Gaza: dans la lignée de George Washington

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George Washington, the first president of the United States, appears on the one dollar bill. Very few people know that the Iroquois called him "the destroyer of cities" – Hanadahguyus – because he destroyed many Indian villages.

(English version)

L’attaque et les représailles

Le ministre des finances détermine qui va figurer sur les billets de banque étatsuniens. Un des critères est que le personnage soit décédé. Un autre est qu’il soit bien connu du public. Ainsi c’est George Washington qui orne le billet le plus utilisé, celui de un dollar étatsunien. Or, demandez à qui vous voulez et elle/il vous répondra que c’était un des présidents étatsuniens, avec un peu de chance il/elle ajoutera que c’était le premier, tout à la fin du 18ème siècle. Très, très rares sont ceux ou celles qui savent qu’on l’appelle également “le destructeur de villes” – Hanadahguyus – le nom que les Indiens Iroquois lui ont donné suite à la “première campagne génocidaire de l’histoire des États-Unis” selon l’historienne étatsunienne Rhiannon Koehler, spécialiste des questions amérindiennes. [Hostile Nations. Quantifying the Destruction of the Sullivan-Clinton Genocide of 1779, Rhiannon Koehler, The American Indian Quarterly, University of Nebraska Press, Volume 42, Number 4, Fall 2018 pp. 427-453]

Comme décrit au Musée national des Indiens d’Amérique à New York, «Au cours de l’été 1779, George Washington ordonna à ses généraux Clinton et Sullivan d’attaquer et d’incendier la ville de Haudenosaunce (Iroquois). Les mères du clan Cayuga ont été informées de l’approche de l’armée. Elles ont demandé aux dirigeants Oneida alliés aux Etatsuniens de plaider auprès de l’armée pour qu’elle épargne leurs villes. Quatre dirigeants Oneida ont rencontré le général Sullivan, mais celui-ci n’a pas voulu les écouter. Les armées étatsuniennes ont détruit 40 villes Haudenosaunce (Iroquois) et brûlé leurs récoltes tandis que les habitants fuyaient. À Chonodote, la ville des pêchers, l’armée a brûlé 1 500 pêchers”.

george washington est également appelé “le destructeur de villes”

Plus de 5.000 Iroquois ont dû se réfugier au Canada britannique, tandis que ceux restés en arrière n’ont pu résister au terrible hiver de 1779–1780. Ce raid par les forces du nouvel Etat – les Treize colonies qui ont donné naissance aux États-Unis d’Amérique – était en fait une réponse aux nombreuses attaques et massacres par les guerriers Iroquois – alliés aux loyalistes pro-britanniques – l’année précédente dans le nord de l’Etat de Pennsylvanie et le centre de celui de New York.

Peo Peo T’Olikt (L’Oiseau qui se pose) de la tribu Nimi´ipuu (Nez Percé) raconte l’attaque du 1er juillet 1877 contre leir camp: Après le départ des soldats, nous sommes retournés dans nos maisons en ruines.

L’occupation

À leur tour, et plus fondamentalement, ces opérations avaient été provoquées par, selon l’historien et professeur étatsunien Colin G. Calloway, également spécialiste des questions amérindiennes, «Washington [qui] était tout au long de sa vie obsédé par l’obtention de terres indiennes, que ce soit pour lui-même ou pour sa nation, et lançait des politiques et des campagnes qui ont eu des effets dévastateurs pour les Indiens. La croissance de la nation [étatsunienne] exigeait la dépossession du peuple indien. Washington espérait que le processus se déroulerait sans effusion de sang et que les Indiens abandonneraient leurs terres pour un prix ‘juste’ et partiraient. Mais si les Indiens refusaient et résistaient, comme ils le faisaient souvent, il estimait qu’il n’avait d’autre choix que de les ‘extirper’ et que les expéditions qu’il envoyait pour détruire les villes indiennes étaient donc entièrement justifiées”.

Les collaborateurs de Washington – qui, dix ans avant d’être nommé président, était alors le commandant en chef de la nouvelle armée étatsunienne – parlaient d’“extirper ces chiens infernaux [hell-hounds] de la surface de la Terre“. À l’époque on diabolisait déjà. «En utilisant la définition du génocide de l’ONU de 1948 et le cadre du colonialisme de peuplement, [Rhiannon Koehler] examine l’effort à grande échelle des États-Unis pour anéantir les Haudenosaunee [Iroquois]. Elle soutient que leur destruction systématique faisait partie d’une initiative idéologique plus large par laquelle les dirigeants étatsuniens évitaient la diplomatie et préféraient nier l’autorité, la souveraineté et l’humanité des Iroquois”.

Mais laissons parler les Indiens eux-mêmes, à commencer par Inshata-Theumba (Yeux Brillants), artiste, écrivaine et professeure de la tribu Omaha au Nebraska – extrait de son livre “The Indian Question” (1880)

Lorsque l’Indien se bat pour sa propriété, sa liberté et sa vie, ils le traitent de sauvage

«Lorsque l’Indien, étant un homme et non un enfant ou une chose, ou simplement un animal, comme l’ont appelé certains dits civilisateurs, se bat pour sa propriété, sa liberté et sa vie, ils le traitent de sauvage. Lorsque les premiers colons de ce pays se sont battus pour leurs biens, leur liberté et leur vie, on les a appelé des héros. Lorsque l’Indien, en combattant cette grande nation, gagne une bataille, cela s’appelle un massacre. Lorsque cette grande nation gagne la lutte contre les Indiens, cela s’appelle victoire”.

