Il n’y a d’intelligence que là où un effort permanent et cohérent se déploie contre l’invariant, pour bousculer la routine confortable par une agitation cognitive intranquille capable de provoquer des étincelles de communication. Brèches de l’imaginaire irradiant, celles-ci transforment toujours les impasses en boucles irradiantes d’enseignement/apprentissage pour des décisions probantes.
Hypothèse
Dans mon délire TIPÉDANT, et non moins raisonnant, il m’est apparu que la simulation d’un trou de ver comme brèche lumineuse de sortie dans l’espace-temps d’un trou noir, renforce la pertinence de la pédagogie de la provocation comme démarche d’apprentissage turbulent capable de susciter une plus grande disponibilité pour l’intelligence en dérangeant les conforts médiocres.
L’erreur des stratèges et des experts au chevet d’Haïti est leur forte disponibilité pour les choses simplifiantes et leur grande aversion pour l’intelligence qui n’est que turbulence. Comme viennent de l’expérimenter des chercheurs en laboratoire, dans tout chaos, il y a un brin d’information qui peut offrir la brèche d’une ligne de fuite reliant trou noir et trou de ver. Mais ce brin d’information n’est pas donné sous forme simplifiée, il est un signal faible qui se brouille et se dissimule dans les turbulences du chaos ; c’est seulement sa découverte par une intelligence, dans une traque permanente et intranquille, qui permet de le faire remonter comme information structurante rattachée à un contexte où il prend du sens et devient pertinence pour l’action.
Comme je ne cesse de le dire, l’errance haïtienne s’explique par une défaillance totale de l’écosystème de l’intelligence. Aussi nous proposons de forger un attracteur TIPÉDANT pour partir à la recherche de l’intelligence déroutée dans les rêves blancs d’ailleurs. Comme l’illustre ce dessin, Haïti a besoin d’un attracteur TIPÉDANT, carburé aux technologies de l’intelligence et de la prospective éthique, pour oser faire le saut de l’expertise poubelle fondée sur le MOI médiocre, opportuniste et indigne vers une expertise nouvelle basée sur un repère éthique orienté par l’engagement de SOI comme reliance entre société, organisation et individus.
Nous assumons que l’errance haïtienne, durant ces 219 années d’indépendance, peut s’expliquer autrement et plus intelligiblement que par la thèse dominante laissant croire à la permanence d’un complot de la médiocrité politique, dont le triomphe a mis en déroute l’intelligence. Il nous semble déceler un non-sens dans l’hypothèse, hautement improbable, que la médiocrité puisse durablement triompher sur l’intelligence. Un tel fait serait une véritable régression cognitive, voire une métamorphose anthropologique, consacrant l’émergence d’une espèce dont la médiocrité serait si brillante et puissante qu’elle désarmerait et mettrait en fuite l’intelligence. Cette conclusion, humainement invraisemblable, autorise donc à douter de la perspective de l’intelligence en déroute permanente devant la médiocrité. Sauf si l’on admet et reconnaît que le paradoxe est un enseignement de l’intelligence de la complexité. Paradoxe qui conduit à assumer qu’il puisse bien exister une espèce métamorphosée qui a évolué à rebours de la dignité humaine, en épousant la forme de cet homo detritus, prédit par l’axiomatique de l’indigence. L’avènement de l’homme poubelle, qui abandonne son intelligence et désapprend à penser pour soigner sa panse en pensant échapper aux précarités matérielles de son environnement est ce que nous appelons, dans notre insolence raisonnante, l’indigence.
