La situation socio-économique du Pakistan est désastreuse et contraint les familles à faire travailler leurs enfants. Ils seraient environ 11 millions à accomplir des tâches domestiques et à travailler dans l’agriculture. D’autres enfants travaillent dans le textile (notamment la fabrication de tapis), la construction ou encore l’industrie automobile. En Inde, au Bangladesh et ailleurs dans l’Asie du Sud Est, c’est le même drame d’exploitation féroce de la force de travail des enfants.
La pauvreté, les énormes difficultés d’accès aux soins de santé particulièrement dans les régions rurales, le déni du droit à l’éducation pour des millions d’enfants, la vie dans les rues avec les dangers et dérives qui sont souvent fatals, l’exploitation sexuelle, les châtiments corporels qui représentent la forme la plus commune de maltraitance, la vente, le kidnapping afin d’obliger les gosses à mendier, à servir voire même à se prostituer, le travail dans le textile (notamment la fabrication de tapis) dans des conditions d’esclavage, comptent parmi les principales violences rencontrées par les enfants au Pakistan.
Iqbal Masih est l’un d’entre eux auquel le sort a réservé une fin tragique. Issu d’une famille pauvre et vendu par ses parents à un fabricant de tapis. Il devient alors un enfant esclave parmi tant d’autres. Victime de travaux forcés et de mauvais traitements, Iqbal mène le combat pour ses droits, pour les droits de millions d’autres gamins victimes d’exploitation atroce comme lui. C’est alors qu’il est assassiné alors qu’il n’avait seulement que12 ans.
Iqbal Masih est né le 4 avril 1983 à Muridke, un petit village proche de Lahore, au Pakistan. Son père, Saif Masih, abandonne sa famille un peu après la naissance d’Iqbal. Sa mère, Inayat Masih, est une femme de ménage; elle gagne très peu d’argent, pas assez pour nourrir sa famille. Iqbal a plusieurs sœurs et un frère, il est le plus jeune.
Sa famille, très pauvre, doit emprunter de l’argent chez un usurier, à un taux d’intérêt élevé, pour payer les médicaments de sa mère et assurer la subsistance de la famille. La dette ne cesse d’augmenter et Iqbal, à l’âge de quatre ans, est donc vendu par ses parents pour l’équivalent de 12 dollars américains afin d’aider à la rembourser: en effet, la servitude pour dettes est un système de remboursement répandu au Pakistan.
Des parents endettés cèdent souvent leurs enfants moyennant un peu d’argent et c’est ainsi le travail de l’enfant qui rembourse la dette. Mais l’employeur retient sur le salaire de l’enfant des frais de nourriture, de logement et même les amendes infligées en cas de faute. La dette ne peut donc en fait jamais être remboursée: l’enfant reste l’esclave de son employeur.
Iqbal travaille d’abord dans une fabrique de briques, puis dans un atelier de tisserand à raison de plus de douze heures par jour. Il travaille avec d’autres enfants et ils n’ont même pas le droit de parler. Pour les empêcher de s’enfuir, ils sont enchainés, du matin au soir. En raison de ses très nombreuses heures de travail et de la malnutrition, à l’âge de 12 ans, Iqbal faisait la taille d’un enfant de six ans. Malgré des conditions de vie aussi dures, Iqbal a réussi à apprendre à écrire et à lire grâce à une autre enfant esclave du nom de Maria. C’est dire les mérites de ce garçonnet.
Un jour, en 1993, alors qu’il est âgé de neuf ans, Iqbal et ses camarades de misère sortent en cachette de l’usine de tapis. Durant cette fuite, il rencontre un avocat, Eshan Ullah Khan, président d’une association, le Front de libération contre le travail forcé des enfants(BLLF). Khan était en réunion dans le village d’Iqbal. Il le trouva dans un coin de la salle. Le gosse avait les membres blessés par les chaines et paraissait malheureux. Il ressemblait à un vieillard. Khan le prit avec lui et l’aida à sortir de la servitude. Après six ans d’esclavage, Iqbal devint finalement libre et reprit la joie de vivre. Et c’est à partir de ses dix ans que ce garçonnet devient l’une des figures publiques et emblématiques de la lutte contre l’esclavage moderne infligé aux enfants, au niveau mondial.
«N’achetez pas le sang des enfants!» Tel est le cri que pousse Iqbal et qui va bouleverser les consciences. Devenu le porte-parole du BLLF, Iqbal voyage pendant deux ans au Pakistan, en Inde, en Europe et aux États-Unis pour dénoncer les conditions affreuses de travail des enfants. A travers de nombreuses interventions, il témoigne de son histoire. Sous la pression internationale, le gouvernement pakistanis finit par fermer plusieurs dizaines de fabriques de tapis où travaillaient des enfants dans des conditions d’esclavage, libérant ainsi plus de 3 000 enfants. On peut déjà imaginer que ce gavroche pakistanais ne devait pas être bien vu des propriétaires d’ateliers de misère.
En 1994, Iqbal est l’un des lauréats du prix Reebok des droits de l’homme, un prix de la fondation Reebok, accompagné d’une somme d’argent qu’il déclare vouloir utiliser pour suivre des études de droit. Mais Iqbal ne vivra pas assez longtemps pour aller à l’université: alors qu’il se promenait à vélo avec deux amis dans son village, il est assassiné le 16 avril 1995, à l’âge de douze ans. Les circonstances du meurtre demeurent troubles, mais les soupçons pèsent lourdement sur la « mafia du tapis » pakistanaise qui souhaitait à tout prix faire taire ce porte-parole embarrassant et «dangereux» pour leurs intérêts. Iqbal a été enterré le 17 avril 1995. Quelque huit cent personnes l’ont accompagné jusqu’à sa dernière demeure.
La police pakistanaise ne s’est jamais souciée d’ouvrir une enquête. Les instances judiciaires concernées n’ont jamais donné non plus de suite au meurtre, ce qui en dit long sur la façon dont fonctionne la Justice et «le système» au Pakistan; et qui, d’ailleurs, rappelle étrangement comment les choses se passent dans notre pays. On n’assassine pas ainsi, par hasard, un enfant de douze ans allant à vélo, alors que l’environnement est tout à fait calme. À qui pouvait profiter le crime sinon qu’aux monstrueux « maffiosi du tapis», tapis dans l’ombre, déchaînant leurs hommes de main contre un innocent, un enfant, un futur «agitateur communiste» qui viendrait troubler le bal d’exploiteurs capitalistes sans merci, sans moralité et sans considération aucune pour la vie humaine.
Aujourd’hui, Iqbal est devenu un des symboles de la lutte contre l’exploitation des enfants. En assassinant cet innocent, les scélérats du capitalisme globalisateur n’ont faite que couper le tronc de l’arbre de la lutte universelle contre l’esclavage des enfants, mais il repousse chaque jour car ses racines, disons, les défenseurs de cette cause sacrée, sont nombreux et déterminés.
Nous joignons notre voix, celle du journal à la noble démarche entreprise par la Fondation Zanmi Timoun à l’occasion de la Journée mondiale contre l’esclavage des enfants ce 16 avril 2017, visant à «dénoncer encore une fois l’existence d’enfants vivant en situation proche de l’esclavage en Haïti et partout dans le monde». Le sang d’Iqbal n’aura pas été versé en vain.
Sources:
Sean Bayard. L’histoire d’Iqbal Masih. Prezi, 8 décembre 2014.
Jennifer Rosenberg. Pakistani Martyr Iqbal Masih. Biography of a 10 Year Old Activist.
Thought Co. April 14, 2017.
Attie, Iqbal Masih, Child Hero, 3-2-2015