In Memoriam: Annette Auguste « Sò Anne »

« Mambo Ogou » | (Port-au-Prince, 1946 – Idem, 2020)

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Annette Auguste (Sò àn)

C’est avec beaucoup d’émotions que nous avons appris le passage de la militante, artiste et chanteuse du vodou Annette Auguste dite : « Sò Anne ». Survenue le jeudi 16 Avril dernier à l’Hôpital Bernard Mevs, par suite d’un cancer qu’elle a longtemps supporté. C’est dans la deuxième moitié des années 1960 qu’Annette a commencé à se faire remarquer. Comme “bébé enpenpan”, escortant une poignée de biches dans les festivals et kermesses de la ville. Lesquelles attiraient de leur beauté et légèreté les grands manitous de l’heure ; ainsi que les vedettes musicales et sportives. De plus, son frère ainé André Auguste (Pelao), est une légende du football local, alors que les cadets Arsène Auguste (Pelao), un futur prospect national et international, et l’autre, le délinquant Arthur, sont sous les feux de la rampe. En membres actifs de la 7e flotte, ayant résidés dans les localités de Cité Militaire que la bande des frères Ménélas.

De cette filiation, Annette a formé l’ossature (avec les sœurs Berrouet) des émissaires féminines qui composaient les “groupies” de la “7ème flotte” des « Ambassadeurs ». Groupe au sein duquel elle devient l’amante du “boss”, le bassiste Bob Ménélas dont elle a eu ses quatrième et cinquième fils. A la fin des années 1970, elle s’installe définitivement à NY, spécialement à Brooklyn, où elle ouvre dans les parages de Church Ave. et East 47th St., la boutique “Poto Mitan”, une sorte de temple mystique qui accueillait les adeptes du vodou à la recherche de leurs loas, tâche dont elle s’est attelée comme la mambo de service. En plus, elle met aussi son talent d’artiste en évidence et enregistre ses premiers morceaux : gade on zetwal, nègès katye morin etc, d’une approche généalogique.

De plus, dans cette communauté encore en gestation et, en effervescence anti-duvaliériste, à un moment où dangereusement l’idéologie semblait peu prioritaire, elle se jette dans l’opposition plurielle, devenant très proche des leaders remarqués: Ben Dupuy, Wilson Désir, Père Jean-Juste et autres. Devenant un peu l’une des mascottes chanterelles des hostilités, en compagnie des Farah Juste, Myriam Dorismé, etc, en prêtant sa voix explicite dans la dénonciation du régime lors des manifestations. Déterminée à prendre part au changement qui s’annonçait, elle devient un pilier de la communauté, toujours garante pour l’obtention des permis et de la sonorité pour les manifs, ainsi que pour la location des salles pour les représentations politico-culturelles.

Un vrai revirement pour la bonne sœur qui a bien côtoyé le régime décrié. Mais, c’était ça l’esprit de la diaspora d’alors ; pouvoir conscientiser les gens n’importe où elles venaient. Et qui conforte Sò Anne dans son nouveau statut de liaison entre droite et gauche, avec un dynamisme sans pareil. Devenant même le “sidekick” de Manno Charlemagne, aussi bien sur scène que dans la vie, tout en se métamorphosant aussi en interprète farouche de morceaux politiquement engagés. On n’oublie pas qu’à la chute de “baby doc”, elle a était à la tête d’un groupe de militants qui exigeaient le remplacement immédiat du drapeau noir et rouge macoute par l’authentique bicolore rouge et bleu de 1803 dans les endroits officiels dont le consulat de NY, durant des manifs spontanés.

