Comment pourrait-on sauver Carthage?

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1802
Le grand philosophe Qiu Kong ou Confucius disait : « Étudier sans réfléchir est vain. Réfléchir sans étudier est périlleux. » La sagesse asiatique est montée exactement sur ces piliers méthodologiques et pragmatiques du confucianisme. Alexandre le Grand, Mustafa Kemal Atatürk, Thomas Jefferson, Fidel Castro, Lénine, doivent leurs exploits politiques à cette capacité d’étudier, de réfléchir et d’agir.

« Le moyen ne peut être justifié que par la fin. Mais la fin a besoin aussi de justification. Du point de vue du marxisme, qui exprime les intérêts historiques du prolétariat, la fin est justifiée si elle mène à l’accroissement du pouvoir de l’homme sur la nature et à l’abolition du pouvoir de l’homme sur l’homme. »
Léon Trotsky

Nous avons abondamment expliqué, au cours de cette série, – dans laquelle nous utilisons le mot Carthage, qui représenta une cité prospère de l’antiquité, comme métaphore –, que les puissances esclavagistes ne sont pas disposées à soutenir véritablement les efforts de développement et d’autodétermination des pays qu’elles maintiennent elles-mêmes sous la dépendance et la domination du « Capital ». Yalta, cette ville historique de Crimée où se rencontrèrent en février 1945 Franklin D. Roosevelt des États-Unis, Winston Churchill du Royaume uni, Joseph Staline de l’Union soviétique, symbolise le lieu de la manifestation du cynisme des puissances impérialistes.

Les futurs vainqueurs de la seconde guerre mondiale séparèrent entre eux la terre, l’océan et l’espace, avant même la défaite officielle de l’Allemagne et la capitulation outrageante du Japon. Aujourd’hui, il faut donc comprendre que chaque individu, qui fait partie de la classe universelle défavorisée, demeure la propriété de l’impérialisme. Yalta fut la consécration de l’horreur et de la voracité du néocolonialisme. Les quatre pays qui vainquirent Hitler (Allemagne), Mussolini (Italie), Hirohito (Japon)…, divisèrent les pays et les familles. L’Allemagne fut déchirée en deux : la République fédérale d’Allemagne (RFA) et la République démocratique allemande (RDA). Tous les citoyens allemands avaient des parents de l’autre côté de la grande et épaisse muraille. Les gouvernements hégémoniques créèrent deux pays sur un même territoire.

En Haïti, les vides institutionnels ne sont pas comblés de manière efficace. Peu de responsables politiques remplissent des tâches pour lesquelles ils possèdent les qualités et les aptitudes requises.

Dans les Antilles, cette situation commença avec Ayiti. Deux États, la République dominicaine et la République d’Haïti, qui évoluent de façon tout à fait inégale sur une même île, n’arrivent pas à vivre jusqu’à présent dans une saine atmosphère de cohabitation. Nous citons encore : Corée du Nord et Corée du Sud, Chine et Taïwan, Israël et Palestine, Ukraine et Crimée, etc. Grâce à Vladimir Poutine de Russie, La Syrie de Bachar al-Asad semble échapper à l’émiettement, au morcellement de ses terres. Après 22 années de division territoriale imposée en 1954 par les accords de Genève, le Viêtnam put se réunifier en 1976, pour emprunter un chemin de redressement social, politique, économique et culturel. La faiblesse divise et asservit. La force unit et libère. La dernière s’obtient par l’union et la solidarité entre les individus, les peuples et les États.

C’est peut-être la voie que préconisait l’empereur Jean-Jacques Dessalines pour les Haïtiens et les Dominicains, après avoir fondé la République. La partie orientale de l’île doit son existence à un événement historique. Elle émana des Traités signés les 20 et 21 septembre 1697 à Ryswick en Hollande, qui permirent de faire cesser la guerre entre la France de Louis XIV et la Ligue d’Augsbourg, qui représentait une majorité des pays de l’Europe. De ce fait, le projet de réunification de l’île ne serait pas guidé par une appétence, un souhait, un désir qui s’inscrirait dans l’irréalisme ou l’utopisme. L’histoire n’est pas statique. Elle se déplace, évolue avec le temps : allant dans une direction ou dans une autre, selon sa bonne convenance.