Peo Peo T’Olikt (L’Oiseau qui se pose) de la tribu Nimi´ipuu (Nez Percé) raconte l’attaque du 1er juillet 1877 contre le camp du chef Looking Glass

«Après le départ des soldats, nous sommes retournés dans nos maisons en ruines. Plusieurs tipis avaient été incendiés ou détruits. Beaucoup de choses avaient été emportées et de nombreux objets détruits ou gravement endommagés. Des seaux en laiton, toujours soigneusement gardés par les femmes, gisaient abimés, brisés… Les jardins en pleine croissance étaient piétinés et détruits. Presque tous nos chevaux avaient été pris et le bétail chassé”.

Sunka-Luta, (Chien Rouge) des Oglala Lakota – partisan des négociations avec les États-Unis – extrait d’un discours prononcé le 16 juin 1870 à la Cooper Union à New York après la visite de la délégation Oglala Lakota à Washington D.C.

«Je n’ai que peu de mots à vous dire, mes amis. Quand le bon esprit nous a élevés, il nous a élevés auprès d’hommes bons pour leurs conseils et il vous a élevé auprès d’hommes bons pour leurs conseils. Mais les vôtres se détériorent tout le temps, tandis que les nôtres restent bons… Lorsque le Grand Père [le Président] a envoyé pour la première fois des hommes vers notre peuple, j’étais pauvre et maigre; maintenant je suis grand, corpulent et gras. C’est parce que tant de menteurs ont été envoyés là-bas et que j’ai été bourré de leurs mensonges”.

Déjà existaient les double standards, la cruauté et la propagande.

La délégation amérindienne des Oglala Lakota de 1870 à Washington D.C. pour négocier la paix avec les États-Unis, était dirigée par Sunka-Luta, (Chien Rouge) (au milieu) qui a dit: “lorsque le président [des Etats-Unis] a envoyé pour la première fois des hommes vers notre peuple, j’étais pauvre et maigre; maintenant je suis grand, corpulent et gras. C’est parce que tant de menteurs ont été envoyés là-bas et que j’ai été bourré de leurs mensonges”.

Le peuplement de territoires occupés

Ainsi que le raconte un troisième spécialiste des questions amérindiennes, Adam DJ Brett, doctorant de la Syracuse University, “avec sa Campagne Terre brûlée Sullivan-Clinton, les soldats de Washington étaient payés avec des terres”. [Revisiting George Washington’s assault on the Haudenosaunee 240 Years Later, Adam DJ Brett]

ces dirigeants militaires ont ordonné aux soldats d’assurer la destruction totale de l’Iroquoia afin de laisser les terres libres pour l’occupation par des colons

Selon Rhiannon Koehler, ces dirigeants militaires «ont ordonné à des centaines de soldats étatsuniens d’assurer la destruction totale de l’Iroquoia afin de laisser les terres étatsuniennes libres pour l’occupation par des colons».

Brett et de très nombreuses organisations de défense des Indiens s’élèvent contre ce récit des colons (settler narrative) qui se base sur la décision en 1823 de la Cour Suprême des Etats-Unis dans le cas de “Johnson v. McIntosh” – deux colons qui se disputaient les mêmes terres – instituant la “doctrine de la découverte” selon laquelle “La découverte d’un territoire jusqu’alors inconnu des Européens a donné à la nation découvreuse un titre sur ce territoire contre toutes les autres nations européennes, et ce titre pouvait être complété par la possession”. Ceci pour régler les disputes territoriales entre conquérants anglais et français.

À noter que le juge-en-chef, John Marshall «possédait d’importantes propriétés qui auraient été affectées si l’affaire avait été tranchée en faveur de Johnson», lequel avait acheté la terre conflictuelle à des Indiens tandis que McIntosh l’avait reçue comme une concession des Etats-Unis. Ainsi, c’est la conquête qui prenait précédence sur l’achat.

Pour établir leurs droits sur les terres, effectivement volées, les conquérants espagnols et portugais se reposaient plutôt sur des bulles papales, telle que celle du pape Nicolas V qui en 1452, a publié Dum Diversas, qui autorisait le roi Afonso V du Portugal à «soumettre les Sarrasins, les païens et tous autres incroyants et ennemis du Christ», et à «réduire leurs personnes à une servitude perpétuelle», à prendre leurs biens, y compris la terre, «pour les convertir, à vous, à votre usage et à vos successeurs les rois du Portugal”, ou la bulle de 1455, Romanus Pontifex, de ce même pape «qui étendait l’autorité du Portugal à la conquête des terres des infidèles et des païens pour ‘le salut de tous’ afin de ‘leurs âmes puissent être pardonnées…’». Et finalement, en 1493, la bulle Inter Caetera du pape Alexandre VI qui “traça une ligne nord-sud à 100 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert et donna à la couronne espagnole les droits exclusifs de voyager et de commercer à l’ouest de cette ligne, et de ‘mettre sous votre influence ledit continent et ses îles avec leurs résidents et habitants et pour les amener à la foi catholique’”, le reste étant laissé à la sphère portugaise.

Adam Brett ainsi que Philip Arnold, professor de religion à la Syracuse University et Sandra Bigtree, membre de la nation indienne Mohawk, lancent un appel: “200 ans après sa décision, il est urgent de réexaminer le cas Johnson vs. M’Intosh en examinant ce que le juge-en-chef John Marshall a mis en branle et comment cela a toujours un impact négatif sur notre monde aujourd’hui”… jusqu’au Moyen -Orient. [“Introduction to the 200 Years of Johnson v. M’Intosh: Law, Religion, and Native American Lands Series.” March 10, 2023]

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