Fidel Castro : le Géant qui a fait trembler les États-Unis !

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Le Géant Fidel Castro Ruz a fermé les yeux sur un monde qui se porte de plus en plus mal.

La mort du Leader maximo, Fidel Castro, survient à un moment où la République d’Haïti s’apprête à affronter une autre crise électorale qui risque cette fois-ci de la basculer dans l’explosion sociale.  Nous avons appris avec des larmes dans la gorge la triste nouvelle que nous attendions depuis longtemps dans l’anxiété et dans l’angoisse. Au fur et à mesure que les mois et les saisons  défilaient dans le paysage politique, nous savions que la fin du Grand Guerrier était proche. Il n’apparaissait plus en public. Fidel n’a même pas pu recevoir le fils de son ami Pierre  Eliott Trudeau en visite à la Havane, en l’occurrence Justin Trudeau, devenu à son tour Premier ministre du Canada depuis le 4 novembre 2015. La voix généreuse et charitable du « Dernier des Mohicans » qui s’élevait avec fermeté pour se porter à la défense des pauvres  s’est éteinte doucement à la Havane, au milieu des siens.

Le Géant a fermé les yeux sur un monde qui se porte de plus en plus mal. Fidel a écrit pendant ces dernières années des textes scientifiques, méthodiques qui mettent  l’humanité en garde contre le danger  d’une guerre nucléaire qui serait provoquée par la gourmandise et la rapacité des pays impérialistes.  Miné par la maladie, son corps s’agrippait à la corde solide de sa mémoire vive et fertile. Lorsque les journaux des États-Unis, de la France, du Canada, etc.,  faisaient courir les rumeurs de son décès, du fait qu’on ne l’entendait pas, qu’il ne prenait pas la parole en certaines circonstances particulières et exceptionnelles, il répondait sagement qu’il consacrait ses vieux jours à la lecture et à l’écriture. Comme les illustres philosophes de l’antiquité, Le « Josué » du peuple cubain, celui qui a renversé les « murailles du Jéricho » de Batista allié aux « forces ténébreuses » de la Maison Blanche et du Pentagone, réfléchissait sur le devenir de sa Nation, celle qu’il a refondée dans le sang, et sur la destinée des masses populaires du globe terrestre. Est-il mort dans la sérénité de l’esprit ? Le « créateur » a-t-il été tout à fait satisfait de son œuvre sociopolitique ? Certes, il savait où il avait réussi. Mais comprenait-il où il avait échoué ? Les principes de la philosophie héraclitienne commandent à toutes les analyses et réflexions critiques de s’arcbouter à la logique antonymique. Dans une démarche intellectuelle méthodique, nous ne saurions considérer la « chose » sans son « contraire ».

Jeune universitaire, Fidel Castro, instinctivement, voyait déjà le rôle essentiel que les dieux, – comme pour Achille,  Thésée, Héraclès, Alexandre le Grand – lui avaient réservé dans le cheminement historique de son peuple. Il était aussi conscient de la direction idéologique qu’il lui fallait privilégier en vue d’offrir une chance de réussite à sa mission délicate.  Il connaissait l’histoire des luttes révolutionnaires entreprises par des héros intrépides contre les intérêts hégémoniques  des États-Unis en Amérique Latine. Augusto Sandino mena une guérilla farouche durant sept ans au Nicaragua, 1927-1934, afin de libérer ses compatriotes de l’État dictatorial appuyé par les marines du Pentagone. L’ambassadeur de Washington, Arthur Bliss Lane, planifia son assassinat qui survint le 21 février 1934. En Haïti, à la même époque, il y avait Charlemagne Péralte, Benoit Batraville et les cacos. Tous connurent une fin atroce. Nous aurions pu évoquer les sorts qui furent réservés au Mexique bien avant à Emiliano Zapata Salazar alias El Caudillo del Sur et  José Doroteo Arango Aràmbula dit Pancho Villa. Fidel avait étudié dans ses moindres détails les conditions objectives et subjectives qui engendrèrent la Révolution d’Octobre 1917. Il découvrit que la prise du pouvoir par des intellectuels progressistes inféodés à un mouvement d’avant-garde éclairée était l’un des moyens les plus sûrs de parvenir à orienter une société oppressée et opprimée vers le point cardinal des idéaux de changement.  Il dévorait Hegel, Marx, Engels, Lénine, Trotski… Quand il eut lu le Manifeste du parti communiste, il fut enchanté. Il avait trouvé la voie révolutionnaire qu’il allait emprunter avec ses camarades de combat après avoir  quitté la Sierra Maestra. Il est impossible de bâtir une Nation sans aménager auparavant une base idéologique, sans faire la somme des connaissances théoriques valables et utiles, sans revisiter les grandes pensées philosophiques des Platon, Aristote, Épicure, Sénèque, Locke, Saint Augustin, Héraclite, Marx, Mao…, qui aidèrent à façonner d’un endroit à l’autre, dans un sens ou dans l’autre,  les civilisations anciennes et contemporaines.

