La mort d’un policier kenyan en Haïti met en lumière les dangers de la mission controversée de la MSS

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L'officier, Benedict Kabiru, est toujours porté disparu. Bien que certains rapports aient émis l'hypothèse que l'officier aurait été tué

La mission dirigée par le Kenya, soutenue par l’ONU, est confrontée à d’importants défis face à l’escalade de la violence causée par les gangs armés dans toute l’île.

 

Haïti est en proie à une nouvelle vague de violence, alors que les gangs armés continuent de renforcer leur emprise sur des zones urbaines clés. Les policiers kenyans, déployés dans le cadre de la mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) soutenue par l’ONU, peinent à contenir l’insécurité croissante.

La situation sécuritaire s’est fortement détériorée ces derniers jours suite à une embuscade meurtrière tendue par les gangs, au cours de laquelle un policier kenyan a été porté disparu, première victime de la mission. Ces récents développements mettent en lumière les dangers auxquels la mission MSS est confrontée.

Le porte-parole du MSS, Jack Ombaka, a confirmé, lors d’une interview accordée à NTV Kenya le 5, que l’officier, Benedict Kabiru, était toujours porté disparu. Bien que certains rapports aient émis l’hypothèse que l’officier aurait été tué, M. Ombaka a rejeté une vidéo virale montrant Kabiru en détention, la qualifiant de « fausse et probablement générée par l’IA ». L’inspecteur général de la police kenyane, Douglas Kanja, a également réitéré que les recherches se poursuivaient.

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Parallèlement, des inquiétudes ont émergé quant à l’adéquation de l’équipement utilisé par le personnel du MSS, notamment de ses véhicules, sur un terrain de plus en plus hostile.

Interrogé sur la capacité de la mission à atteindre son objectif de stabilisation d’Haïti en vue des élections de l’année prochaine, M. Ombaka a expliqué que le MSS suit un modèle en quatre phases : déploiement, opérations décisives, stabilisation et transition. « Nous sommes actuellement dans la phase des opérations décisives », a-t-il déclaré. « C’est là que les choses sérieuses se concrétisent. Ce que nous observons actuellement reflète cette phase. » Peu après les affrontements, des gangs lourdement armés ont pris d’assaut la ville de Mirebalais, au nord-est de la capitale, Port-au-Prince, lors d’une attaque effrontée qui a permis la libération d’au moins 500 détenus de la prison locale.

Selon The Haitian Times, la ville reste assiégée, avec d’intenses échanges de tirs entre gangs et forces de sécurité plongeant les habitants dans la terreur et le chaos. Ce dernier incident reflète une tendance plus large à la mainmise croissante des gangs. Selon certaines estimations, jusqu’à 80 % de Port-au-Prince et de ses environs sont désormais sous le contrôle de milices.

Augmentation du nombre de victimes et crises humanitaires

Le coût pour les civils est catastrophique. Fin 2024, les données des Nations Unies montraient que les violences avaient causé la mort de plus de 5 600 personnes et le déplacement de plus d’un million de personnes à travers Haïti. Depuis janvier 2025, 6 000 personnes supplémentaires ont été contraintes de quitter leur foyer dans la seule capitale, alors que les violences brutales, allant des enlèvements aux agressions sexuelles systématiques, se poursuivent.

Une fois de plus, Haïti s’enfonce dans une catastrophe humanitaire marquée par des pénuries alimentaires, des services de santé débordés et des déplacements massifs de populations vulnérables.

La colère du public face à la crise

En réponse à la violence incessante et à l’inaction du gouvernement, des milliers d’Haïtiens sont descendus dans la rue. Les manifestants brandissaient des pancartes condamnant à la fois le règne des gangs et l’incapacité du MSS et des autorités haïtiennes à rétablir l’ordre.

Les manifestations sont devenues le symbole de la désillusion croissante du peuple haïtien, non seulement envers ses propres dirigeants, mais aussi envers les missions étrangères qui promettent un soutien sans pour autant produire de résultats concrets sur le terrain.

Un deuxième contingent de 217 policiers kenyans a été déployé en Haïti le 17 janvier 2025. Photo : Kipmurkaman/X

Le rôle du Kenya : une mission en doute

La décision du Kenya de diriger la mission MSS a été annoncée mi-2023 et officialisée par l’approbation de l’ONU. Dès le départ, elle a fait l’objet de critiques et de contestations juridiques au Kenya. Les sceptiques ont remis en question le fondement constitutionnel du déploiement de policiers à l’étranger et ont exprimé des inquiétudes quant à la viabilité de la mission et à la sécurité du personnel kenyan.

Néanmoins, des policiers kenyans ont commencé à arriver en Haïti en décembre 2024 pour mener ce qui a été largement présenté comme un tournant. Mais près de quatre mois après le début de la mission, l’optimisme s’est estompé. Le MSS a été accusé de manquer de ressources adéquates et d’une coordination claire, et son approche axée sur la sécurité a peu de légitimité locale dans un contexte profondément marqué par l’ingérence étrangère.

Un héritage d’interventions ratées

Les problèmes d’Haïti ne sont pas nouveaux, pas plus que l’implication étrangère. Depuis plus de deux siècles, des acteurs extérieurs interviennent dans le pays, souvent au nom de la stabilité ou de l’humanitarisme. Pourtant, l’héritage de ces efforts est celui de l’exploitation et de l’instabilité :

La France a imposé une indemnité écrasante après l’indépendance d’Haïti en 1804

Les États-Unis ont occupé Haïti de 1915 à 1934

Les États-Unis et leurs alliés ont soutenu les dictatures de Duvalier pendant la guerre froide

Une mission de maintien de la paix des Nations Unies très controversée a débuté en Haïti en 2004

L’histoire de la présence internationale en Haïti est jalonnée de souffrances.

L’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021 a aggravé l’effondrement des institutions étatiques, laissant un vide de pouvoir que les gangs armés ont facilement comblé. Le schéma est douloureusement familier. Les missions étrangères interviennent, laissent derrière elles le chaos, et le peuple haïtien en paie le prix.

Appel à un avenir juste, dirigé par les Haïtiens

Alors que la mission MSS vacille et que les protestations s’intensifient, il est clair une fois de plus que les interventions sécuritaires ne résoudront pas la crise haïtienne. La situation critique du pays est profondément enracinée dans des injustices politiques, économiques et historiques, dont beaucoup ont été façonnées par des siècles de domination et de manipulation étrangères.

Ce dont Haïti a besoin, ce n’est pas d’une nouvelle « solution » imposée de l’extérieur, mais d’un engagement audacieux en faveur de la souveraineté haïtienne. Cela comprend la reconstruction des institutions démocratiques, le soutien au leadership local et la prise en compte des injustices des interventions passées. Et permettre au peuple haïtien de reprendre le contrôle de son avenir.

Peoples Dispatch 7 avril 2025

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