Le terme « victoire » possède deux côtés comme une médaille. Il peut être vu aussi comme des angles opposés par le sommet: gloire et déshonneur. L’extermination de l’armée hitlérienne et ses alliés fut bien accueillie dans le monde en 1945. Les livres, les médias, les documentaires cinématographiques en parlent de façon élogieuse. Le triomphe extraordinaire des esclaves africains des troupes napoléoniennes à Saint-Domingue soulève des sentiments d’admiration de la part des États anticolonialistes et progressistes. Il y a également de ces victoires qui portent des traces de saleté, de laideur et de réprobation. Hiroshima, Nagasaki en 1945, Haïti en 1915, Nicaragua en 1915, République dominicaine en 1965, Timor Oriental en 1975, Irak en 2001, sont des preuves éloquentes de « victoire sans gloire ». Les États-Unis eux-mêmes gardent les souvenirs bouleversants de deux événements qui ne se désinscriront jamais de leur mémoire : l’écrasement de leur flotte navale du Pacifique stationnée à Pearl Harbor par les forces nippones le 7 décembre 1941, et l’attaque meurtrière du 11 septembre 2001 menée par les Djihadistes d’Oussama Ben Laden contre la ville de New York.

Le concept « antisystème » existe-t-il, à proprement parler, en sciences humaines? Y a-t-il une quelconque théorie définissante en la matière? Ne devrait-on pas plutôt utiliser à la place l’expression de «mouvement antisystème » pour caractériser une lutte qui vise à s’opposer ou à renverser un système social, politique, économique, sanitaire, financier et culturel, chronique ou nouvellement institué? Car ce que l’on considère comme un « antisystème » devait être lui-même un autre « système » qui se proposerait de remplacer « celui » qui est en cours, avec lequel des citoyens seraient en parfait désaccord. Le mot « antisystème » est surtout employé comme un qualifiant, et non comme un substantif.

Voici la définition que la Toupie lui en donne : « En politique, l’adjectif antisystème (ou anti-système) qualifie une personne, un groupe ou un parti politique qui est opposé ou hostile au système en place, qui critique des institutions politiques établies. Il sert à dénoncer tout ou partie du système : les élites, le capitalisme, le libéralisme, la finance, la mondialisation, le bipartisme, le clivage droite/gauche, la « pensée unique », etc. » Toujours selon cette même source, il est « synonyme de contestataire, protestataire, anti-establishment… » Nous avons appris aussi, par la même occasion, que le terme « antisystème » fut utilisé pour la première fois en 1717 en vue de combattre le « système financier » créé par l’économiste John Law de Lauriston né à Édimbourg (Écosse) en 1671 et décédé à Venise (Italie) en 1729. Dans le domaine des Finances publiques et de l’Économie internationale, John Law reste une personnalité centrale. Un pionnier. C’est lui qui inventa le « papier-monnaie ». Il a même mérité en Europe le titre de « père de la finance ».

Pourrait-on parler en politique de l’anticonstitution, sans courir le risque de se confondre ? Scientifiquement, quelle définition aurait-on attribué à ce substantif porteur d’une manifeste ambigüité au niveau de son rapport avec la sémantique qui permet, comme vous le savez, d’identifier les « signifiés » de manière claire et précise ? Logiquement, l’anticonstitution aurait dû être, à notre humble avis, un   nouveau projet de constitution qui serait proposé en vue de remplacer, d’abroger la constitution en vigueur. De même qu’il ne saurait exister une « anti-loi ». Le processus  de légifération aurait-il permis d’aboutir à cette hypothèse? Toute nouvelle constitution, ainsi que tout nouvel article de loi,  détient un « pouvoir abrogatoire ». Et cela s’obtient soit par reconstitution, soit par amendement, soit par remplacement. Par contre, on parle de décision anticonstitutionnelle, pour dénoncer l’adoption d’une mesure illégale par le gouvernement, ou de mouvement anticonstitutionnel, lorsque que des  groupes politiques, des associations syndicales, des groupes sociaux réclament et exigent la mise en place d’une nouvelle Loi qui viendrait autrement codifier le mode de fonctionnement de l’État. Les Législateurs ne votent pas, ne ratifient pas une « anticonstitution », mais une « constitution amendée » ou une « nouvelle constitution ».

