Conseil Présidentiel, de la création au scandale de corruption !

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Edgard Leblanc Fils prononçant son discours dans la soirée du dimanche 6 octobre 2024

(8ème partie)

 

Après le vote de la « Résolution », sans l’assentiment de Edgard Leblanc Fils au cours duquel   les deux Conseillers Présidentiels, Louis Gérald Gilles et Smith Augustin, ont renoncé de venir Président du CPT à condition qu’ils gardent leur place au sein du Conseil Présidentiel de Transition, ce qui a provoqué un scandale dans le scandale pour plus d’un,  au dernier jour et aux dernières heures de sa présidence, Leblanc estimait qu’il devait quelques explications au pays. C’est ainsi que dans la nuit du dimanche 6 octobre 2024, à quelques heures de la fin de son mandat, celui-ci s’est adressé une dernière fois à la population par un message solennel à la Nation. Cet exercice, pensait l’intéressé, devrait le distinguer de ses pairs dans ce jeu où tous les coups sont permis, l’essentiel est de sortir sain et sauf à l’arrivée quitte à perdre son honneur, sa dignité et sa personnalité. C’est ce qui est arrivé en réalité à Edgard Leblanc Fils qui, en tant Président du CPT, n’avait pas réagi au moment qu’il fallait et pendant qu’il avait encore le pouvoir, en tout cas, les moyens de pression pour sortir grandi de cette affaire.

En jouant au Ponce Pilate, le trop consensuel Edgard Leblanc Fils qui jouait jusqu’au bout la carte de l’unité au sein du CPT afin de sauver, selon lui, la Transition a finalement perdu l’honneur et a eu, comme ses autres camarades, le déshonneur malgré une allocution dans la laquelle il a tenté de se justifier de ne pas avoir signé la « Résolution » et de se laver pour ne pas avoir non plus fait ce qu’il fallait pour mettre dehors les trois Conseillers indexés dans le scandale de la BNC finalement envoyés devant la justice par l’Unité de Lutte Contre la Corruption. Il était quasiment minuit ce dimanche 6 octobre 2024 quand il a pris la parole « Le CPT ne peut pas ignorer ce document qui recommande la mise en mouvement de l’action publique contre les trois Conseillers pour corruption passive. Le CPT doit avoir une position claire. Dans sa grande majorité, le Conseil Présidentiel de Transition emprunte une mauvaise route. Cette route risque de nous plonger dans l’instabilité et ainsi aggraver la situation du pays, prolonger la période de la transition.

C’est dommage.  Je continue de croire dans le pays, dans le courage et la conviction de ceux qui veulent le changement dans la paix, dans la sécurité. Moi qui veux respecter la Constitution et les lois de la République, dans un souci de protéger l’image du Conseil tout en restant cohérent à ma position initiale, je ne peux pas accepter de participer à aucune démarche qui vise à affaiblir et dévaloriser davantage la justice du pays. Comme je l’ai souligné le 30 juillet à l’occasion de la 47e réunion des chefs d’État et de gouvernement de la CARICOM, le CPT attendait le Rapport de l’ULCC qui était saisie du dossier d’allégations de sollicitation de cent millions (100, 000,000.00) de gourdes par trois membres du CPT. Il fallait ce Rapport, effectué en toute indépendance, pour prendre une position officielle. Je croyais que les Conseillers indexés allaient adopter une posture de retrait afin de faciliter l’avancement du processus de la transition. 

Je ne veux pas non plus envoyer de mauvais signaux à la population. Voilà pourquoi je refuse de signer et de fait, je ne signe pas la Résolution prise par les Conseillers le vendredi 4 octobre 2024 » avançait Leblanc Fils qui a tout de même gardé sa place parmi ceux qu’il a traités de coquins et de complices. L’adresse à la Nation du représentant du Collectif 30 janvier n’était même pas encore arrivée à l’oreille de toute la population, compte tenu qu’elle a été prononcée fort tard dans la nuit, que Leslie Voltaire, comme prévu dans la « Résolution », était investi à la tête du Conseil Présidentiel de Transition en lieu et place du chef du parti OPL, le lundi 7 octobre 2024 à la Villa d’Accueil. Pas de vacance du pouvoir donc. Le roi est mort, vive le roi. Très rapidement, une cérémonie de passation des pouvoirs a été mise en place à Bourdon. Afin de bien montrer que rien n’a changé, en tout cas, en ce qui concerne les Conseillers Présidentiels, tous, à l’exception d’Edgard Leblanc Fils évidemment, avaient répondu à l’invitation du nouveau maître des lieux pour assister à son investiture.