En rédigeant cette dernière phrase, nous avons pensé à notre pays qui se meurt dans l’incompétence et l’indifférence des universitaires haïtiens. Après avoir prononcé son discours célèbre par devant les juges impérialistes iniques, L’histoire m’acquittera, Fidel Castro, en prison réfléchit sur les causes et les conséquences de l’échec de l’attaque menée contre la caserne de Moncada. L’immaturité politique et militaire était au rendez-vous. Beaucoup de jeunes y laissèrent la vie. Et le chef en portait toute la responsabilité. Au nom de ces martyrs de la lutte du changement sociétal à Cuba, il se devait de se réorganiser, de continuer, de vaincre ou de mourir à son tour. Mais non de baisser les bras. D’abandonner. De renoncer à la force constructive et à la violence positive. Quel autre moyen disposait-il pour  « déchouquer » les ennemis traditionnels des masses paysannes cubaines ?

Lorsque les mots, les discours échouent, il faut agir autrement et différemment. Cela fait partie des droits imprescriptibles du « Souverain » de choisir les moyens de lutte conformes à ses attentes politiques et économiques.  Comme nous l’avons souligné dans un texte précédent, il arrive un temps où l’individu doit faire le choix éclairé d’ « exister dans le déshonneur et la honte » ou de « mourir dans la dignité ». À la façon dont Etzer Vilaire, l’un de nos grands poètes l’exprima :

« On ne vit pas au sein d’un peuple en agonie.

………………………………………………………………….

Et j’aime mieux mourir vaincu, mais indompté,

Pauvre, mais noble encore et l’âme en liberté. »

Après avoir purgé une partie de sa peine pour l’attaque de la caserne de Moncada, Fidel Castro rejoint au Mexique son frère Raul libéré et expatrié avant lui. Raul le présenta à l’Argentin Ernesto Guevara, jeune médecin et marié en 1955 à une femme progressiste, Hilda Gadea qui est décédée à la Havane le 11 février 1974. Cette économiste péruvienne, présidente de l’Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA) joua un rôle de conseillère importante dans la préparation de l’expédition du Granma. 82 hommes embarquèrent dans une aventure armée et bouleversèrent le fonctionnement politique de la planète. À cause de Cuba, les États-Unis et l’empire soviétique passèrent à un cheveu d’une guerre atomique.

Le récit de cette opération passionnante est dynamiquement et ingénieusement raconté dans Le livre des douze (1965) de l’écrivain Carlos Franqui, traduit de l’Espagnol par Jean Francis Reille, publié aux Éditions Gallimard. Les douze survivants du Granma ont réécrit l’histoire du peuple cubain.

Nous avons eu le bonheur de déguster cet ouvrage dès le premier mois de notre exil à Montréal. Et depuis, nous avons dévoré plus d’une dizaine d’essais bien rédigés sur la Révolution castriste, de même sur celle des bolcheviks. Ce sont des époques hautement mémorables où la passion et la raison s’enlaçaient, s’accouplaient, copulaient pour dévier le cours de l’histoire vers le lit d’un projet audacieux qui véhiculait et imposait un rêve de bien-être généralisé.

Des écrivains sans scrupule, soudoyés et appuyés par la CIA, ont rédigé des ouvrages biographiques dans lesquels ils ont tenté de salir la réputation du fils d’Angel Castro Argiz et de Lina Ruz Gonzalez. Serge Raffy,  journaliste et écrivain français a publié Castro l’infidèle aux Éditions Fayard, en 2003. Son avant-propos donne déjà le ton : « Ce livre est l’aboutissement d’un long voyage dans le labyrinthe de Fidel Castro. L’ombre, malgré quelques rais de lumière, y est omniprésente. Est-ce une biographie, un long reportage, un roman vrai, un ouvrage à caractère historique ? Peut-être le mariage de tous les genres. Parmi les multiples obstacles qui se sont dressés sur ma route, l’un des plus grands fut sans doute le propre nom du Commandante Castro. « Fidel » est en effet un mot piège, il introduit une proximité, un lien de parenté peu propice à la distance et à la neutralité. Même les plus virulents des exilés de Miami, qui voudraient le voir finir sur une chaise électrique, l’appellent Fidel comme s’ils parlaient de leur cousin. Or Fidel Castro n’a pas l’esprit de famille. Ce n’est pas non plus un homme très fidèle. Le seul domaine où il n’ait jamais failli, jamais fléchi, jamais menti, est celui de la défense acharnée de sa propre gloire. Grand lecteur de l’Iliade, il a pris pour modèle Achille, qui rêvait d’une vie héroïque et brève, une carrière de conquistador affamé de trophées ; mais sa bonne étoile lui a laissé la vie sauve. Et il est devenu Ulysse, monarque vieillissant obligé de composer avec le temps. C’est ce paradoxe « homérique » qui est au cœur de Castro, l’infidèle. »

