Haïti face au Coronavirus, un combat inégal ! (2)

2e partie

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Le confinement que personne ne respecte vraiment avec des rues bondées. Des centaines d’Haïtiens affluent vers Champs-de-Mars pour faire la Carte d’Identification Nationale (CIN) dans un bureau de l’Office National d’Identification (ONI).

Dans ce combat inégal que mènent les autorités haïtiennes contre la propagation du Covid-19 dans le pays, les grands organismes mondiaux comme le FMI qui vient de décaisser 111,6 millions de dollars et les pays donateurs  comme les USA à travers USAID 13,2 millions soit 125 millions au total ne sont pas les seuls à pouvoir aider le gouvernement à surmonter les pénuries en matériels médicaux et les carences dans le domaine médical et sanitaire. Solidarité et fraternité caribéenne obligent et les relations d’Etat à Etat favorisent l’entraide et la coopération. C’est ainsi que le gouvernement cubain qui, à chaque catastrophe mondiale, étonne de plus en plus avec son armée de médecins, de spécialistes et autres techniciens dans le domaine médical, envoie des cohortes de médecins en  Espagne, en Italie, au Venezuela et un peu partout dans le monde.

En Haïti où le pays de Fidel Castro dispose depuis des années d’une brigade médicale en permanence de plus de 300 médecins et infirmières à travers tout le pays, le gouvernement cubain, à la demande de son homologue haïtien, a décidé dans le cadre de la guerre contre le Covid-19 d’augmenter le nombre de son personnel médical. De 300 on est passé à 348 médecins et infirmières en Haïti en vue d’aider les autorités haïtiennes à faire face à la pandémie. « Cuba est un pays avec lequel nous avons de très bonnes relations. Des relations historiques, franches et généreuses. Le Président Moïse compte beaucoup sur les Cubains dans le cadre de la bataille contre la propagation du Covid-19 », a déclaré le 25 mars 2020, Claude Joseph, le ministre haïtien des Affaires étrangères. « Au nom du Président de la République, Jovenel Moïse, et du peuple haïtien, je remercie le gouvernement et le peuple cubain pour le déploiement d’une brigade médicale de 348 médecins et infirmières en Haïti dans le cadre de la lutte contre coronavirus ».

Rappelons que la coordination et le déploiement de tous ces spécialistes cubains sur le territoire a été fait en parfait accord avec l’ambassadeur cubain en Haïti, Luis Castillos Campos. Comme pour certains Etats déjà au bord de la saturation, le Président de la République, Jovenel Moïse, a décrété un confinement total de la population et même un couvre-feu dans la capitale et dans certaines villes de province entre 20 heures et 5 heures du matin. Mais, en Haïti et pour les Haïtiens en particulier, le confinement est un vain mot ou qui n’existe que pour les autres, c’est-à-dire pour personne. Outre le confinement que personne ne respecte vraiment avec des rues bondées, des transports en commun remplis sans parler des embouteillages montres constatés tous les jours sur les principaux axes routiers comme pour la zone de Martissant devenue infernale, sinon pire que d’ordinaire, en ce qui concerne le couvre-feu, c’est comme si personne n’en a jamais entendu parler. En effet, de jour comme de nuit, certaines rues de Port-au-Prince grouillent de monde. Dans les endroits (Champ-de-mars, Route de Delmas) où habituellement le soir les marchands de toute sorte envahissent les trottoirs en proposant des fritures et autres jus de papaye, les activités continuent comme si de rien n’était. Aucune distance et précaution n’ont été observées entre les gens qui vaquent le plus tranquillement du monde à leur occupation.

