Jean Michel Lapin cherche-t-il à revenir sur la scène politique ?

(1ère partie)

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Jean Michel Lapin, ancien Premier ministre a.i (21 mars 2019 - 4 mars 2020) du Président Jovenel Moïse

Pour certains, il ne fait aucun doute, Jean Michel Lapin, ancien Premier ministre a.i (21 mars 2019 – 4 mars 2020) du Président Jovenel Moïse assassiné le 21 juillet 2021, souhaite reprendre du service, en tout cas, espère-t-il jouer un rôle dans la résolution de la crise qui paralyse la Transition post-Jovenel. Tous les observateurs politiques s’intéressant à ce qui se passe en Haïti, l’ont remarqué.

L’ex-ministre de la Culture et de la Communication du gouvernement de Jean Henry Céant tente un retour qui ne se passe pas inaperçu. Au cours de ces derniers mois, celui qui avait succédé au Notaire de Bourdon à la Primature, même sans  jamais avoir été ratifié par le Parlement, fait le forcing médiatique pour entrer dans le jeu ou pour être utile dans le bras de fer qui oppose divers secteurs politiques au Premier ministre de facto Ariel Henry. En effet, certains ont pu observer qu’en moins de deux mois, l’enfant de Jacmel a opéré pas moins de cinq sorties médiatiques qui ont toutes attiré l’attention du public et certainement des décideurs de la Communauté internationale en Haïti.

Si Jean Michel Lapin n’est pas le premier ex-chef de gouvernement haïtien qui a pris la plume pour exprimer ses craintes sur l’évolution dangereuse de la situation politique chaotique du pays depuis l’assassinat du Président de la République il y aura bientôt deux ans, il faut lui rendre ce crédit, il est le seul, pour le moment, à faire des propositions concrètes pour une sortie de crise.

Jean Michel Lapin croit qu’il n’a pas été écouté ni entendu, dans la mesure où aucune de ses propositions n’a jusqu’ici fait l’objet de discussion

L’ancien Premier ministre de Jean-Bertrand Aristide, Robert Malval, s’exprime régulièrement dans la presse sur la conjoncture politique, même durant la présidence de Jovenel Moïse. Mais, même en étant très critique et amer face à la situation politique, il a toujours été très vague alors que ses articles dans Le Nouvelliste sont d’une facture académique de haut niveau. A l’inverse d’un Jean Michel Lapin qui, de toute évidence, ne cherche point à séduire ses lecteurs sur le plan littéraire mais cherchant surtout à convaincre son public sur la nécessité d’une sortie de crise avec des arguments forts qui le distinguent même des autres protagonistes de la Transition.

Nous le disons plus haut, l’ex-chef du gouvernement a.i du Président Jovenel Moïse a déjà manifesté son envie de rendre service dans cinq publications successives en l’espace de deux mois. Du 15 mars 2023 au 21 avril 2023, l’ancien haut fonctionnaire à la retraite s’est exprimé de manière cohérente dans quatre textes publiés dans le quotidien Le Nouvelliste, plus une participation en République dominicaine dans un Sommet de la diaspora haïtienne dans lequel il a fait l’esquisse d’un programme pour la participation des haïtiens des quatre coins du monde dans la vie politique haïtienne.

Tout a commencé avec une première publication dans le journal de la rue du Centre à Port-au-Prince intitulée « Recommandations pour une alternative d’espoir et de rétablissement de l’autorité de l’Etat ». C’est un document défini en quatre points dans lequel l’ancien Premier ministre met l’accent en priorité sur la formation d’un nouveau Cabinet ministériel qu’il croit devoir être un gouvernement de crise ne dépassant pas plus de dix membres et deux Secrétaires d’Etats dont la mission serait le rétablissement de la sécurité publique dans le pays.