La quasi-totalité des membres du corps diplomatique avait fait le déplacement pour saluer le nouveau Coordonnateur du CPT. Outre le Core Group, quelques ministres du gouvernement de Garry Conille étaient aussi présents pour assister à cette passation des pouvoirs en l’absence du Premier ministre en voyage « diplomatique » à l’étranger. Les cadres du parti Fanmi Lavalas, entre autres Maryse Narcisse, Joël Vorbe et des dizaines de partisans, remplissaient la Villa d’Accueil à Musseau. Dans son allocution de circonstance, le nouveau Président du CPT avait donné l’assurance qu’il s’engage à tout faire pour réussir la Transition. « Le travail est immense, nous avons énormément de torts à réparer et d’obstacles à surmonter ; nous ne sommes pas satisfaits parce que jusqu’à présent nous n’avons pas rétabli la sécurité pour la population. Mes collègues et moi allons continuer à travailler avec patriotisme et dévouement afin de remplir la mission qui nous a été confiée.

Les trois accusés : Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin

Le CPT, le gouvernement, la Société civile, toutes les forces vives de la nation devront se mettre ensemble pour contrecarrer ceux qui rêvent de nous diviser et de transformer des sœurs et des frères liés par le même destin en ennemis. Nous devons oublier nos intérêts personnels afin de prioriser l’intérêt national. Le rétablissement urgent de la sécurité, la réhabilitation de nos institutions républicaines, l’élection de nouveaux dirigeants et représentants de la population selon les cinq chantiers de la Transition sont des défis urgents à relever ensemble. Le CPT va s’assurer que la responsabilité de chacun est comprise et assumée. Il faut changer la manière de gouverner et éviter : confusion, méfiance, malentendus, querelles de chapelles…  Le CPT va consolider ses acquis et ses structures pour travailler avec plus de transparence et d’efficacité. Depuis la prise de fonction du CPT en avril 2024, de petites avancées ont été faites. Je promets l’installation prochaine d’un Conseil électoral provisoire complet, la mise en place de la Commission justice, vérité et réparation, la constitution de l’Organe de contrôle des actions gouvernementales (OCAG) et celle du Conseil national de sécurité (CNS), entre autres.  

Nous allons travailler de concert avec tous mes collègues en harmonie avec le Premier ministre et les membres du gouvernement, et les forces vives de la nation pour obtenir les résultats espérés par la population ». Si tout s’est bien passé pour l’investiture et s’il n’y a pas eu d’opposition à ce que ce soit le représentant du parti Fanmi Lavas de l’ex-Président de la République Jean-Bertrand Aristide qui succède à Edgard Leblanc Fils, en revanche ce sont les trois accusés dans l’affaire de la BNC qui ont pris pour leur grade. Tout juste après l’installation de Leslie Voltaire à la tête du CPT, différentes Parties prenantes ont vivement réagi contre la présence des trois accusés au sein du CPT. Curieusement, ce n’est pas tant la prise du pouvoir par un lavalassien bon teint qui choque ou qui inquiète les dirigeants politiques. Mais le fait que Louis Gérard Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin demeurent en fonction qui les révolte. En tout cas, tout ceux qui ont pris la parole n’ont pas été tendres avec eux ni avec le Conseil Présidentiel de Transition.

Parmi ceux qui se sont exprimés sur le sujet, il y a le dirigeant du parti GREH, le colonel Himmler Rébu. Connu pour son parler sans filtre, le patron du GREH n’a pas mâché ses mots pour dire ce qui est sur son cœur pour ces petites combines entre amis. « C’est une erreur politique grave. C’est le leadership flou du sénateur Leblanc qui nous a conduits à cette impasse. Une telle affaire doit être considérée sous 3 angles : moral, politique et légal. Les atermoiements du sénateur Leblanc ont conduit la question sous l’angle légal. Les concernés ont accepté l’autorité de questionnement de l’ULCC. Cette institution a décidé que les indices sont suffisants pour que les concernés soient poursuivis. La conclusion logique est qu’ils n’ont plus l’autorité morale de siéger au CPT. L’accommodement trouvé est maladroit ou tout simplement mafieux. S’il y a des motifs les rendant indignes de diriger l’institution, ils le sont aussi pour prendre des décisions engageant l’État. Les hommes de la basoche diraient qu’on est en face d’un cas classique d’association de malfaiteurs.