De fait, pour in-signifiante que paraisse cette thèse de la déroute séculaire de l’intelligence, elle semble chère aux élites haïtiennes anoblies par les puissances étrangères. Et pour cause ! Car elles y trouvent une excuse à leurs défaillances humaines et à leur déracinement. Ainsi, cette thèse est loin d’être banale, et même qu’elle joue un rôle central dans la structuration et la perduration de l’errance haïtienne. Et du reste elle doit être récusée et combattue, car elle induit une perversion de l’écosystème où elle se répand. En Haïti, par exemple, elle tend à conforter le collectif dans une résilience abjecte et une impuissance immonde qui structurent dans la conscience collective de lourdes médiocrités humaines, comme : le culte de la débrouillardise individuelle, l’assumation de l’irresponsabilité et de la résignation, les postures professionnelles flexibles proches de l’indignité et de la servilité. Objectivement, quand la résilience et l’impuissance rencontrent l’adhésion collective, elles se métamorphosent en ‘‘résili-ance’’ et nourrissent deux grandes défaillances : Globalement, elles poussent le collectif à laisser en déshérence son territoire local pour se projeter dans la culture des rêves blancs d’ailleurs ; tandis qu’individuellement, elles incitent chacun à résilier ses responsabilités, renoncer à sa dignité, abdiquer son humanité. L’enchevêtrement dans le temps de ces défaillances a fini par évider la conscience collective haïtienne qui s’est progressivement accoutumée à vivre dans le confort d’un minimum toujours plus insignifiant, avec l’espoir que cela pourra un jour aller mieux si on parvient à survivre. Car ici, par perversion cognitive, on ne vit pas pour forger l’espoir ; c’est l’espoir qui fait vivre.
De l’imposture à l’impensé d’une thèse
Véhiculer cette thèse est donc une démarche tout en imposture et pleine d’impensé. Elle est d’imposture, car en désignant la strate politique défaillante comme bouc émissaire, elle sert au vrai à protéger la strate culturelle et académique qui assure la performance de l’errance haïtienne. Et cela parce que ce n’est pas le défaillant décrié qui porte le génome de l’invariant, mais le performant célébré. Ce qui explique pourquoi cette thèse débouche sur un paradoxe éloquent : l’errance haïtienne est un processus de performance défaillante. Elle est un impensé, car elle tue la pensée en incitant à subir l’errance comme une fatalité et à s’y adapter passivement en se débrouillant pour survivre. C’est donc la médiatisation de cette thèse qui en poussant à la débrouillardise individuelle étouffe la pensée critique et tue l’intelligence collective. En effet, si ceux qui ont le savoir et la culture, armes infaillibles pour fabriquer l’intelligence, décrètent que l’intelligence est en déroute, il y a lieu de se demander : à quoi sert de résister ? Et surtout, avec quoi résister ? Car, si ceux qui sont armés pour résister contre la médiocrité assument qu’il y a un complot permanent dont la réussite finit toujours par faire fuir l’intelligence, n’est-ce pas suicidaire que le peuple désarmé continue à s’engager dans la bataille pour le changement ?
Il est donc logique que tout le collectif haïtien se complaise à vivre dans le culte de l’abandon de son territoire, la perte de sens avec son environnement, l’abdication de la citoyenneté, la résiliation des responsabilités et l’indisponibilité pour tout engagement authentique à finalité collective. Or ce sont là autant de fissures qui, en évidant la conscience de toute valeur, atrophient la mémoire collective, déforment les postures professionnelles, altèrent durablement la cohésion sociale et laissent éroder, lentement, mais sûrement, la dignité nationale. C’est cette érosion qui, devenue turbulente, avec le temps, par des rétroactions circulaires médiocres enchevêtrées, a achevé de transformer Haïti en ce territoire shitholique stratifié pour l’errance. D’où cette métamorphose indigente, en fumier anthropologique, dans laquelle émerge Haïti 219 ans après son indépendance.