Après un constat sous la forme de mise en contexte, Jean Michel Lapin liste quatre axes qu’il allait décliner en plusieurs recommandations, d’où ce titre. Dans son texte, l’ancien locataire de la Primature énumère les dix ministères et les deux Secrétaireries d’Etat qu’il faut mettre en place dans le cadre d’un Exécutif restreint ou resserré mais avec un objectif « d’un gouvernement fort comprenant des femmes et des hommes d’expérience dans la gestion des affaires publiques. »

En bon théoricien, il n’hésite pas à définir l’attribution de ce gouvernement concentré dont la mission est non seulement de rétablir l’ordre, la sécurité publique, mais aussi de garantir la libre circulation sur l’ensemble du territoire national. Dans ce qu’il appelle : « Mission et attribution du gouvernement », Jean Michel Lapin propose six points qu’il croit être primordiaux pour sortir de l’impasse dans cette Transition.

De gauche à droite : Jean Michel Lapin et le père Edwin Paraison de la Fondation Zile

En effet, il propose entre autres, « une réorganisation administrative de la police nationale ; le renforcement des capacités opérationnelles de ce corps ; la fusion de PNH et de l’armée d’Haïti (FADH), des mouvements qui devraient être implémentés par une déclaration de l’état de siège dans le pays afin de permettre aux forces de l’ordre de mieux conduire leurs opérations tout en étant mieux protégées sur le plan judiciaire. » Après avoir reconnu qu’il n’y a pas eu d’élections en Haïti depuis plus de trente-huit mois et que le pays évolue dans l’inconstitutionnalité la plus totale, l’ex-Premier ministre préconise quatre points dont celui de la « formation du Conseil Electoral Provisoire (CEP) selon le schéma prévu par la Constitution de 1987. » Enfin, celui qui a eu toutes les peines du monde à s’approcher de l’Assemblée Nationale pour se faire ratifier, boucle ses propositions par un appel au rétablissement d’un climat social apaisé et stable.

Pour y arriver, il conseille dix points fondamentaux par exemple : « le renforcement des rapports entre le Pouvoir exécutif et les Collectivités territoriales ; le renforcement des rapports entre l’Exécutif et les partis politiques ; l’établissement d’un programme national d’assainissement avec les mairies » entre autres. Avec ses multiples propositions, l’ancien chef du CSPN (Conseil Supérieur de la Police Nationale) était persuadé qu’il allait être entendu par l’occupant actuel de la Villa d’Accueil, Ariel Henry et pourquoi pas par la Communauté internationale cherchant désespérément une sortie de crise dans cette Transition qui reste pour elle une problématique. Mais voilà, des jours, voire des semaines sont passées, personne ne lui a demandé ce qu’il avait à vendre. Silence total. Black-out sur des propositions qui, certes, n’ont rien de très original, à part la formation d’un cabinet ministériel restreint pour faire de l’économie. Même les médias n’ont pas accouru pour commenter les « Recommandations pour une alternative d’espoir et de rétablissement de l’autorité de l’Etat ».

C’est comme si l’ancien deuxième personnage de l’Etat avait prêché dans un désert. Alors, vexé peut-être, Jean Michel Lapin reprend la plume quinze jours plus tard. Le 30 mars exactement, il remet ça dans le quotidien Le Nouvelliste. Cette fois-ci, pour bien souligner que son successeur à la Primature « gouverne dans le mépris et l’indifférence à l’égard du bien-être collectif. » L’intitulé de son « papier » dans le journal en dit long sur la colère qui le ronge. « Je n’ai pas été écouté », tel est le titre de son texte qui se concentre tout particulièrement sur Port-au-Prince, la capitale et ses environs et la République en général colonisés par les gangs armés. C’est un vrai plaidoyer qu’il a entrepris en faveur de la capitale d’Haïti et le reste du territoire qu’il estime être abandonnés par les autorités de la Transition. « Parce que Port-au-Prince, la capitale politique et économique du pays, est assiégé depuis plus de trente-six (36) mois, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest par des bandes armées à la solde d’une industrie criminelle méconnue. Parce que le département de l’Artibonite, la zone potentielle pour le développement agricole du pays, est aussi assiégé par des bandes armées, de St-Marc jusqu’à Liancourt. 