Quant aux marchés publics comme celui de la Croix-des-Bossales, le plus grand marché de la région métropolitaine de Port-au-Prince, non seulement la question d’hygiène et de salubrité ne se pose plus, mais c’est la proximité entre des centaines de vendeurs et d’acheteurs qui inquiète le milieu médical. On sait, en effet, que le virus se transmet principalement par le crachat, la salive et des postillons d’où la distance d’un mètre entre chaque personne et le port de masque recommandé par les médecins. Mais en Haïti, il semble que ce peuple est immunisé collectivement par des anticorps naturels fabriqués depuis longtemps par son mode de vie quotidien. Quand on voit le ravage que fait ce virus dans des pays où les gens respectent de manière générale les consignes, il est difficile de comprendre ou de croire qu’en Haïti on n’a enregistré au moment où nous écrivons cette Tribune (mardi 21 avril) que 618 personnes testées positives dont 57 cas graves et 3 morts ; tandis que de l’autre côté de la frontière, chez nos voisins dominicains, c’est par centaine qu’ils comptent les personnes contaminées et les morts. Encore plus surréaliste ce miracle, c’est quand on voit la file de compatriotes serrés comme des sardines entrés au pays par la route en provenance de Saint-Domingue sans aucune protection et sans qu’aucun test n’ait été réalisé sur aucun d’entre eux avant d’entrer chez eux un peu partout sur le territoire national. Or, ces travailleurs transfrontaliers et ceux qui ont habité depuis de longues années en République Dominicaine ont tous été forcément en contact avec des dominicains et autres nationalités qui eux, ont été soit contaminés soit décédés. En vérité, il y a de quoi s’inquiéter et même si l’on refuse de l’envisager, de craindre le pire pour les mois prochains. En tout cas, dans le cadre de la transparence annoncée par les autorités, deux instances publiques ont été crées : une Scientifique, l’autre Communication. Comme ses homologues européens, le Président Jovenel Moïse s’est entouré d’un Comité scientifique en vue de l’aider à mieux gérer la pandémie et surtout pour conseiller le gouvernement sur les mesures sanitaires à mettre en place.

Le Président de l’APH, Pierre Hugues Saint-Jean.

Font partie de la cellule scientifique : Dr Patrick Dely, de la Direction d’épidémiologie des laboratoires et de recherche (DELR), Coordonnateur; Dr Jacques Boncy, Directeur du Laboratoire national de santé publique, membre; Dr Martial Beneche, Direction départementale sanitaire de l’Ouest, membre ; Dr Pierre Sosthènes, représentant de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), membre ; Dr Luis Codina de l’OMS/OPS, membre ; Dr Stanley Juin, du Centre de contrôle et prévention des maladies (CDC), membre ; Dr Jean William Pape, des Centres Gheskio, membre ; Dr Fabrice Julcéus de Zanmi Lasante, membre ; Dr Jean Hugues Henrys, Président de l’Association médicale haïtienne, membre ;  Dr Joëlle Philogène, Pneumologue, membre ; Dr Ariel Henry, neurochirurgien, membre, Dr Guerda Coicou, anesthésiologiste, membre ; Wilcox Toyo, de la Société haïtienne de santé mentale, membre et le Professeur Alain Gilles, sociologue, membre.

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Cette cellule composée de médecins et spécialistes de diverses disciplines liées à la santé et à la recherche médicale a été créée le 26 mars 2020 suivant «  La circulaire No. 001 du 25 mars 2020 relative à l’exécution de l’arrêté du 19 mars 2020 déclarant l’Etat d’urgence sanitaire sur toute l’étendue du territoire national pour une période d’un mois pour lutter contre la propagation du Coronavirus (COVID-19), cette cellule scientifique de gestion de la crise a pour principales attributions de collecter et de traiter les données liées au COVID-19 et de produire des recommandations à la cellule gouvernementale sur les mesures sanitaires à prendre ». Enfin, voulant s’entourer de spécialistes en Communication afin de mieux guider la population sur la conduite à tenir par rapport aux décisions prises au niveau gouvernemental, sur les conseils du Conseil scientifique, les autorités ont aussi crée une cellule de Communication et d’information placée sous la supervision du Secrétaire d’Etat à la Communication.                                                                                                                                  Elle est ainsi composée de : Eddy Jackson Alexis, Secrétaire d’Etat à la Communication, Coordonnateur ; Emmanuel Jean-François, Directeur de communication au Palais national, membre ; Jean Rommel Pierre, représentant de la Primature, membre ; Ingénieur Shiller Jean-Baptiste, représentant du CONATEL membre ; Jacques Sampeur, représentant d’association de médias, membre ; Dieumaître Dessources, représentant d’association de médias, membre ; Jacques Desrosiers, Secrétaire générale de l’Association de journalistes haïtiens, membre ; Stéphane Vincent, expert en technologies de la communication, membre ; Miss Djina Guillet Delatour, spécialiste en santé communautaire, membre ; Guy Serge Pompilus, représentant de l’IHSI, membre et Albert Moléon, représentant de la Direction de la Protection civile, membre.