Le territoire haïtien est si bien enfumé, qu’il émerge, dans la conscience universelle, comme un haut lieu préposé à l’assistance internationale. Tout un pan de l’humanité considère Haïti comme un lieu où le malheur et la souffrance ont élu domicile permanent. Ce qui donne au peuple haïtien l’immonde réputation d’être un fossile anthropologique déshumanisé qui dérive dans les courants marins du continent américain. Éloquent paradoxe, puisque ce pays a pris son envol en fascinant le monde par la dimension lumineuse de la lutte des anciens esclaves qui, en dignes et courageux marrons de la liberté, s’étaient révoltés contre la déshumanisation esclavagiste en proclamant l’indépendance en 1804. Il y a donc un profond impensé dans la médiatisation de cette thèse, comme d’ailleurs de celle qui laisse croire que les dysfonctionnements institutionnels invariants que connaissent Haïti sont le signe que le pays n’est pas gouverné.
Une gouvernance conçue pour une écosystème poubelle
Ceux qui répandent ces thèses prouvent doublement leur niveau d’insignifiance. D’une part, ils valident l’idée que le savoir aux mains des Haïtiens est futile ; puisqu’ils ne peuvent pas, contrairement à d’autres peuples, en faire un outil de contextualisation pour adresser les grands domaines problématiques de leur écosystème. D’ailleurs, ils les fuient, au lieu de les affronter ; confirmant par-là que leur plus grande défaillance est bien un manque d’intelligence par leur indisponibilité pour s’engager volontairement et authentiquement dans un processus d’apprentissage. Or c’est l’apprentissage qui permet de transformer les environnements problématiques, car il facilite l’acquisition de retours d’expérience par confrontation aux difficultés. Retours d’expérience ô combien enrichissants, car ils amènent toujours les sujets à penser sur leurs propres processus de pensée, par la métacognition qui aide à se remettre en question et à modifier ses comportements pour trouver les postures les plus agiles pour innover et conduire le changement.
D’autre part, ils sont incapables de prendre conscience qu’ils ne sont que des pions programmés pour évoluer, comme automates influents, mais insignifiants anoblis, sur l’échiquier de la géostratégie de la déshumanisation qui considère Haïti comme un écosystème poubelle, lequel n’a besoin que d’une expertise poubelle. En conséquence, verrouillés dans cette double posture d’insignifiance, ils ne mesurent pas que leur anoblissement académique et leur rayonnement culturel ne sont qu’une vaste imposture et un abondant enfumage dimensionné pour enjoliver la médiocrité politique qui pilote la gouvernance stratégique haïtienne. Ce qui illustre à merveille que l’impuissance du collectif haïtien et l’invariance de la défaillance de l’écosystème haïtien suivent une parfaite dynamique d’errance. Pilotée par un binôme indigent dont la résultante à valeur absolue, mesurée en expertise poubelle, produit un puissant moment d’inertie. C’est comme un engrenage rythmé par deux médiocrités qui s’équilibrent selon la fameuse règle de signes, moins par moins donne plus. Subtile perversion de la devise nationale : l’union (des médiocres appariés en binôme indigent) fait la force (puissante de l’invariante errance) (voir illustration page suivante).
En médiatisant la fameuse thèse de la mise en déroute de l’intelligence par le triomphe de la médiocrité politique, les réseaux académiques et culturels haïtiens ne se rendent pas compte qu’ils font preuve d’une grande insignifiance. Ils oublient que la médiocrité ne triomphe que parce qu’elle reçoit les adjuvants d’une intelligence improbable. Toujours en deux insignifiances d’égale mesure numérique se décompose la médiocrité qui triomphe : deux médiocrités, qui s’équilibrent dans leur réussite précaire en une puissante et invariante inertie, verrouillent toujours les écosystèmes sur une trajectoire d’errance en bloquant les nouveaux possibles humains. Il suffit d’imaginer les senteurs que peuvent dégager un fumier dont les bouses sont exclusivement formées par des liaisons contractées entre des Crapules Accréditées (CA) et des Couillons Assumés (CA). De même que deux BON forment un joli BON-BON, il faut deux CA pour un joli …… !