La Transition était hypothéquée au départ et ce ne sont pas ces événements malheureux qui expliquent ce fait. Ce que nous vivons ne représente que des épiphénomènes. On n’aurait jamais pensé à de si graves débordements mais le ver était dans le fruit. Penser diriger Haïti à travers un Collège de 9 membres viole toutes les lois de la socio psychologie et de la culture politique haïtiennes. Depuis l’installation du CPT, on n’a jamais entendu parler d’un mécanisme fiable pour aborder le phénomène central de l’insécurité. Le CPT s’est glissé béatement dans le conceptuel erroné de l’étranger pour juguler l’insécurité. Pour moi Haïti est victime d’un triptyque détonnant insouciance-incompétence-avidité. Les dangers sont évidents et énormes. Je crois que vous avez des préoccupations trop grandes pour le personnel engagé dans cette saga. Depuis longtemps Haïti est conduit par des gens dépourvus de la simple humanité. Souvenons-nous du déficit d’empathie qui a caractérisé la gestion de Ariel Henry.

Légalité devant la loi ? Nous ne respectons pas celles qui existent et celles que nous nous fabriquons ; nous les violons à la première occasion. Retournez à l’Accord du 3 avril. Aucune initiative pour le publier, aucune gêne à concocter des Résolutions et les violer dès les premiers jours. La seule manière de sauver cette Transition est de la redéfinir tout de suite » disait Himmler Rébu à la presse le 8 octobre 2024. Que dire du chef de l’Accord du 21 décembre et Coordonnateur du SDP (Secteur Démocratique et Populaire), Me André Michel. ? Celui-ci estime qu’il faut être cohérent jusqu’au bout dans la démarche. Selon lui, les trois Conseillers-Président doivent quitter leur poste vu qu’ils ont reconnu que l’ULCC a raison de saisir la justice dans le cadre du scandale de la corruption. D’après ce soutien infatigable de l’ancien Premier ministre Ariel Henry « Le CPT ne peut pas continuer à garder dans ses rangs les Conseillers Présidentiels indexés dans les conclusions du Rapport de l’ULCC.

Ce serait une faute grave ! La présence des 3 au CPT représente un véritable risque de désintégration pour le processus transitionnel. À la dernière réunion des chefs d’Etat et de Gouvernement de la CARICOM, en juillet dernier, le CPT, via son Coordonnateur d’alors, avait promis d’attendre les conclusions du Rapport de l’ULCC pour agir. Il y a seulement 2 semaines, Lesly Voltaire, intervenant à l’émission Gazette Haïti, a déclaré « Si les conclusions du Rapport de l’ULCC épinglent les 3 Conseillers Présidentiels, ils devront alors présenter leur démission. Maintenant, avec la publication du Rapport, le CPT n’a pas le choix. Il faut tout faire pour écarter les Conseillers présumés coupables. D’ailleurs, le fait par Gilles et Augustin d’accepter d’être mis à l’écart de la présidence tournante, traduit une reconnaissance tacite des conclusions du Rapport de l’ULCC.

À partir de ce moment, ils ne peuvent plus continuer à siéger au CPT. C’est clair, on ne pourra pas réussir la Transition avec ces 3 Conseillers Présidentiels. Rien ne pourra empêcher les citoyens et citoyennes de croire que ceux qui ont exigé 100 millions de Gourdes pour maintenir en poste le Président du Conseil de la BNC ne vont pas demander de l’argent pour favoriser l’élection des députés, des sénateurs, des maires et du Président de la République. On ne peut pas prendre le risque de laisser au CPT des Conseillers Présidentiels indexés dans un Rapport de l’ULCC, une institution d’État chargée de lutter contre la Corruption.

