Les politiciens n’arrêtent jamais de surprendre, yo bwè grenn pou sa. Alors qu’un médecin vous prescrit une tablette b.i.d, c’est-à-dire deux fois par jour, ou une pilule t.i.d, ce qui signifie trois fois par jour, le politicien s’en prescrit lui-même, et sa posologie est à la mesure de ses démesures : une graine dix fois par jour et dix, juste avant de se mettre au lit. Chaque graine contient 500 mg de mensonge, 300mg d’audace et 100mg de surprise.
Ce sont des graines qui ne s’achètent pas au comptoir d’une pharmacie. Elles sont spéciales, sui generis, préparées dans de petits moules de fourberie. Dans le sérail politicien, suivant que vous vous exprimez en français ou en ou créole, ce sont ou bien des graines de surprenance ou bien des grenn sanzatann, bien que certaines mauvaises graines de la 50e, défunte législature ne sussent jamais quoi dire, n’ayant jamais bien pu s’exprimer ni dans l’une ni dans l’autre des deux langues. Ah ! Misère parlementaire et linguistique.
Il doit y avoir une petite graine de malice en moi. En effet, alors que nous parlions de tablettes, de pilules, de posologie, de b.i.dance, et de mesurance, voilà que tout à coup, il me fait envie d’amener le président Jovenel dans le décor, ce Jovenel qu’on aurait dû surnommer ‘‘Tètzo pa repete’’. Quelle tètzotte sobriquetterie de ma part! En fait, c’est bien une coquetterie journalistique que nous aimerions bien voir faire tache d’huile. Á vrai dire, il n’y a eu aucune malice en moi. J’ai eu bien fait d’amener Tètzo dans la conversation, lui, Malice à surprise qui nous prend pour des Bouki egare anba ban.
on est en droit de se demander combien de personnes incompétentes, inexpérimentées seront « élues » tout juste parce que ce sont des femmes.
Après avoir survécu aux orages sans pluie d’une opposition débile, futile, inutile, mal habile et par moments imbécile, Tètzo a sellé son cheval d’omnipuissance, et quoique privé de bride parlementaire s’est dit : en avant ! gason, soyons L’ouverture ! L’opposition continuant à lui tourner le dos, ‘‘Tètzo’’ leur a montré qu’ils n’étaient même pas une oseille dans la soupe politique, voire du macaroni, des pommes de terre ou de la viande de bœuf (ak tout mwèl).
En effet, le dimanche 22 décembre de l’année dernière, au Palais National, l’homme a louverturé en mettant au feu un bouillon qu’il a appelé « Dialogue communautaire ». Autour du pot, il y avait quelque vingt-huit marmitons et marmitonnes, leaders populaires (sic) invités à le rencontrer en vue d’une meilleure compréhension (resic) des problèmes auxquels font face les populations. ‘‘Tètzo’’ jouait au macho politique. Même, il avait rencontré les parents d’enfants déshérités.
Leaders, pères et mères d’enfants malere malerèz égrenaient les mêmes chapelets ; chaque graine des rosaires concernait les problèmes de leurs zones respectives, les mêmes en fait depuis que souffle l’ouragan phtkiste : le chômage, l’insécurité, la faim, l’absence d’électricité, d’accès aux soins de santé, à des logements décents et à une éducation de qualité ; l’absence d’accès au crédit pour les commerçants et les jeunes ; le besoin aigu de salaires décents, d’assainissement de leurs quartiers, bref, tout ce qui contribue à une vie digne.
Par la bouche de ses deux oracles, Chesnel Pierre, de l’ONA et Ernest Chatelier du Fonds d’assistance économique et social (FAES) programme, ‘‘Tètzo’’ a annoncé dix mille programmes en cours (sic) et dans « un autre cours à venir » (resic) : ONA-FANM, ONA-GASON, ONA-TIMOUN, ONA-VYE GRANMOUN, ONA-KOKOBE, ONA-TI BEBE FENK FÈT, Restoran kominotè, Kantin mobil, Panye Solidarite, Kafeterya malere yo, Cafeteria pour Enfants des rues, Réfectoire pour restavèk, Buffets populaires à ciel ouvert, La bouffe pour tous, Restoran manje vant deboutonnen, bref, toute une panoplie de mesures gastronomisantes qui glorifient l’adage de l’autre : lapè nan vant, lapè nan tèt.
