On ne devrait se faire aucune illusion sur les dernières déclarations de Jocelerme Privert comme quoi seule compterait pour le moment la réalisation des élections, « le 20 novembre, une date irréversible » a-t-il souligné. Le président s’est révélé exactement ce que les politiciens haïtiens de droite et d’extrême droite sans aucune conscience nationale basée sur les aspirations populaires ont toujours été.
Souffrant d’une grave maladie, le pays est subordonné au choix de voter l’un des candidats à la Présidence, ou au Parlement, et cela suffirait pour le calmer ou le guérir de son mal. N’est-ce pas là un faux dilemme qu’on cherche à perpétuer pour tromper les uns, pour justifier leur propre duplicité à l’égard des principes auxquels ils ont souscrit objectivement au service des puissances impérialistes !
Le pouvoir temporaire n’a aucune motivation de rompre avec le passé, où l’arbitraire, la corruption, et l’injustice sociale ont été érigés en système de gouvernement pour faciliter l’exploitation éhontée, le pillage organisé ; une petite et infime minorité en profite, use et abuse, alors que le peuple continue à croupir dans la misère. Une politique rétrograde et machiavélique qui a conduit aujourd’hui notre pays à la banqueroute totale dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale. Une politique qui bloque les énergies de notre peuple dans le seul dessein de servir à jamais l’impérialisme international.
Le but que Privert prétend rechercher à travers ces élections est tout à fait à l’inverse de son objectif. Il se sert de formules de façade qui lui permettent de tenir intact le système pourri qui nous écrase ou tout au moins de sauvegarder les privilèges des forces exploiteuses. C’est un refus total de la camarilla au pouvoir de s’attaquer aux causes profondes de nos maux; elle préfère livrer le peuple pieds et mains liés comme toujours à la merci des promesses fallacieuses des candidats qui ne vont que renforcer la politique du statu quo.
Les élections sont l’arme la plus redoutable, la plus efficace entre les mains des adversaires des masses populaires et c’est dans cette perspective qu’il nous faut comprendre cette sagesse de Coluche « Si voter pouvait changer quelque chose, cela fait longtemps que ce serait interdit ». En réalité, à qui profiteraient donc ces élections qui ne sauraient jamais être une solution aux multiples problèmes du peuple haïtien ? En d’autres termes, à quoi ça rime des élections quand les préoccupations actuelles du peuple sont autres ?
La mémoire inféodée de nos dirigeants est si courte et c’est pour cela qu’ils cherchent une fois de plus à réaliser la même machination combien vaine et ridicule de façon à continuer à patauger de façon délibérée dans la boue du quotidien.
Ouvriers, travailleurs, artisans, paysans pauvres, chômeurs, professeurs et étudiants. Vous qui errez à la recherche illusoire d’un espoir perdu ! Electeurs de toutes les couches défavorisées. Vous qui vous démenez, larmes aux yeux, comme un bébé délibérément abandonné au bord du chemin par une mère marâtre! Sachez-le, électeurs, il n’est pas de sauveurs suprêmes, ni de messie. Ne votez pour aucun candidat !
Chacun de vous, soyez vous-même votre propre candidat. Votez-vous vous-mêmes ! Car vous êtes les seuls à vivre vos malheurs dans la nuit de l’abandon dont vous êtes victimes. Votez pour exiger un abri confortable à offrir aux victimes de l’ouragan Matthew, pour recevoir le minimum nécessaire à une vie décente et digne ! Votez pour débarrasser le pays de ces hordes de candidats méchants qui ne vous ont pas en tête mais bien les privilèges d’un pouvoir souvent mal acquis.
Ne votez aucun individu ; mais votez une idée nationale, un projet national pour un changement social. Votez contre l’occupation du pays ! Votez pour que le choléra disparaisse enfin du pays ! Votez, peuple des taudis, pour que cette classe dominante cesse de vous piétiner comme des mégots de cigarettes ! Votez contre les classes bourgeoises de la droite et de l’extrême droite. Méfiez-vous des pseudo-gauches ! Votez pour imposer la rupture totale avec le système néolibéral, vecteur de destruction nationale. Votez-vous vous-mêmes, pour briser toutes les barrières érigées dans le but de toujours vous barrer la route, vous affaiblir et vous dominer.
Votez-vous vous-mêmes, car vous seuls possédez les solutions nécessaires pour sortir le pays du chaos et de l’anarchie, pour que les droits du peuple haïtien soient rétablis et consacrés. Votez-vous vous-mêmes pour qu’on puisse en finir avec ces élections qui illustrent bien le propos « se laver pour mieux se salir ».
Votez-vous vous-mêmes, artisans, ouvriers, travailleurs, paysans pauvres, chômeurs, professeurs et étudiants pour édifier un pays nouveau avec des structures nouvelles. Votez-vous vous-mêmes pour liquider définitivement la mainmise internationale sur l’élément matériel, sur l’humain, à travers les structures et l’idéologie que véhiculent les candidats, hommes et femmes.
Peuple haïtien ! Face à l’avenir dont nous rêvons, soyons notre propre candidat, notre propre Gouverneur de la Rosée, notre propre Compère Général Soleil, de sorte que nous puissions compter sur nos propres forces et sur l’initiative créatrice des larges masses populaires dans leur juste lutte pour recouvrer leurs droits légitimes et nationaux.
Haiti Liberté Vol 10 # 18