Nous avons déjà repris plusieurs fois la définition du concept de « système », selon son véritable fondateur, von Bertalanffy, dans le cadre de nos réflexions sociales, politiques et économiques. Il s’agit d’un ensemble d’éléments qui interagissent. Ce qui est aussi important à souligner, sans se basculer dans les détails pointilleux et embrouillants, c’est le terme « cohérence »  qui apporte cette autre dimension importante à la construction et à la survie d’un système, quel que soit le domaine de son affectation : social, politique, économique, culturel, environnemental, sanitaire, technologique, scientifique, etc. Ce phénomène logique nous laisse comprendre que le système  s’autorégule et s’autoprotège, en vue de répondre  aux pressions et de s’adapter aux conditions de l’environnement intrasociétal et de l’environnement extrasociétal. David Easton, de son côté, identifie « quatre critères » qui sont étroitement liés au système politique. Pour le politologue, – rapporté par Denis Monière et Jean H. Guay dans leur ouvrage collectif, Introduction aux théories politiques –, « dans toutes les sociétés, il y a des rôles et des activités politiques distinctes; un groupe distinct qui assume les rôles politiques; une hiérarchie propre au sein de ce groupe; des critères distincts de sélection du personnel politique. »

La poursuite de notre démarche dans la voie eastonienne nous aurait conduits à l’évocation du « concept de persistance » qui permet de saisir et d’expliciter ce que les philosophes des sciences humaines appellent « les fondements de la vie politique ». David Easton lui-même en  fait état de trois composantes : les autorités, le régime politique, la communauté politique.

Ce bref aperçu, que nous ne pouvons pas approfondir dans un texte rédigé pour être diffusé dans un journal hebdomadaire, laisse présumer que l’exercice des fonctions politiques, qui ont des caractéristiques de diversification et de spécialisation, exigent des compétences basées sur la formation académique et/ou sur l’expérience. Les activités sociales, politiques et économiques ne peuvent pas être confiées à des novices qui n’ont aucune expérience théorique et pratique de la structure organisationnelle de la gouvernance de l’État. En Haïti, les vides institutionnels ne sont pas comblés de manière efficace et dynamique. Peu de responsables politiques se retrouvent effectivement à leurs places et remplissent des tâches pour lesquelles ils ont été formés. Préparés. Pour lesquelles ils possèdent les qualités et les aptitudes requises. À commencer par les galapiats, les bandits, les canailles, les malandrins, les pilleurs, les vauriens, –  alliés des États dominants –, qui composent la vaste flibusterie qui a assauté les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Ces considérations ne visent pas à nous écarter de l’itinéraire de nos réflexions. Nous voulions faire remarquer que ceux-là qui se révoltent contre un système de société qui, selon eux, fonctionne à l’encontre de la « Démocratie », doit être en mesure de penser, de théoriser, de rédiger un nouveau modèle de société, et ensuite de l’ériger en système, par la prise et la conservation du pouvoir politique, comme l’ont fait les rares Camarades qui sont parvenus à concrétiser leurs rêves de changement sociétal, et qui méritent valablement que le mot « Révolutionnaire » soit mis en apposition à leur nom. La « Révolution » exige un acte spirituel et matériel. Elle est visible, par la théorie et par la pratique. Et les deux éléments sont indissociables. Complémentaires. La « Révolution » demeure une combinaison géniale de l’esprit et de la matière. Du cerveau et de la main. Le premier pour réfléchir, le second pour construire. Souvenez-vous du grand philosophe Qiu Kong ou Confucius, si vous le préférez en latin, qui fait aujourd’hui la gloire et le rayonnement politique et économique de la Chine sur la planète! Maître Kong disait : « Étudier sans réfléchir est vain. Réfléchir sans étudier est périlleux. » La sagesse asiatique est montée exactement sur ces piliers méthodologiques et pragmatiques du confucianisme que l’on pourrait traduire par le seul mot « pouvoir » qui transcende du Ren, le concept doctrinal qui charpente l’enseignement de la philosophie confucéenne: connaissance ou savoir, réflexion, action, humanité, moralité. Alexandre le Grand, Mustafa Kemal Atatürk, Thomas Jefferson, Fidel Castro, Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, doivent leurs exploits politiques à cette capacité d’étudier, de réfléchir et d’agir.

