Le 18 mai 1781 lorsque Tupac Amaru, leader politique du plus grand mouvement indigène indépendantiste et anti colonial de la Vice royauté du Pérou au 18ème siècle, fut condamné à mort et exécuté par les troupes royales espagnoles tristement soutenues lors de cette exécutions par des Indiens.
José Gabriel Condorcanqui Noguera, plus connu sous le nom de Tupac Amaru II nait vers 1740 dans le village de Tungasuca, Cuzco, ville du sud-est du Pérou au milieu de la cordillère des Andes. Fils de caciques indiens, il est instruit par des curés. Plus tard il va au collège de San Francisco de Borja de Cuzco, dirigé par les jésuites puis à Lima. C’était un homme instruit, d’une grande culture qui parlait parfaitement castillan et qui pouvait facilement lire le latin.
Tupac Amaru II était descendant de Tupac Amaru, le dernier Inca assassiné par le vice-roi de Tolède. Il avait décidé de rétablir l’empire inca dans le but de restituer l’autorité indigène. Il ne s’agissait pas d’une revendication contre tout ce qui était blanc car il incluait les créoles et les métisses, contrairement aux indiens. De fait, Tupac Amaru II réunit les indiens, les créoles, les métisses et les esclaves sous un front anticolonial, mais il ne put éviter que le mouvement se transforme en une monté raciste contre les espagnols et les créoles, d’autant que ces derniers jouissant de privilèges que leur accordait leur position sociale.
Il fut le premier à demander la liberté de toute l’Amérique, impliquant la séparation politique mais aussi l’élimination de toutes les formes d’exploitation des indiens et des corregimientos (cantons), des barrages et des douanes. Il fut aussi le premier à décréter l’abolition de l’esclavage le 16 novembre 1780 dans les pays sous le joug colonial espagnol, notamment la Vice royauté du Pérou.
Avant de se soulever, Tupac Amaru eut recours à tous les moyens légaux possibles.
En 1780 tout le Pérou et le haut Pérou se rebellent à cause de l’imposition d’un nouvel impôt par la couronne espagnole que mettent en place avec une extrême rigueur, à leur profit, les potentats locaux représentant la royauté. Tupac Amaru suit la révolte avec comme cri de guerre tactique : “vive le roi et que meurt le mauvais gouvernement !”. C’est à la Paz que la révolte fut la plus subversive; à minuit, le 12 mars 1780, toute les églises sonnèrent pour rassembler les hommes. Cette fois les révolutionnaires remettaient le pouvoir du roi en question en criant “Vive la loi de Dieu et la pureté de Marie et que meurt le roi d’Espagne ! “
En plus du mécontentement envers les autorités qui voulaient faire payer un nouvel impôt, les gens en voulaient aux curés qui en plus de donner le mauvais exemple, abusaient des indiennes, et exigeaient des contributions exorbitantes contre toute loi et justice. Ces abus étaient toutefois dénoncés par d’autres prêtres qui compatissait à la cause des indiens et, sur le terrain, ils participèrent directement au soulèvement. Pour cette raison, ils furent arrêtés et renvoyés en Espagne.
La rébellion qui enflamma tout le pays se mit en place en dix ans, grâce à une coordination des caciques de quasi tout le Pérou. Avant de se soulever, Tupac Amaru eut recours à tous les moyens légaux possibles. Même, il envoya un de ses frères en Espagne pour exposer les plaintes des indiens aux rois et demander une solution, sans succès. Il voulait le retour des terres aux indiens et supprimer totalement la mita, un système de corvée comme moyen de s’assurer une main-d’œuvre bon marché et permanente largement exploitée du reste par les colons. Tupac Amaru demanda également que l’on respecte la hiérarchie des caciques, qu’ils puissent se gouverner eux-mêmes et qu’on le reconnaisse comme descendant légitime des Incas.
Les nombreux soulèvements à La Paz, Cuzco, Arequipa, Cochabamba avaient créé un climat propice au soulèvement, d’autant que l’Espagne alors était occupée avec sa guerre intercolonialiste avec l’Angleterre et les vice-rois préoccupés à sécuriser les côtes du nouveau continent. Tupac Amaru en profita pour déclarer la guerre à tous les Espagnols.
“Ils me tuent seulement moi, mais demain je reviendrais et je serais des millions…”
La première cible de Tupac Amaru fut la province de Tinta où il kidnappa le gouverneur dans la maison même du curé Carlos Rodriguez et lui fit signer un ordre pour donner aux révoltés tous les fonds disponibles. Après avoir récolté toutes les armes et l’argent, le gouverneur fut pendu sur la place publique du village.
Les Espagnols apprirent la nouvelle 8 jours après et envoyèrent directement une expédition. Lors de la rencontre avec les rebelles Tupac Amaru fit voler en éclats les troupes royales. Des 604 soldats des troupes royales seulement 28 survécurent, ce qui porta l’évêque de Cuzco à excommunier Tupac Amaru.
Tupac Amaru se mit en marche pour Cuzco, recrutant dans les villages des Indiens et soldats pour assiéger la ville. Cuzco ne se rendit pas. Une guerre fut déclarée en janvier 1781, mais Tupac dut se retirer. Alors que Tupac Amaru retournait à Tinta les Espagnols lui firent une offre qui n’était qu’un piège. Le cacique refusa net. Les troupes royales avec 17 000 hommes vinrent attaquer le cacique à Tinta qui fut mis en déroute et capturé. Tupac Amaru fut condamné à mort. Le 18 mai 1781, il fut trainé jusqu’à la place principale de Cuzco où il dut assister au supplice de sa femme et de ses enfants, puis on lui coupa la langue avant d’essayer de l’écarteler, sans succès. Il fut donc décapité et démembré. Sa tête et ses membres furent exposés dans les principaux foyers de rébellion. Avant de mourir Tupac Catari eut à prononcer cette célèbre phrase: “Ils me tuent seulement moi, mais demain je reviendrais et je serais des millions…” La rébellion ne fut pas étouffée pour autant. D’autres caciques prirent la relève. Mais, pour paraphraser le poète Phelps : « Le Dieu de l’Espagnol était plus fort que les caciques ».
La rébellion de Tupac Amaru qui enflamma tout le pays fut d’une grande valeur historique symbolique. Évo Morales l’associe souvent à la lutte des Indiens dans le cadre de ses positions anti-impérialistes et anti-néo-colonisatrices. Elle a sans nul doute été un précurseur à la saga de deux grands libertadores Bolivar et Fidel.
Dors heureux camarade du plus grand mouvement indigène indépendantiste et anti colonial de la Vice royauté du Pérou. Merci pour avoir ouvert le chemin à la résistance des peuples contre l’oppression.
Sources :
Charles Walker. PÉROU – La rébellion de Túpac Amaru : protonationalisme et revivalisme inca. Dial. 12 février 2014.
Romane Carmon. Túpac Amaru II, le dernier rebelle inca. RTBF. 30 octobre 2020