Un document pour l’histoire:
La Plate-forme haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA) salue le courage et la clairvoyance du Peuple haïtien qui se mobilise chaque jour davantage pour réclamer la démission du Président Jean Bertrand Aristide. La PAPDA s’associe avec enthousiasme à cette revendication et réitère sa conviction que le départ du Président Aristide constitue un élément essentiel de toute sortie de crise véritable aujourd’hui dans notre pays.
La PAPDA salue en particulier le courage exemplaire du Mouvement étudiant qui a su défendre efficacement l’autonomie de l’UEH au cours de l’année 2002 en faisant reculer la dictature et qui malgré le lourd tribut payé par l’institution universitaire (destruction de locaux, nombre incalculable de blessés, nombre important d’emprisonnés, mutilation des Recteur et Vice-Recteur, plusieurs cadavres) continue avec ténacité à se maintenir mobiliser avec les autres secteurs du pays pour exiger le départ d’Aristide.
Le Président Aristide doit partir dans l’immédiat parce que sous couvert d’un discours de « réparation des abus infligés aux pays du Sud » au temps des colonies, il applique de façon servile et intéressée les dictats du FMI, de la BM, de la BID et du Département d Etat. Le Gouvernement actuel s’est associé à certains secteurs de l’oligarchie traditionnelle renforçant leur mainmise sur des pans entiers de l’économie nationale et leurs pratiques séculaires de pillage et de prédation. Cette politique anti-nationale et anti-populaire a aggravé la situation du pays, en accélérant la destruction des secteurs productifs, la déstructuration de nos Institutions et le renoncement à toute souveraineté nationale. L’accord signé en mai 2003 par le Gouvernement Aristide Neptune avec le FMI en réduisant les allocations budgétaires destinées aux secteurs sociaux, en accordant la priorité au paiement du service de la dette, en approfondissant la libéralisation du secteur financier a généré une situation insoutenable en précipitant les couches pauvres au désespoir et les couches moyennes vers une paupérisation accélérée notamment par une inflation galopante des prix des produits de base. Le Staff Monitoring Program (SMP) du FMI en application dans notre pays depuis l’éclatement de la crise institutionnelle de 1997 a précipité Haïti vers une régression économique rapide. N’oublions pas que sur injonction du FMI les prix au détail des produits pétroliers ont subi une augmentation de l’ordre de 130% en moyenne au mois de janvier 2003 et que le FMI félicitait, dans une note publique, le Gouvernement haïtien d’avoir arrêté le paiement des dédommagements aux sociétaires victimes des vols de leurs avoirs dans les maisons de spéculation appelées ‘coopératives des 12% le mois’. Le Gouvernement Aristide-Neptune a trahi les revendications centrales du mouvement de 86-91 en se rendant complices de ces politiques et en refusant de mettre en œuvre de vraies politiques visant à transformer les réalités séculaires d’exploitation et de marginalisation des masses haïtiennes. En plus le Gouvernement Aristide s’est enfoncé dans l’immoralité, la corruption et la violation systématique des droits les plus élémentaires des citoyens haïtiens. L’institutionnalisation de l’impunité prouve la continuité dans les procédés de gestion du pouvoir et le renouvellement de l’Etat traditionnel dans ses aspects les plus hideux.
La liste des crimes abjects de ce pouvoir serait trop longue à énumérer ici mais mentionnons quelques exemples : l’arrestation arbitraire de syndicalistes et d’ouvriers des plantations de Guacimal, la vente des terrains fertiles de la Plaine de Maribahoux au mépris des protestations des organisations de la zone pour l’implantation d’usines de réexportation de produits textiles vers les USA, le démantèlement par la violence des organisations paysannes pourtant alliées au Pouvoir comme Kozepèp, le commerce de riz pèpè importé des USA pour l’enrichissement personnel de quelques cadres de Fanmi Lavalas, le vol de l’épargne et des avoirs d’une frange importante de la population à travers un système de pseudo-coopératives puis un simulacre de dédommagement de quelques sociétaires victimes à partir des deniers publics sans arrestation, ni jugement des spoliateurs, le trafic d’influence en faveur d’une Université privée de la Fondation Aristide au détriment de l’UEH, les assassinats impunis des 3 fils de Viola Robert, de Jean Dominique, de Brignol Lindor et tant d’autres, la destruction des appareils de transmission de nombreux médias le jour même que le Président prend hypocritement l’engagement de réaliser des élections dans le pays…. Etc.
Face à cette dérive avilissante nous assistons depuis quelques années à un lent mais remarquable réveil de la conscience citoyenne. Le mouvement social qui réclame, à juste titre, la démission du Président de la République a inauguré un nouveau cycle de mobilisation politique. Les espaces de mobilisation avaient été quasiment éliminés ou réduits par le cataclysme du coup d’Etat de septembre 91 et par l’instrumentalisation et la corruption déployées par le régime Lavalas de 94 à nos jours pour transformer les OP en propagandiste et courroie de transmission de la volonté du Chef de l’Etat. Voilà que renaissant de ses cendres le mouvement démocratique ressurgit et occupe à nouveau la scène politique d’où elle avait été brutalement chassée par les armes des FADH, du FRAPH et des mercenaires appelés ‘chimè’. La violence de la répression exercée contre la population par les élus locaux Lavalas qui se sont vite transformés en bras armé du système de domination pour tuer tout espace de contestation et d’expression de la parole libre, par la PNH et les mercenaires à la solde du régime ne pourront rien face au souffle de mobilisation qui s’élargit en gagnant les villes de province et des couches de plus en plus importantes de la population.
A nouveau nous sommes à la recherche de la reconquête de la dignité à travers une nouvelle unité historique contre la dictature, la domination étrangère, les dictats du FMI, la dictature des marchés financiers, la globalisation capitaliste et toute politique de destruction de notre pays. Une unité historique pour la souveraineté alimentaire et la satisfaction des besoins de base de l’ensemble de la population sur la base de la participation effective des couches marginalisées des provinces et des grandes villes. Il est particulièrement significatif que cet espoir soit en pleine construction en cette année du bicentenaire qui rappelle la geste héroïque menée victorieusement contre l’esclavage et pour l’universalisation des droits de la personne.
La PAPDA demande à toutes les organisations et à toutes les forces sociales de s’associer activement à ce combat qui est l’unique chemin de la reconquête de notre dignité nationale.
Signataires
Marc Arthur Fils-Aimé
Camille Chalmers
AlterPresse, 28 janvier 2004