Il y a environ 65 ans, Nemours imposait officiellement le konpa dirèk… (4)

Dossier Musical

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Nemours Jean-Baptiste a tracé un chemin qui l’a emmené dans la légende de la musique nationale par la grande porte.

La diaspora de même doit se mettre au diapason. Et le « Tabou Combo » qui a connu autant de mutations de ‘’string-band’’ à ‘’full-band’’, s’est approprié du très valable instructeur Tit Pascal qui a concocté avec Herman, batteur et Elysée guitare, une approche de la genèse des rythmes du terroir natal et des tonitruances globales. Dans la consolidation d’un konpa qui swingue  dit : ‘’zapaton’’ puis ‘’mabouya’’, qui allait faire le tour du monde. Et qu’ont auguré les coups de griffes pittoresques de l’ancien guitariste soliste devenu innovateur précoce Dadou Pasquet, qui allait s’illustrer dans un métissage du funk, des paramètres pop aux rythmes traditionnels natifs avec son « Magnum band », dans une version très modernisée du konpa, que les antillais ont appelé ‘’évolutif’’.  Le « Skah-Shah » pour sa part qui est devenu bien vite le roi des mini-jazz, s’est retrouvé soudain sans couronne. Son cycle étant devenu caduc avec l’évaporation des mini-jazz. C’est donc M. Dernst Emile, arrangeur ès lettres, à la rescousse. Pour que le « Skah-Shah #1» big- band ait réinventé le konpa dirèk avec l’album :’’Message’’ qui contient tous les ingrédients d’un konpa régénéré; trouvant même l’adhésion de Nemours. Lequel est entre temps usé et livré à lui-même.

Ses inconditionnels ayant fui le pays comme tous les secteurs de la société. Il s’est ainsi retrouvé à court d’auditoires face aux alternances des postérités. Payant ainsi les frais d’un État désordonné qui ne peut même pas servir les capables ; qui doivent encaisser le coup des incompétences et des inqualifiables. Pourtant, il regarde fructifier son legs sans en tirer profit. De plus, il continue à encourager et conseiller de jeunes musiciens. Entre temps, la condition de sa vue s’est empirée (une maladie dont il a toujours souffert, et que les fans du kadans en avaient fait cyniquement un sujet de leurs polémiques). Quelques bons samaritains du milieu musical essayèrent d’organiser des activités culturelles dans le but de l’aider à couvrir les frais d’une intervention chirurgicale à l’étranger. Son ami et compétiteur des jours de gloire, Wébert Sicot, avec lequel il a conçu un dernier album: “Union”, produit par Delta de Gesner Rigaud, l’a accompagné dans cette dernière tentative de restaurer sa vision. Il finit néanmoins par sombrer dans la cécité.

la commercialisation de ses innombrables œuvres aurait pu lui assurer une retraite paisible dénuée de tout souci matériel.

Nonobstant, la commercialisation de ses innombrables œuvres aurait pu lui assurer une retraite paisible dénuée de tout souci matériel. Mais, Immortel de son pays, qui le lui a bien rendu à sa mort au début de l’année 1985 dans des manifestations populaires. Une époque qui a vu son patrimoine encore aux prises avec la modernité ; subissant à nouveau les assauts des dernières tendances musicales. Des milieux bien-pensants s’étant pourtant déjà mis en branle. Comme le mouvement rasin qui allait bousculer les vieux préjugés dont l’architecte fut Denis Emile. En plus des explorations fusionnées  de Gerald Merceron avec son shampa. Puis, les prospections du groupe « Zeklè », impulsé par un étonnant duo de frères Mushi et Joël widmaier ; suivi des tentatives solitaires de Claude Marcelin et Raoul Denis qui ont permis l’émergence d’une ‘’Nouvelle Génération’’ musicale. Laquelle a pondu les groupes : « Skandal » lequel avec ses katas survoltés a semblé le plus original, le « Papash » qui est aussi de parcours éphémère. Mais surtout, le « Zenglen » qui après autant de mutations demeure musicalement le plus représentatif ; fort d’une musique toujours qualitative.

Du côté de la diaspora, après l’introduction passagère du groupe « Kajou », c’est l’ensemble « Zin » qui a introduit sa version allégée et dadaïste d’un konpa mou, ainsi que le « Lakol » et son konpa lov ; et ensuite, le « Phantoms » qui en est l’antipode avec full-band, entre le traditionalisme et le modernisme. Tels furent les remparts du konpa à la fin des années quatre-vingts. Pendant que les groupes traditionnellement de cette mouvance sont sous l’escalade du zouk. A part le « System Band » qui  menait encore le bal sous la direction musicale de Nikol Levy.  En effet, après des décennies à se faire bercer par les musiques haïtiennes, spécialement le konpa.