 Parce que 4.9 Millions d’habitants, composés d’enfants, de jeunes, de vieillards, d’handicapés, de détenus, sont en situation d’insécurité alimentaire. Soit près de la moitié de la population. Parce que la côte des Arcadins, de Canaan jusqu’à Pierre Payen, la plus grande destination touristique du pays, est devenue aujourd’hui une zone de non droit où retentissent régulièrement des détonations funèbres. Parce que les communautés des palmes, les départements du Sud, de la Grand’Anse et des Nippes sont coupés d’accès au département de l’Ouest. Parce que l’Etat, dans sa configuration actuelle, est contraint d’abandonner sa zone économique et le siège emblématique du Pouvoir législatif, le Bicentenaire, notre fierté commune rappelant la vision du Président Dumarsais Estimé (…) » écrit celui qui fut dans les années 1989 à 2007 Directeur de la Bibliothèque Nationale d’Haïti.

En dépit de tout cela, Jean Michel Lapin croit qu’il n’a pas été écouté ni entendu, dans la mesure où aucune de ses propositions n’a jusqu’ici fait l’objet de discussion, voire retenu l’attention des acteurs de la Transition y compris l’Internationale qui semble ignorer royalement l’ancien Premier ministre, en tout cas, jusqu’à présent. Pourtant, l’ancien locataire de la Primature ne perd pas espoir que l’ensemble des entités impliquées dans la crise de la Transition finira par venir vers lui pour ces raisons qu’il continue d’égrener comme un chapelet sans fin. Et pour cause. (…) « Parce que la population du département de l’Ouest, particulièrement, de Fort-Jacques à Pétion-Ville, de Pernier à Delmas, de Pétion-Ville à Martissant, de Cité Soleil à Canaan en passant par Croix-des-Bouquets, vivant dans tous les coins et recoins des villes et communes, est désemparée, épuisée et abandonnée à son sort. Parce qu’enfin l’Exécutif, dans sa configuration exceptionnelle de l’heure, s’est montrée impuissante voire incompétente face à ce problème de sécurité publique dont il a la responsabilité. Fort de tout cela, il y a tantôt quinze (15) jours, j’avais recommandé, en ma qualité de citoyen libre et indépendant, un gouvernement de crise avec des hommes et des femmes d’expérience de la gestion de la chose publique, animés de l’idéal du sentiment d’appartenance nationale (…) » écrit-il, impatient d’avoir une réponse.

En attendant que son téléphone sonne, on l’avait retrouvé à Santo Domingo, de l’autre côté de la frontière, venir porter ses conseils aux leaders de la Communauté haïtienne en République dominicaine dans le cadre d’un Forum organisé par la Fondation Zile, dirigé par le plus connu et plus actif des leaders haïtiens de ce pays, le père Edwin Paraison, ancien ambassadeur d’Haïti à Santo Domingo et ancien chef de Cabinet du ministre de la Culture, Marcus Garcia (2016-2017) sous la présidence de Jocelerme Privert. Invité à prendre la parole en tant qu’ancien Premier ministre, Jean Michel Lapin en a profité pour marquer davantage son retour sur la scène politique haïtienne avec des déclarations laissant apparaître qu’il a en perspective les nouvelles joutes électorales à venir. Au moment où il existe une forte tension entre les deux pays partageant l’île, relative à des sanctions mises en place par le Président Luis Abinader contre près de 40 citoyens haïtiens de statut social différent, l’ancien Premier ministre haïtien semble rechercher l’apaisement et accable davantage les dirigeants haïtiens tout en lançant un appel à la diaspora pour qu’elle s’organise en vue de sa participation dans la gestion du pays.

(A suivre)

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