Plusieurs anecdotes légendaires gravitent autour de la naissance de Confucius. L’une d’entre elles laissa croire que la nuit où l’enfant naquit, deux dragons seraient aperçus sur le toit de la maison familiale. Les grands personnages de l’histoire sont-ils tous des êtres extraordinaires qui sont nés avec la marque mystérieuse de l’eschatologie gravée sur leurs fronts? On dirait que Chaque héros serait façonné dans la moule  d’une légende insolite. Même Jésus-Christ, le Fils de l’Homme, n’y a pas échappé. Les héros ne sont donc pas des personnages ordinaires. C’est dans cette optique que nous avons rédigé ce texte qui compose l’un des chapitres de notre ouvrage « Les Tigres sont encore lâchés » publié en 2017 : « La République est morte! Où est ce « Jésus » qui viendra la ressusciter comme Lazarre? » Le système capitaliste nous a enlevé une faculté essentielle pour « l’avenir de la vie sur la terre » : la capacité de la pensée critique. L’expression mise en gras a servi de titre à une conférence de l’astrophysicien Hubert Reeves sur les causes et les conséquences de la dégradation de la biodiversité.

L’être humain se détruit par l’ignorance, l’entêtement et la persistance. Albert Einstein a dit : « Il n’existe que deux choses infinies : l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue. » Michael Scriven est reconnu comme un philosophe spécialisé dans le phénomène de « l’évaluation des politiques publiques ». Alec Fisher et lui ont donné une définition claire à l’objet de notre remarque : « La pensée critique est le processus intellectuel conscient qui consiste, de manière active et efficace, à conceptualiser, appliquer, analyser, synthétiser et/ou évaluer les données collectées ou engendrées par l’observation, l’expérience, la réflexion, le raisonnement, ou la communication, afin de se guider dans ses convictions et actions [1]. » Le pouvoir de penser qui est à la base des actes de parler et d’écrire contribue nécessairement à la construction des théories sur les approches cognitivistes appliquées en sciences de l’éducation. Mais la capacité de réfléchir des individus se greffe-t-elle uniquement sur les pratiques des arts oratoire et scriptural ? N’est-elle pas aussi la vectrice qui a bouleversé, chambardé l’ordre mondial du XXe siècle ? L’allumeuse des mèches de mutations sociales, économiques, politiques et culturelles qui a fait exploser les barils des insurrections populaires en Russie, en Chine, à Cuba, au Nicaragua…?

Les Haïtiens n’ont pas encore trouvé ce cerveau génial – comme nous le signalons dans nos ouvrages –, le Rédempteur qui viendra « les forcer à être libres » dans le sens marcusien. Herbert Marcuse dans « Culture et société », son livre paru en 1970 aux Éditions de Minuit, explique : « La contrainte est rendue nécessaire par les conditions immorales et répressives dans lesquelles vivent les hommes. Son idée fondamentale est la suivante : comment des esclaves, qui ne savent même pas qu’ils sont esclaves, peuvent-ils se libérer? Comment peuvent-ils obtenir spontanément leur émancipation? Il faut les éduquer et les guider, leur apprendre à être libres et ce d’autant plus que la société dans laquelle ils vivent a recours à des moyens plus variés pour modeler et préformer leur conscience et pour les immuniser contre tout choix possible. » Certes, notre pays apparaît aux yeux de l’Humanité comme une grande ruche de martyrs. Les dictateurs entomophages qui ont occupé la scène politique après l’assassinat de l’empereur ont détruit tous les essaims d’insurrection, de militance et de résistance, qui nourrissaient un rêve de « Révolution » pour Haïti. Les Frank Romain, les Roger Lafontant, les Albert Pierre, les Luc Désir… les ont fait griller dans l’huile chaude de la dictature rétrograde et stérile, après les avoir exposés aux pratiques de torture les plus féroces, les plus violentes, les plus cruelles dans les geôles de Fort Dimanche et des casernes Dessalines…