Ne voilà-t-il pas que le 8 mars écoulé, sous le coup de l’on ne sait quels effluves ou médicaments féminisants, Tètzo, machiste dans un monde peu soucieux de l’importance et des droits naturels de la femme, a annoncé Urbi et Haïtibi que pour les prochains scrutins fixés à l’on ne sait quelles calendes grecques, 35 circonscriptions seront exclusivement réservées à des femmes. Ah ! Á César ce qui est à César. ‘‘Tètzo’’ est monté en grade et en considération. Concédons-le lui, désormais appelons l’homme : « Jovenel le Généreux ». Une générosité qui ne surprend pas, tant les politiciens sont passés maîtres dans la tortueuse pratique de nous sortir des surprises, au moment où l’on s’y attend le moins, peu importe la loufoquerie ou la bacoulouterie de la surprise.
Il n’y a pas seulement que de la générosité à entrer en ligne de compte. Il y a aussi le pouvoir quasi royal, pour ne pas dire de droit divin de Jovenel : l’État c’est moi, nom de Dieu ! Et si quelque insignifiant opposant avait le moindre doute là-dessus, il l’affirme : « Il n’y a pas de Parlement, le gouvernement et moi nous allons élaborer la loi électorale. Dans cette loi, 30% des circonscriptions seront réservées aux femmes. Le pouvoir vient de Dieu et Dieu vous a choisies pour donner le pouvoir ». Il aurait pu quand même ajouter : sa k pa kontan, anbake ! Dommage.
Quoiqu’il en soit, il y a anguille sous roche. La corruption étant la marque de fabrique du courant PHTK, on est en droit de se demander combien de personnes incompétentes, inexpérimentées seront « élues » tout juste parce que ce sont des femmes. Si ‘‘le Généreux’’, le roi, le président peut macoutement décider de « réserver (sic) 30% des circonscriptions aux femmes », on devine déjà à quelles mesures autoritaires et déloyales on doit s’attendre de lui pour imposer ce pourcentage. Car, si chaque « élue » doit garantir 30% de son salaire (nominal) au sérail présidentiel, alors là, ‘‘le Généreux’’ aura détrôné Youri Latortue de son piédestal de « l’homme du 30% ». Un beau coup ? Un sale coup ? Difficile à dire.
Voilà que ‘‘le Généreux’’ fait intervenir le genre comme nouveau critère électoral dont lui seul aura le ficelles. Voilà qu’en se croyant ou en se voulant plus féministe que les autres, en fait il liliputise les femmes, les ridiculise puisque de cervelle elles semblent n’en avoir point et sont incapables d’entrer en compétition avec les hommes sur le terrain électoral.
De quel crédit moral, de quelle légitimité populaire jouit ‘‘le Généreux’’ pour décider, seul, que 35 circonscriptions seront exclusivement réservées à des femmes.
Homme ou femme, tout-e aspirant-e à servir le pays devrait d’abord avoir fait preuve, dans le passé, d’intérêt, militant idéalement, pour la classe des exploités, la lutte de classe, puisque c’est de cela qu’il s’agit. Quel est le discours du candidat, de la candidate ? Sa position sur les rapports de pays souverain que doit avoir Haïti avec les « grands pays » ? Sur l’usage du créole comme première sinon seule langue administrative, comme première langue d’enseignement par des enseignants compétents, le français, l’espagnol, l’anglais étant des langues secondes souhaitables dans notre entourage géographique-historique, clairement trilingue ? Sur la nécessité de joindre la communauté latino-caraïbéenne face aux pratiques de domination et d’exploitation de l’impérialisme américain. Kot kandida a kanpe ?
En fait, ‘‘le Généreux’’ n’a que faire de donner aux femmes une avance électorale, illégale d’ailleurs, aux femmes. Aucune femme ne demande la charité d’une « pòv avèg ». Chaque femme, comme chaque homme, chaque Haïtien demande à être traité dignement. C’est le bacouloutisme qui mène Jovenel dans son exclusivité à réserver 35 circonscriptions aux femmes. Celles-ci représentant « l’autre moitié » de l’électorat, le bakoulou n’aurait pas à se soucier tellement de grapiyen dans la gent masculine, et s’assurer ainsi de la victoire. Ah ! petit malin qui veut d’ores et déjà assurer le succès d’un poulain qu’il doit avoir déjà dans ses manches pour garantir ses arrières et se protéger de tout compte à rendre pour ses malversations.
De quel crédit moral, de quelle légitimité populaire jouit ‘‘le Généreux’’ pour décider, seul, par la seule volonté du roi, que 35 circonscriptions seront exclusivement réservées à des femmes. Non, voilà Jovenel tout à coup atteint de coqueluche féministe ! On en entend de belles. Faites-vous soigner, mon vieux. Guérissez au plus vite et occupez-vous vraiment de la date et de la qualité des élections à venir. Car, si elles sont justes, démocratiques, le PHTK sera battu à pleines coutures et vous aurez été un bon débarras pour le pays, vous, les Martelly et les autres laquais de Washington.
Et telefòn ne lâchez pas. Á la revoyure.
13 avril 2020