Les progénitures de nos cousins antillais éparpillés dans les grandes villes métropolitaines veulent apporter leur quote-part. Comment accomplir tout ça ? Sous la domination d’un konpa désormais endémique ? En infusant du bémol dans l’assouplissement de la quinte par l’élimination du tambour le vecteur moteur du konpa et du gong son fil conducteur. Avec des katas galvanisants et une batterie orchestrale ; donnant l’allure de chansons rythmées. En plus de la schématisation  musicale et des arrangements harmoniques d’un groupe de musiciens imbus de leur mission. Un concept qui en plus du professionnalisme et de patronages influents va ébranler le konpa dans tous ses fiefs.

Il a été à la source de l’authenticité, de l’originalité et de la renaissance des rythmes natifs.

Cependant, le konpa tout aussi résilient que le rock & roll qui s’est réinventé à travers multiples dérivés (traditional, soft rock, heavy -metal, rock- fusion, hard -rock, classic – rock  etc). Le konpa n’a pas dédaigné ce dynamisme. Et s’est aussi réadapté à toutes les révolutions musicales et reste encore le roi nocturne et  l’outil des moments intimistes. Et s’est bien consolidé depuis à travers les vagues successives comme : « Zenglen » qui reste le seul survivant de son ère ; produisant à chaque album un konpa sans équivoque. Au pays ce sont « Djakout » et « Kreyol La » qui occupent depuis des lustres le devant de la scène du konpa. Sans oublier le « Nu Look » qui à l’extérieur s’y maintient avec son approche personnellement ‘’Lariviérenne’’. Pendant que le « Disip » essaie de s’impliquer avec conviction. Tandis que « Klass » de Ritchie représente le haut de l’affiche et qui fait courir la foule. Et pour que subsiste la tradition, il faut injecter de l’originalité pour accommoder la modernité infuse de créativité pour le triomphe de la qualité.

Dans cette optique, les nouvelles tendances telles : « Harmonik » avec sa démarche exquise, « Vayb », « Kaï » et d’autres encore émergeants sont l’émanation d’une approche qui va continuer sa quête de globalisation, sans renoncer à ses bases originelles. Afin que le konpa soit perpétué par d’autres élaborateurs pour sa consolidation dans le concert des nations. Même quand ils sont eux-mêmes constamment influencés par tous les genres : ragga, rap, hip-hop, trap…qui envahissent tous les espaces sonores. Car, même si la grande industrie en fait encore la moue. Les peuples du monde entier l’adorent. Les Africains en sont fous. Les Antillais confondus l’ont connu au cours des dernières mille et une nuits. Nos cousins les Dominicains le convoitent et les Cubains n’en reviennent pas. Les Etats-Uniens, Canadiens, Japonais et les Français dont la victoire à la dernière coupe du monde de foot-ball,  2018, a été célébrée sous l’envoutement d’un konpa, instigué par l’un des défenseurs du groupe, Pesnel Kipembe d’origine haïtienne ; en ont des idées vives. Voilà pourquoi Nemours aurait approuvé ; constatant comment ses enfants se portent bien.

Bien qu’on doive se garder de ne pas faire fi des notions élémentaires dans la classification des paramètres distincts. En faisant du ‘’tout voum se do’’, le point de repère des imposteurs du business et du show, des pseudo- programmateurs et artistes novices. Avec autant d’experts en la matière, en plus des medias sociaux qui veulent que le konpa soit assimilé à toutes les danses du terroir. Offrant à l’occasion un rythme koupe ou une meringue du « Tropicana » pour du konpa. Une façon de camper la musique haïtienne à travers une monoculture ambiante. Quand on sait que Nemours a eu dans son répertoire d’autres variations comme le boléro, la contre danse, le chachacha, le fox trot, les ballades ainsi que le fandango dominicain. De même que les groupes konpa du moment se servent bien d’autres eurythmies en plus des adaptations exotiques et des tentations ‘’cross-over’’ afin d’élargir leur audience.

En léguant le konpa dirèk, Nemours a tracé un chemin qui l’a emmené dans la légende de la musique nationale par la grande porte. A l’instar d’un Occide et d’un Occilius Jeanty, les pères de l’écriture orchestrale haïtienne, d’un Augustin Bruno, d’un Justin Elie, d’un Ludovic Lamothe ou encore d’un François Guignard, d’un Sahieh, d’un Antalcidas etc., ces élaborateurs de  multiples détours et applications personnelles. Il a été à la source de l’authenticité, de l’originalité et de la renaissance des rythmes natifs. Parmi tous ces géants qui ont montré la voie, Nemours fut l’un des plus déterminants. Il a illustré une approche toute personnelle et a fait la différence entre sophistication, inventivité et, parfois même, l’austérité de ses compétiteurs. Il y a apporté tant de décontraction, d’intelligence et de facilité que du moment où il est apparu avec sa “marque déposée”, il a été le plus calqué, le plus suivi de son époque. Pour avoir inventé la grandeur, le style et une identification musicale ambiante du terroir, il demeure un innovateur hors-pair, l’architecte du rythme urbain le plus populaire d’Haïti.

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