Tout comme le Comité scientifique, cette cellule de Communication a été créée par la même Circulaire 001 du 25 mars 2020 et le même arrêté présidentiel du 19 mars 2020 décrétant l’Etat d’urgence sanitaire.  Selon le locataire de la Primature, Jouthe Joseph, ces deux cellules ont respectivement leur siège au Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) et au Ministère de la Culture et de la Communication. Rappelons que le gouvernement avait mis en place dès le début de la pandémie en Haïti un Centre d’Informations Permanentes sur le Coronavirus (CIPC) afin de donner aux journalistes toutes les informations dont ils ont besoin pour mieux informer la population. Le CIPC travaille déjà avec le Centre d’Opération d’Urgence Nationale (COUN) et les COUD (Centre d’Opération d’Urgence Départementale) qui sont activés chaque fois qu’il y a une catastrophe majeure qui frappe le pays : genre cyclone, inondation ou séisme.

Docteur ès création de commission, le Président Jovenel Moïse n’a pas raté l’occasion d’en créer une. Bien que déjà entouré d’une Cellule scientifique qui est censée regrouper tous les spécialistes du secteur médical et sanitaire, le lundi 6 avril 2020 il a formé une Commission multisectorielle de gestion de la pandémie du Covid-19. Elle est constituée de trois (3) membres : Dr Jean William Pape le fondateur des Centres Gheskio en Haïti, Président ; Dr Lauré Adrien Directeur général du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) et Paul Oxila Conseiller. Selon l’article 3 de l’arrêté présidentiel nommant cette commission, sa mission est d’«  Assurer la planification stratégique et la coordination des ressources provenant des organisations non gouvernementales, du secteur privé des affaires en offrant toute la transparence et la responsabilité nécessaire. »

Cette Commission a une sa durée de 90 jours selon l’article 7.  Lors de l’installation de la Commission multisectorielle de gestion de la pandémie du Covid-19 au Palais national, en présence des dignitaires et autres autorités sanitaires, le Président Jovenel Moïse a lancé un appel à tout le pays  pour combattre cette maladie. « Si le pays ne s’unit pas pour faire face au coronavirus, nous serons très vite dépassés. Que vous soyez membres de la presse, de la société civile, du secteur privé des affaires, du secteur de la santé, de l’université vous avez tous un rôle à jouer dans la lutte contre le Covid-19. L’État n’y arrivera pas seul. J’ai besoin du support de chaque Haïtien pour gagner la bataille » a-t-il déclaré. Néanmoins, le chef de l’Etat a profité la présence des sommités du monde médical et des personnalités engagées dans la lutte contre la propagation du virus pour lancer un coup de gueule contre le comportement de la population qui, pour l’heure, ne semble pas prendre la mesure du danger qui pèse sur le pays « Peuple haïtien, je vous exhorte à prendre la juste mesure du risque épidémique. La désinvolture et la mauvaise foi affichées par de nombreux compatriotes peuvent conduire le pays à une catastrophe sanitaire sans précédent ».

Dans l’affolement devant l’arrivée de la maladie, les autorités gouvernementales ont aussi oublié au bord de la route certains acteurs du secteur de la santé. En tout cas, c’est ce que l’Association des Pharmaciens d’Haïti (APH) a bien voulu rappeler au Président de la République et au Premier ministre Jouthe Joseph  dans un communiqué daté du mercredi 1er avril 2020. En effet, le Président de l’APH, Pierre Hugues Saint-Jean conseille au « Premier ministre Jouthe Joseph de bien vouloir revoir la composition de la cellule scientifique » puisque, selon ce professionnel de la pharmacie, «  Considérant l’approche pluridisciplinaire que nécessite le système de santé pour avoir  de meilleurs résultats, l’APH constate qu’il y a ni anthropologue, ni infirmière, ni pharmacien au sein de la cellule scientifique alors qu’ils sont des éléments essentiels à l’atteinte des objectifs de cette  structure ». Bien que pour l’instant la population doute de l’efficacité de tous ces organismes créés pour la circonstance, il leur reste maintenant à prouver leur utilité et leur capacité à travailler en symbiose afin de permettre aux autorités politiques et médicales de faire une bonne gestion de cette crise sanitaire dont personne ne sait quand  et comment elle prendra fin.

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