Soyons dignes et honnêtes

En quoi la vie de Fidel ressemble-t-elle à celle du Grec Achille ? Agamemnon a entraîné ces rois et ces princes avec lui à Troie pour détruire et piller. La reine Hélène, l’épouse de son frère Ménélas servait tout simplement de prétexte à ses intentions cachées. Achille est mort à Troie, atteint au talon vulnérable par la flèche de Pâris. Thétis avait prédit, selon la légende, le destin qui attendait son fils dans la ville du roi Priam assisté du prince Hector, le guerrier qui tua Patrocle et qui déclencha la colère d’Achille. Sa mère lui répéta : « Si tu vas à Troie, la prophétie des dieux s’accomplira. Tu n’en reviendras pas. »  Fidel Castro a combattu des « bandits » qui prenaient l’État cubain en otage et qui livraient 80% des terres agricoles à des latifundistes étatsuniens. Et il n’a pas été vaincu. Il ne peut pas non plus être comparé à Ulysse, le rusé constructeur du cheval de Troie qui a piégé et causé la perte des Troyens après dix années de siège. Castro avait-il  une Pénélope qui l’attendait dans son royaume. Il n’en avait pas.

Il y a aussi des « écrivassiers » qui font porter la responsabilité de l’assassinat de Che Guevara à Fidel Castro, sous prétexte qu’il l’aurait abandonné dans la jungle bolivienne, et qu’il ne l’aurait pas secouru. Tout cela est archi-faux. Les meilleurs guérilleros de la Sierra Maestra ont péri en Bolivie avec Che. Ils lui ont été envoyés par Fidel lui-même. Ce que bon nombre de gens ignorent encore, peut-être : les « galapiats » qui ont  trempé leurs mains dans le sang  de Guevara ont été presque tous confrontés aux châtiments d’une « justice expéditive ». Certains d’entre vous ont entendu parler probablement des « Malédictions du Che ». Ou même, comme nous, les ont lues.

Et encore

Fidel n’a pas provoqué le départ de Guevara de l’île. Nikita Khroutchev venait de retirer les  missiles à Cuba afin d’éviter le déclenchement d’une troisième guerre mondiale. Les séquelles du conflit de 1939 étaient encore vives, brûlantes, douloureuses et dévastatrices. L’Argentin le prenait mal. Fidel et Guevara avaient des motivations politiques différentes. Perché sur un balcon le soir du premier janvier 1959, il répondit à l’officier qui lui fit remarquer que la guerre était finie : « Vous n’y comprenez rien, camarade, la guerre vient juste de commencer. » Guevara pensait déjà aux autres régions de la terre à libérer de l’exploitation et de la malfaisance impériales. C’était pour perpétuer et systématiser  le  « guévarisme » que Fidel Castro avait décidé  d’exporter la révolution cubaine vers des pays pauvres de l’Amérique latine, de l’Afrique et de l’Asie…

Cuba portera longtemps le deuil de son Héros national. La récente disparition de l’un des grands « Révolutionnaires » du 20e siècle laisse un vide qui sera difficile à combler. Barack Obama – le président à moitié blanc et moitié nègre – a  raté définitivement la chance de serrer la main de l’Icône qui s’est battu corps et âme en vue de transformer son pays natal en une terre de « Justice », d’ « Égalité » et d’ « Équité » pour tous. Contrairement au prophète Moïse, il  n’a ni vu, ni entendu « dieu » derrière le buisson ardent, à l’occasion de son périple officiel au pays de José Marti. Mais Barack Obama a-t-il l’âme assez grande et noble pour regretter ce grave manquement historique ?

Fidel Castro a laissé Cuba en pleine mutation sociopolitique. Qu’est-ce qui changera après ses funérailles ? Et qu’est-ce qui restera en place ? La « Révolution » survivra-t-elle aux réformes économiques amorcées par le président Raul qui a décidé – comme Deng Xiaoping le fit pour la Chine – d’ouvrir l’île aux capitaux étrangers ? Raul Castro vieillit. Le temps des adieux  politiques approche à grands pas. Les bras des « esprits sataniques » qui persécutent et déstabilisent  le « chavisme » seront-ils assez longs pour atteindre  le « castrisme » et  l’étouffer ?

Des pleurs et des rires

La mort de Fidel a suscité des réactions mitigées dans les châteaux, les palais et les haciendas. Il y a ceux qui pleurent et ceux qui rient. Mais fort heureusement, les derniers sont moins nombreux. Car ils font partie de l’oligarchie des cosmocrates qui écorchent les pauvres.

