Depuis le douloureux et honteux parricide du 17 octobre 1806, le peuple haïtien constamment blessé dans sa dignité, terrassé sous le poids de malheurs de toutes sortes, avance courageusement, héroïquement, à la recherche d’un avenir meilleur, à la recherche d’horizons de grand soleil et de vraie liberté. Il n’a connu qu’injustice et oppression, mais la détermination de vaincre a toujours été sa seule boussole. Sauf pendant l’éclaircie démocratique, prometteuse du 16 décembre 1990, embellie avortée par les forces liberticides, les forces conjuguées du mal et de la répression, le rêve de réels et profonds changements tarde à se matérialiser pour le peuple haïtien.
L’année 2016 s’achève… et notre mémoire se souvient. Le peuple haïtien peine encore à retrouver son angle de repos. Mais il poursuit inlassablement son combat et sa résistance. Il en a l’habitude et le courage, depuis la poussée revendicatrice des Piquets, le douloureux épisode de Marchaterre, la glorieuse guérilla nationaliste de Péralte et de Batraville, jusqu’aux fréquentes manifestations de rue de ces dernières années contre la présence des forces d’occupation, contre la faim, contre la volonté d’un minable musicien narcomane de vendre l’honneur national et le pays au plus offrant et dernier enchérisseur, après avoir été frauduleusement hissé au pouvoir grâce aux manœuvres intrusives et dévoyées d’une combinarde ex-première dame de la république cinquante-étoilée.
Tout un peuple résiste et se bat pour ne plus se sentir exclu des affaires du pays, pour que la vie ne reste plus en veilleuse, pour que le pain de l’existence n’ait plus sur ses lèvres «un goût de fond de mer et d’aloès», pour que le jour ne ressemble plus à la nuit, pour que l’étranger ne vienne plus lui voler la force de travail des paysans condamnés soit à l’exode intérieur vers les usines, soit à l’exil dans les bateys dominicains, et pour qu’enfin les vivres soient partagés équitablement autour de la grande table nationale.
Au seuil de l’année 2017, le mot d’ordre doit être au courage, à la persévérance et à l’espérance de surmonter les pires difficultés et de détruire ce qui nous reste encore de l’esprit de 1804. Ni faillir, ni défaillir, telle doit être notre révolutionnaire attitude pour faire bon accueil à l’année nouvelle. Notre cri de révolte face aux injustices qui accablent le quotidien du peuple haïtien devra crever le tympan des nuits d’éprouvantes humiliations trop longtemps endurées par le «peuple souffrant» et renforcées, d’abord par le brutal coup d’Etat du 29 février 2004, ensuite par la honteuse et indéhiscente présidence d’un misérable gredin dont l’Histoire se souviendra pour son incompétence, ses excès bambochards, sa misogynie et ses obscènes outrances verbales.
À l’orée de la nouvelle année, nous renouvelons notre plus profond attachement, notre indéfectible appui à la très longue et douloureuse lutte de libération des masses haïtiennes dont nous sommes solidaires, aujourd’hui, demain et plus que jamais. À ce peuple indomptable, nous souhaitons, au nom du journal, le plus grand courage, la plus vigoureuse force d’âme pour écarteler les ténèbres de l’injustice et de l’oppression qui l’enferment dans un ghetto de malheur. Nous lui souhaitons toute la persévérance dont nous la savons capable pour enfin voir avancer avec succès son combat pour une société plus juste, pour un avenir meilleur.
Faisons confiance aux «mains magiciennes» du peuple, car elles seules viendront «défoncer la vague de la honte» causée par la lâcheté et l’égoïsme des classes possédantes et de l’étranger, forcer l’occupant à plier bagages, forger une seconde Indépendance et saluer l’éclosion des rouges hibiscus de la liberté retrouvée.