A l’entame, c’est l’irruption du phénomène “Operasyon Lavalas”, qui a eu pour effet de rallier un bon nombre de militants de diverses tendances, après de multiples tâtonnements transitoires. C’est là qu’elle va se faire un vedettariat, intégrant les différents ateliers dans l’implication de nouvelles approches d’un 10e Département (la diaspora), conçu pour sortir Haïti du sous-développement. Tout ça, dans l’effervescence qui a conduit à la victoire historique du 16 décembre 1990 de Jean Bertrand Aristide à la présidence d’Haïti. Pendant ce temps, à NY, elle s’implique de plus en plus dans les démarches à entreprendre, tout en demeurant une chantre qui galvanise les mobilisations pour des revendications immédiates.

Cependant, le coup d’état assassin de 11 Septembre de 1991 qui a tout remis en question ; quant à l’émergence d’une nouvelle Haïti, et à l’établissement d’un état de droit ; en reculant la pendule à l’heure de tous les intolérables qui ont persisté jusqu’à nos jours. C’est ainsi qu’en exil “Sò anne”, a continué de supporter le président Aristide et le retour à la démocratie. Prenant même la vedette lors des nombreuses manifestations monstres, incluant la plus nombreuse (un record) au Central Park de Manhattan pour la reconduction de Titid à la présidence. Et dans laquelle elle s’est constituée en M.C. , partageant le podium avec des célébrités telles que Jessie Jackson, Harry Belafonte, Katherine Dunham, Susan Sarandon et Aristide au sommet de sa gloire.

Sò àn avec les couleurs du PHTK.

Aboutissant à la reconduction de Titid dans ses fonctions, avec les conséquences que l’on sait. Bien que la bouteille s’est remplie par rapport aux trois dernières années de viols, d’assassinats, d’enlèvements et de crimes qui constituaient les calvaires de la population, sous le règne des militaires psychopathes. Ce qui a aussi frayé la voie au retour de nombre de personnalités, artistes, militants, exilés en cavale, et les haïtiens en général qui avaient tant peur des dérapages des ninjas, attachés, FRAPHistes et autres, de revenir au pays. Incluant Sò Anne qui a dit au revoir à la diaspora, pour aller continuer la lutte. Sans prendre souffle, elle co-fonde le “PROP”, son parti politique en compagnie de son “kavalye polka” Manno Charlemagne, sorte de mouvement de pression pour maintenir la mobilisation.

Pourtant, sans coup férir, elle abdique sous peu pour rejoindre le nouveau parti “FANMI LAVALAS’’ de J.B.A, genre de fourre-tout politique, afin qu’il prenne sa distance avec les renégats de l’O.P.L. Dès lors, Annette s’est installée en colonnette du “F.L.”, devenant une confidente de l’ancien président dont elle a travaillé à la réélection. S’imposant en incontournable mobilisatrice du béton, additionnant à la formidable popularité du chef, pour parler d’un vrai mariage d’agrément. Dans la foulée, elle est accréditée du titre de représentante de l’ouest, qu’elle a partagé avec la Dr. Marie A. Gauthier. Bien que comme elle l’a avoué, elle a fait face aux hostilités de certains cadres arrivistes du parti qui aimaient faire la louange de leur degré pour minimiser son importance.

Mais, dans sa frustration, Sò Anne se contentait de faire la démonstration des sévices de bastonnades policières et des sabots de chevaux sur son corps, reçus sur les champs de bataille. De plus, comme dirait Gabin : “la hauteur des diplômes ne compense pas la bassesse de l’esprit”. Bref, elle a continué à y mettre de la sienne, jusqu’aux moments fatidiques des contestations préfabriquées par les ambassades, les intellos en mal de paraître, la classe moyenne lumpénisée, défroquée, à la recherche de connections, se sont ligués personnellement contre Aristide. Comme un prétexte pour boycotter le Bicentenaire de la Révolution de 1804, l’histoire dit-on, un éternel recommencement. Mais encore, Sò Anne en première loge, tenait les premières lignes défensives du pouvoir contre la canaille oppositionnelle, pendant que bien d’autres qui se la coulaient confortablement étaient aux abonnés absents.