Le CPT ne peut pas s’engager dans une logique de banalisation de la transparence, de l’égalité des citoyens devant la Loi et des institutions. Le CPT ne peut pas faire ce choix. Nous sommes dans un processus politique précaire. L’élément le plus fondamental, c’est la crédibilité du processus. Collectivement, nous ne pouvons pas prendre le risque de faire perdre au processus sa crédibilité. Ce risque est trop grand pour le pays. La mise à l’écart des 3 présumés coupables est inévitable pour la réussite du Processus. Sauvegardons le Consensus de la Jamaïque du 11 Mars 2024 ! » Idem pour la plateforme ayant désigné Edgard Leblanc Fils au CPT. Pendant que celui-ci brillait par son absence à Delmas 60 pour marquer son désaccord avec ce qui était en train de se passer, ses amis du Collectif 30 janvier, dans un communiqué, lui demandaient de se retirer du Conseil Présidentiel de Transition.

Il lui rappelle de qui il détient sa nomination au CPT. Par conséquent, il doit exécuter la demande du Collectif. Dans sa note de presse datée du 7 octobre 2024, cette Partie prenante disait que « Le Collectif des partis politiques du 30 janvier reste fermement attaché à sa proposition initiale de mise à l’écart des Conseillers-Président indexés dans le scandale de corruption en attendant une décision de justice. Il a donc pris la décision de rappeler son représentant au sein du CPT, et, de fait, rappelle le sénateur Edgard Leblanc Fils du CPT. Le Collectif va engager immédiatement des consultations avec les forces vives du pays et des Parties prenantes signataires de l’Accord du 3 avril 2024 afin de déterminer une formule de gouvernance stable, responsable, susceptible de garantir le succès du processus de Transition dans son contenu et dans sa durée ». Même constat de la part du parti Unir Haïti de Clarens Renois. Interrogé par le quotidien Le Nouvelliste le lendemain de l’installation de Leslie Voltaire avec la bénédiction des trois incriminés, Clarens Renois, le leader de ce parti, lui aussi membre de la plateforme Collectif 30 janvier, n’a pas été plus clément envers les accusés, à l’encontre du CPT en général non plus.

En gardant dans son rang Emmanuel Vertilaire, Smith Augustin et Louis Gérald Gilles malgré que le Rapport de l’ULCC ait demandée à l’appareil judicaire de prendre le relais, selon Clarens Renois cette instance politique devient complice. « Moralement et éthiquement, on ne peut pas faire semblant de ne pas voir qu’il y a un grave problème de corruption au plus haut sommet de l’Etat et que des personnes haut placées sont indexées pour des comportements inappropriés. On ne peut pas tolérer de tels agissements. Sinon, on fait un grand lit à la corruption, le mal qui détruit le pays. Je m’attends à ce que dans les prochaines semaines ils soient écartés, libérés de la protection officielle pour se présenter à la justice. J’ai de sérieux doutes et beaucoup d’incertitudes tel que la situation actuelle le suggère, nous puissions respecter l’échéance établie dans l’Accord du 3 avril et réitérée dans le décret du 23 mai stipulant que des élus prennent le contrôle des pouvoirs en février 2026.

Il faut toute raison gardée commencer à réfléchir à une solution consensuelle pour éviter tout chambardement. Nous ne pouvons pas entrer dans une autre aventure politique. Il faut impérativement sauver la Transition dans un consensus élargi à d’autres secteurs que ceux qui avaient produit la formule du 3 avril. En plus, la question sécuritaire ne pourra être résolue à temps pour permettre de recréer la confiance indispensable à une période électorale. Si les conditions actuelles devaient perdurer au-delà des six premiers mois de 2025, je ne peux prévoir le contraire, il n’y aurait aucune possibilité d’organiser des élections fin 2025 » propos de Clarens Renois, chef du parti Unir Haïti le 8 octobre 2024. Même l’Accord de Montana qui dispose pourtant d’un siège de Conseiller Présidentiel au sein du CPT avec Fritz Alphonse Jean, semble ne pas digérer la façon dont les choses se passent au CPT, en tout cas, ils sont très critiques vis-à-vis des trois membres de cet organe du Pouvoir exécutif qui, en dépit des révélations parues dans le Rapport de l’ULCC relatif à l’affaire de la BNC, font de la résistance en refusant de donner leur démission. (A suivre)

 

C.C

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