Des   mouvements de lutte organisée, structurée ont vu le jour sur les terres de la République d’Haïti, parmi lesquels : la guerre pour la libération des Africains de l’esclavage et la résistance armée de Charlemagne Péralte, le chef des Cacos, contre les forces de l’occupation des États-Unis qui envahirent Port-au-Prince en 1915. L’histoire d’Haïti est parsemée de révoltes politiques et de troubles sociaux. Mais dans la majorité des cas, il s’agit d’invasions mal-planifiées, d’escarmouches suicidaires, d’affrontements violents, disproportionnés, impliquant surtout des Camarades contre les forces militaro-macoutes de 1957, qui terminèrent dans le sang des jeunes et intrépides guérilleros, le plus souvent venus de l’extérieur et dénoncés par la CIA, avant même qu’ils eussent entrepris leur aventure guerrière. Le film « Indochine » de Régis Wargnier, en plus d’être un chef-d’œuvre cinématographique, peut être retenu comme un exemple lumineux, éclairant de lutte révolutionnaire armée contre des envahisseurs et des occupants néocolonialistes.

Les groupes d’hommes et de femmes qui se font désigner en Haïti sous le vocable de « classe politique » de l’opposition, sans les citer, ne sont pas différents des espèces misérables qui tentent de survivre dans le désespoir et l’incertitude du lendemain. La plupart d’entre eux recherchent le pouvoir pour assouvir des ambitions personnelles. Il n’y a aucun intérêt patriotique dans les entreprises politiques qu’ils gèrent comme des bric à brac insalubres situés au marché Salomon de Port-au-Prince. Lorsque certains avaient remarqué que les charognards du PHTK se retrouvaient à quelques pas de se faire renverser du pouvoir par la population coléreuse et révoltée, ils allaient prier le « Bon Dieu » tous les jours pour que cela n’arrivât pas. Ces « misérables » sans boussole n’étaient pas prêts à assumer la charge d’un gouvernement de transition. Le coronavirus, peut-être, les a sauvés de justesse d’une situation difficile qui serait venue exposer publiquement leur incompétence et leur ignorance de la gestion des affaires de l’État! La Bible, elle-même, ne nous a-t-elle pas mis en garde : « Si un aveugle conduit un autre aveugle, ils finiront tous les deux dans un fossé. »

« lutter » contre les truands de l’oligarchie planétaire, qui sont eux-mêmes bien organisés, exigent l’émergence des leaders politiques patriotes et courageux.

Dans le film  « Troie » réalisé en 2004 par Wolfgang Petersen, Agamemnon envoie un  garçon à la recherche d’Achille (Brad Pitt). Il doit affronter un guerrier géant du camp adverse en combat singulier. La victoire sera concédée aux partisans de celui qui gagnera le duel, ce qui évitera de faire couler massivement le sang des soldats. Le petit messager conseille à Achille : « Si j’étais vous, je n’irais pas. Il est grand et puissant. » Achille lui répond : « C’est pour cela, quand vous serez mort, que personne ne se souviendra de vous. »

L’existence humaine tire également son essence des situations de risques et de dangers que chaque individu est appelé à affronter preusement en vue de protéger l’honneur de sa patrie, de conserver la dignité de son  peuple et d’être en paix avec sa conscience. Nous devons agir comme les héros cornéliens ou raciniens: transcender la mort pour entrer dans l’immortalité, pour scintiller dans la gloire perpétuelle. C’est le fil incassable avec lequel l’histoire  tisse l’étoffe de l’héroïsme universel.