Ainsi, envers et contre tous les réseaux d’impostures militantes, d’insignifiance académique et d’impensé culturel, je postule que c’est l’indigence globale et multidimensionnelle, dans laquelle majoritairement le collectif haïtien a appris à évoluer, en contemplant la réussite médiocre et indigne de ses élites, qui a tué l’intelligence collective en Haïti. En ébruitant cette thèse, les élites culturelles et académiques se déresponsabilisent et protègent la strate qui assure leur réussite en indexant la strate politique, unanimement reconnue comme profondément médiocre et totalement corrompue, comme la strate à combattre. Encore faut-il ajouter à combattre dans la plus grande imposture, fébrilement et médiocrement, puisque les stratégies de lutte, pour réformer cette strate politique indigente, ont toutes été d’éloquents échecs. En conséquence, toute stratégie d’innovation de l’écosystème haïtien doit s’armer de courage et de patience pour partir à la recherche de l’intelligence déroutée. Car ce n’est pas la médiocrité politique qui est le problème à combattre en Haïti, mais l’indigence des élites qui tuent l’intelligence collective en médiatisant le prisme d’un succès précaire et déshumanisant qui enfume l’écosystème de cauchemars noirs en invitant le collectif à se projeter dans les rêves blancs d’ailleurs.
Vers une innovation par le dissensus
Pour le dire de manière provocante, assumons notre conclusion : ce ne sont pas les Michel Martelly, les Moïse Jovenel et toutes autres crapules accréditées qui ont déshumanisé Haïti, mais l’indigence de ceux qui vivent dans le confort médiocre de leurs réussites précaires, sans se remettre en question. Aucune société ne peut progresser humainement sans valoriser une pensée critique qui dérange le succès minimal insignifiant confortable pour innover sans cesse les processus de la réussite afin qu’ils ne deviennent point des verrous. Le changement n’est pas donné, il se construit. L’innovation n’attend pas le consensus, il se forge à coup de dissensus. Alors, si Haïti veut innover et se forger un autre destin, sa population doit assumer sa rupture d’avec la réussite indigente. Pour cause, la réussite indigente n’est pas une vertu, même quand elle nourrit son homme et met une partie du monde à ses pieds. Mais pour la guider vers cette rupture, cette population doit trouver une avant-garde compétente, conscientisée, courageuse, éthique et résolue à s’enraciner sur le terroir de son shithole pour faire revenir l’intelligence et défendre l’héritage de l’indépendance.
Alors, que les guerriers de l’intelligence (s’ils existent) se regroupent et osent saisir ce créneau historique pour imposer leur rythme turbulent, magnifier leur style insolent et dérangeant. Qu’ils assument le risque de déplaire et d’être mis à l’écart des espaces d’entre soi mafieux ; car, pour paraphraser René Char, à forcer de les regarder briller d’entêtement et de dignité, malgré l’obscurité et les précarités, les enfumés s’habitueront à la lumière et apprendront à briller. Car si chacun s’enflamme de colères intelligentes, il fera rougir les ronces mortes de son voisinage immédiat, et de proche en proche, dans le shithole, le feu se rallumera et le flambeau brillera pour guider le passage dans l’obscurité.
La nature est écrite en langage mathématique, toute problématique intelligente doit épouser un modèle mathématique sous forme d’une axiomatique ou d’une représentation géométrique. Voilà pourquoi l’axiomatique TIPÉDANTE propose une géométrie de données pour objectiver la complexité haïtienne au travers d’un modèle original qui magnifie la pédagogie de l’insolence pour susciter l’engagement pour l’apprentissage turbulent. Cette axiomatique s’énonce ainsi : en reliant dans un modèle les contraintes d’une problématique défaillante dans un écosystème, les valeurs dominantes de cette société, les variables dimensionnant les processus de ses institutions, les états cognitifs et les niveaux de conscience de ceux qui pilotent ces processus, on peut forger un modèle de données qui peut être soit un attracteur étrange qui enfume et verrouille sur l’indigence, soit un attracteur qui dérange et guide vers l’intelligence en aidant à trouver un équilibre humain vivable dans le chaos.
Erno Renoncourt
21 janvier 2023