Pas étonnant qu’elle soit devenue la cible d’une presse malsaine qui a taillé tous les ragots à son sujet. Question d’affaiblir la première ligne défensive d’un pouvoir en manque de coordination et de cohésions organisationnelles. De plus, “le laboratoire” de tous nos maux et discordes ne chôment jamais. Et lorsque finalement le pouvoir s’est effondré face aux assauts de toutes sortes, suite au kidnapping du président Aristide par une force états-unienne, et les massacres incessants des escadrons “grenn nan bouda” des Guy Philippe, Jodel Chamblain, Martelly, Boulos, etc. sur la population. C’est encore elle (avec Père Jean-Juste) qui est devenue le bouc-émissaire des voyous locaux et de la force d’occupation dont les marines états-uniens qui ont orchestré son arrestation illégale.

Jetée en prison par les envahisseurs, Sò Anne a subi toutes sortes de tortures physiques et mentales de la part des occupants et de leurs affidés mitoyens. Finalement, c’est sous le faux frère René Préval, qui a bien résisté à se défaire de ce colis embarrassant, qu’elle a dû être élargie. Puisqu’il a dû céder sous la pression des organisations des droits humains qui réclamaient inlassablement son élargissement. Sortie de la prison traumatisée, diminuée, cassée, elle a essayé de se mettre au boulot, en retrouvant le chemin du studio d’enregistrement. Ce qui a permis nos retrouvailles dans son appartement à Brooklyn Avenue. Toujours flanquée de son compagnon, Tido Lavaud, en route pour l’enregistrement des œuvres : “Konplo” et “Rezistans” sous le label de Crowing Rooster Arts.

Cependant, l’engagement étant parfois une forme d’addiction pour beaucoup qui ne comprennent pas le moment opportun de refaire surface. Dans cette veine, elle n’a pu résister aux machinations de la politicaillerie ambiante. Pour se faire amadouer par des esprits mal intentionnés, qui ont misé sur sa vulnérabilité dans la destruction du parti “Fanmi Lavalas”. En les aidant à promouvoir une convention-bidon sans l’aval des responsables autorisés, faisant fi des desiderata du chairman, alors en exil. Les plus avisés n’ont pas compris, comment elle s’est fait pendre comme une débutante, pour pécher par tant de duplicité. Pour certains, c’était une drôle de façon de consommer un divorce.

Dans tous les cas, l’intégrité de « Sò àn » était bien mise à l’épreuve. Et par le temps du retour de Aristide sur le sol natal pour une seconde fois, les contacts étaient au point mort avec les membres du parti. Puisqu’elle ne s’était pas gênée pour s’afficher avec cette honte nationale que représente “Sweet Micky” qui faufilait dans les couloirs macabres d’un complot ahurissant. En accédant à la présidence grâce au machiavélisme du couple Hillary et Bill Clinton connu comme “Lewis et Clark”, agents attitrés du consortium néo-coloniale, dans le but d’implanter le néo-duvaliérisme permanent pour la liquidation des richesses nationales. C’est à quoi, on espère que tout militant qui se respecte soit en mesure d’appréhender.

Nonobstant l’ampleur des chamailles avec un ancien larron, car la patrie n’a jamais rien à voir dans tout cela. Même quand la camarade s’est faite rouler par Micky, Gwo Soso et Radio Ginen, pour l’obtention d’une place de sénatrice en plus fictive, on ne pouvait s’empêcher d’être en rage contre ces malfrats qui ont exploité sa fragilité, sa maladie et sa faiblesse, la paradant comme un apostat, pour essayer d’évider son passé de militante désintéressée. La seule image dont vont se souvenir ceux qui ont compris la raison de sa dégringolade vers la vague, après avoir été la victime de tout ce qui n’est pas permis, parce qu’on lutte pour changer son pays. Et que seule la mort a su délivrer, en lui épargnant d’inutiles souffrances et des dérisions humaines.

Bon voyage « Sò àn».

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