devoirs… Le rôle de l’université est de transmettre à l’individu des connaissances utiles, indispensables, de lui fournir des notions essentielles de savoir être, de savoir faire, afin qu’il puisse adapter, transformer son environnement naturel aux conditions idéales de son bien-être à lui, et de celui de ses semblables.

Lénine répétait : « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire… Seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle de combattant d’avant-garde.» Quiconque entreprendrait un mouvement de révolution sociétale avec des paysans haïtiens commettrait l’erreur fatale et irréparable. Ceux-ci ne sont pas préparés à cette tâche colossale et délicate. D’ailleurs, n’est-ce pas la raison pour laquelle les populations de l’arrière-pays se montrent vulnérables aux hâbleries politiciennes? Le seul mot « communiste » les fait trembler. Beaucoup de jeunes militants révolutionnaires ont été dénoncés au régime duvaliériste par des montagnards qui les ont démonisés, par ignorance due à l’analphabétisme. Dans les campagnes, dans les endroits bidonvillisés, le « socialisme », le « communisme » deviennent  synonymes de « spoliation » et de « corvée ». Le « marxisme-léninisme » véhiculerait donc une idéologie antipeuple! Un système d’État qui prêcherait la dépossession des pauvres de leurs lopins de terre, pour les réduire ensuite à l’esclavage! Aucun Cubain n’avancerait un pareil raisonnement. La société révolutionnaire de la République de Cuba est scolarisée au moins à 99%. Il sera donc difficile pour les États-Unis d’ébrécher le système castriste pour y introduire des bribes de changement idéologique, « convictionnel » et conventionnel dans le sens des intérêts du « Capital impérial ».

 Le capitalisme est un « tort », le communisme est une « réparation ».

À Montréal, au début des années 1980, nous croisâmes un jeune adulte dans la vingtaine comme nous. Cela arriva dans une circonstance particulière. Quelqu’un nous l’avait présenté, et il était devenu l’un des chanteurs de notre petit orchestre. Les répétitions musicales du samedi et du dimanche après-midi servaient de prétexte à des moments de détente, de retrouvailles, et surtout de déconnexion des dures réalités de l’exil, faites de chagrins, constituées de douleurs nostalgiques… Éric prit l’habitude de passer souvent à la maison. Un soir, il voulut connaître les raisons de notre présence au Canada. Nous lui fîmes savoir que nous étions, en principe, un militant antiduvaliériste, un exilé politique. Il n’ajouta rien. Et quitta l’appartement. Le lendemain, un musicien du groupe nous apprenait qu’Éric était très étonné de nos révélations. « Je ne savais pas que Robert était communiste », justifiait-il.

Éric accusait un déficit intellectuel. Nous ne manifestions point de rancœur à sa réaction ignorante et débilitante. Par la suite, nous eûmes l’occasion de nous entretenir avec lui sur la lutte de la classe ouvrière mondiale, sur le matérialisme historique et le matérialisme dialectique, sur le phénomène de paupérisation du salariat… Nous abordâmes aussi les grandes œuvres qui soutiennent la doctrine du socialisme et du communisme : Le Capital, Le Manifeste du Parti Communiste, L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, etc.

Éric ne cachait pas sa satisfaction personnelle. Nous lui prêtâmes quelques ouvrages sur le sujet. Le compatriote m’appela un matin et me dit : « Camarade, moi aussi, je suis communiste. »

Pour sortir de l’enclos « d’exister », et franchir la barrière « de vivre », il faut que chaque individu accomplisse dans son existence propre une mini-révolution. C’est seulement ainsi que nous parviendrons à réaliser une « Grande Révolution » qui  abolira la propriété privée, fera dépérir l’État bourgeois, et libérera les prolétaires de tous les pays.

Robert Lodimus

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