Nelson Mandela défia, d’abord par la parole, les bourreaux de l’apartheid de l’Afrique du Sud. Comme parler ne suffisait plus, il adopta les principes radicaux de la lutte armée. Il se forma dans le cadre de sa nouvelle stratégie de guerre. Il utilisa les mêmes « moyens violents » des dominateurs pour libérer son peuple. Le leader de l’ANC, avec la complicité de la CIA, passa environ 28 ans en prison. Libéré le 11 février 1990, il devint président de son pays en 1994. Les méthodes du « pacifisme » ne permettent pas toujours d’obtenir les résultats escomptés. À moins de vouloir mourir comme Socrate. Mourir dans la naïveté de son innocence. Les mains de fer de l’occupation étrangère se resserrent de plus en plus sur les bras faibles de la République d’Haïti. Nous avons  cessé nous-mêmes de rêver avec les yeux ouverts. Dans le contexte de la politique extérieure des pays du G7, –  nous constatons les problèmes auxquels se trouve confronté le Venezuela du Commandant Hugo Chavez avec l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Organisation des États américains (OEA), l’Union européenne –, le « possibilisme » de Paul Brousse ne pourra pas apporter, à proprement parler, la Justice sociale et l’Équité économique sur le territoire de la République d’Haïti. La « Révolution » dont nous parlons souvent ne s’obtiendra pas avec un bulletin de vote…!

Haïti, tout compte fait,  semble incapable de penser, de s’organiser et d’offrir un meilleur avenir  à ses habitants qui espèrent toujours  voir le soleil se lever à l’Ouest.  Ce sont les esprits de la mort qui rôdent dans les quartiers où les individus dessèchent dans la misère et dans la peur. Peut-être,  finiront-ils par être emportés  pendant une nuit de catastrophe naturelle qui serait pire que les scènes d’horreurs occasionnées par Hazel en 1954 ou les tragédies causées par Matthew en 2016? La plupart ont choisi d’abandonner cette lutte presque sans issue pour la survie dans un pays austère, impitoyable, qui arrive à peine à se tenir lui-même debout. Comment rester à l’intérieur de cette Carthage décadente, où la famine et le chômage n’arrivent toujours pas à parler le langage d’une Révolution ? Après des années de sacrifices sur les bancs des établissements primaires, des institutions secondaires, des facultés de l’université d’État d’Haïti, nos jeunes compatriotes errent dans la forêt du Brésil, à la recherche d’un « mauvais » en remplacement du « pire ». Le « mauvais » : ce sont les champs agricoles du Chili, de l’Argentine, du Mexique… Et avec un peu de chance, les vastes plantations de tomates, de maïs, d’oranges qui s’étendent à perte de vue dans les anciens États confédérés du général Robert Lee, défenseur invétéré de l’esclavagisme féroce durant l’époque sécessionniste. Le « pire » : c’est le fait pour eux de se sentir humiliés par leurs situations de privations avilissantes, le sentiment d’être des bons à rien, de personnifier des parias par lesquels transpire une destinée de fatalité sociétale. Au cours des soixante dernières décennies, la République d’Haïti s’est transformée rapidement en un cirque de pauvreté où évoluent des trapézistes fatigués, à bout de force. Ils  peuvent lâcher prise d’une seconde à l’autre pour aller s’écraser sur le sol empierré d’une tragédie irréparable.

Les « cas de suicide » provoqués par le « mal vivre » ne se comptent plus dans le monde. Pour certains, « mourir » devient la  solution ultime  aux difficultés insurmontables générées par l’état de misérabilité. Quand la mort tarde elle-même à arriver, les individus qui craquent sous le fardeau de leurs souffrances morales et physiques passent carrément à l’acte. Ils mettent fin à leur existence. Beaucoup de citoyens désespérés, –  comme nous l’avons rapporté et documenté dans « Pauvreté en Haïti et dans le reste du monde : Hara-kiri ou Révolution » –, incapables de subvenir aux besoins de leurs proches, choisissent de s’immoler par le feu devant les palais, les châteaux, les ministères, les églises, les temples, les mosquées…

Ces martyrs de la surexploitation globalisée ont aussi espéré susciter de la colère et de l’indignation parmi les autres victimes silencieuses. Ils ont posé un geste de « désespérance extrême » dans le but de forcer leurs camarades à se réveiller et à se battre. Les richesses de la terre sont mal distribuées. Mais « lutter » contre les truands de l’oligarchie planétaire, qui sont eux-mêmes bien organisés, exigent l’émergence des Leaders politiques patriotes et courageux: des femmes et des hommes qui acceptent de sacrifier leur vie et leurs intérêts personnels, comme Manuel des Gouverneurs de la rosée,  au nom du bien-être des collectivités mondiales.

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[1] Alec Fisher et Michael Scriven, Critical thinking: Its defnition and assessment (1997)

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