Il n’est pas rare de rencontrer au Canada des immigrants cubains qui traitent  les frères Castro de dictateurs. Pourtant, filles ou fils de paysans, ils sont parvenus à faire de bonnes études universitaires. Une fois, j’ai fait remarquer à deux jeunes filles originaires de l’île qui suivaient mes cours de communication française orale et écrite et d’Intégration socioprofessionnelle (ISP) que le régime présidentiel de Batista les aurait prédestinées aux travaux des champs sous payés ou à la prostitution cultivée dans les casinos détenus à la Havane par la mafia sicilienne de New York, de Las Vegas, de Chicago… Je ne les ai plus revues. Michaëlle Jean, elle-même présentatrice durant un certain temps à Radio Canada,  cracha également sur la Révolution cubaine. Au cours d’un reportage, la « journaliste » collait, comme la plupart de ses collègues, une étiquette de « dictature » sur le gouvernement du prolétariat cubain.

Fidel répétait toujours : « Le capitalisme à Cuba : jamais. » Nous avons eu nous-mêmes l’intelligence de comprendre que le « Grand sage » voulait plutôt dire « jamais de son vivant ». Le Chef savait – comme nous – que toute œuvre humaine est historique. Le temps apporte toujours d’autres préoccupations socioculturelles et des nouvelles contraintes politico-économiques. Les mentalités évoluent. Les rêves changent. Il y aura certainement un nouveau Cuba après le règne castriste. Peut-être mieux que celui de Fidel et de Raul. Peut-être pire que celui de Batista où la corruption, la drogue et la prostitution répandaient une odeur indisposante. Seulement, l’histoire retiendra que les frères Castro, Guevara, Cienfuegos ont bien rempli la mission que le « Maître » leur avait confié en les envoyant comme l’ange Gabriel  sur la terre. Il existe de ces hommes-là qui sont des démiurges.

Au nom des masses populaires haïtiennes, nous nous accordons l’honneur et le privilège de nous courber devant la dépouille de l’illustre et regretté Disparu et de lui dire :

Merci Fidel

L’histoire t’acquittera

Plus grand que nature

Plus fort que les lions

De la Moncada à la Sierra

Tu nous as montré

Le chemin de la Liberté

La misère de ton peuple

A aiguisé ton courage

Les prisons de Batista

Ont décuplé ta force

Ô Barbudos

Vous êtes la gloire du monde

Quelle épopée merveilleuse

Que celle tu as léguée

Avec Raoul, Guevara

Camillo et les autres

Aux visionnaires

De tous les siècles à venir

À l’école nos enfants

Ton glorieux nom vénèreront

Pour le bien de ton pays

Ta vie, tu l’as risquée

Ô prolétaires

Répétez  ensemble avec moi

Merci Fidel

L’histoire t’acquittera

Plus grand que nature

Plus fort que les lions

De la Moncada à la Sierra

Tu nous as montré

Le chemin de la Liberté

Plus nombreux les gens qui t’aiment

Que ceux-là qui te haïssent

Les pauvres du monde entier

Pas à pas doivent suivre

Ô cher Fidel

La route que tu as tracée

Menaces, embargo, complots

Médisance, calomnie

Rien n’a arrêté tes élans

Tu as bien servi ton peuple

Ô Camarade

Ne sont pas vains tes sacrifices

Adios Fidel

L’histoire t’acquittera

Plus grand que nature

Plus fort que les lions

De la Moncada à la Sierra

Tu  nous as montré

Le chemin de la Liberté

Les peuples  exploités et oppressés doivent-ils continuer de s’agenouiller,  de se croiser les bras devant leurs bourreaux et  de se laisser lacérer le dos comme les colons l’ont fait en Louisiane à l’esclave africain Gordon. La photo de la victime a circulé sur les cinq continents. Un beau matin, ne leur faut-il pas se lever fièrement, comme Fidel, Guevara, Raoul, Gandhi, Sankara, frapper leurs pieds sur le sol de leurs souffrances et dire : « Assez !» Les esclaves de Saint-Domingue le firent à la Crête-à-Pierrot et à Vertières. Ils crièrent avec rage : « Nous avons  décidé de Vivre Libres ou de Mourir Libres ! »  N’est-ce pas par le mot « Assez » que les Haïtiens sont parvenus à provoquer les événements historiques qui ont solennisé la date du  « 7 février 1986 » ?

« Momento, homo, quia pulvis es et in pulverem revertiris. »(Souviens-toi homme que tu es poussière et que tu retourneras en poussière.)

Aujourd’hui, les citoyennes et citoyens marginalisés  de la terre pleurent la mort d’un « Grand Camarade ».

Adieu Fidel!

 

Robert Lodimus

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