A travers la gauche en Amérique latine: El Salvador, un pays préparé (4)

Quatrième partie

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San Salvador, panneau publicitaire de la multinationale étatsunienne Wendy’s avec le message: Le défi est de choisir! Le classique bourrage de crâne. Photo par Alexandra Panaguli

Un peuple travailleur

Les Guanacos, comme on appelle familièrement les Salvadoriens, ont toujours eu la réputation d’être fort travailleurs, ils sont également davantage conscientisés, et les diplômés du supérieur ne veulent plus émigrer vers les Etats-Unis d’Amérique, mais cherchent plutôt du travail dans les pays voisins, non par manque de travail au El Salvador mais pour échapper à la criminalité.

Gerson a 27 ans, il est très poli et serviable, il a tenu à m’accompagner à l’Université centroaméricaine où je voulais consulter la librairie. Autrefois ils publiaient quantité d’analyses sociales et politiques que je collectionnais; depuis le fameux massacre en 1989 des six jésuites qui y enseignaient cela a fort diminué. Gerson attendait sagement dans un coin. Il a commencé à travailler à l’âge de 12 ans dans un atelier de mécanique d’auto, il était payé 8 dollars/jour, le salaire minimum, sans assurance médicale ni pension, d’autres patrons paient parfois 10 (dans les restos) ou même 15 pour des maçons. Par contre un contrôle de voiture coûte 8 dollars, le changement d’huile 15. Un jour nous avons préparé une lasagne pour toute la famille, les aliments au supermarché sont aussi chers qu’à New York. Gerson aidait les clients et ceux-ci l’appréciaient, le patron l’a licencié, jaloux mais surtout une façon d’éviter que les ouvriers ne deviennent automatiquement permanents (donc plus chers et ayant droit à la pension) au bout de cinq ans.

Sa mère vient faire le ménage chez les voisins. Ni lui ni elle, ne sont éduqués, elle a eu trois enfants de père inconnu – “Mama ha sido mama y papa a la vez”. Ils vivent avec trois autres cousins dans 20 m2, la même dimension que le garage des voisins. Gerson a été surpris quand je lui ai dit que notre appartement a 60 m2.

Néolibéralisme à mort

La famille nous emmène faire un tour dans le fameux Metrocentro, en plein centre de la capitale, fier d’être le prototype et le plus grand des centres commerciaux d’Amérique centrale. Il fait partie du Grupo Poma qui a 10.000 employés et 19 centres dans tous les cinq pays d’Amérique centrale. De la famille Poma était Luis Roberto Poma Delgado, enlevé en 1977 contre rançon par la guerilla qui amassait alors son trésor de guerre, demandait en échange la libération de prisonniers politiques ou la publication de communiqués dans la presse. Blessé dans l’échange de tir entre les guerilleros et ses gardes du corps, Poma est décédé. Dénotant une totale absence de conscience, tout ce que son frère Ricardo a retenu est que les “tumultueuses années 1980 étaient une décennie perdue”. Evidemment, perdue pour tout l’argent additionnel qu’ils auraient pu amasser.

Dans le centre de la capitale, des centaines de postulants font la file pendant des heures pour remplir un poste de travail. Le FMLN a mis un frein à la politique néolibéraliste qu’ARENA a imposé au pays pendant 20 ans dans le but de favoriser l’oligarchie au détriment des travailleurs et des petites entreprises. Photo par Alexandra Panaguli

Comme le note John Lamperti, professeur de mathématiques au Dartmouth College dans l’Etat du New Hampshire et spécialiste de l’Amérique centrale, tous ces grands noms ont reçu beaucoup de publicité, et leurs enlèvements et assassinats éventuels ont été largement déplorés. Par contre les centaines de manifestants, étudiants, paysans, tués sans discernement par les forces de l’ordre sont restés inconnus et ignorés, et leurs morts restées sans enquête aucune. Lamperti écrit cela dans son livre sur Enrique Alvarez Cordova, un membre de l’élite mais qui lui, avait une grande conscience, celui que j’ai mentionné plus haut et qui a tenté d’introduire une réforme agraire (alors qu’il était grand propriétaire terrien), pour finir assassiné par un escadron de la mort pour “trahison à sa classe”. Il était le condisciple de ce Poma décédé, à la Hackley School de New York où actuellement les cours coûtent en moyenne 40.000 dollars par année académique plus 13.400 dollars par semaine de pensionnat…

Après cette décennie “perdue”, les Poma se sont bien rattrapés. Rien que ce déprimant Metrocentro comprend 760 magasins commerciaux avec “marques de prestige”, un hôtel 5 étoiles, 2510 places de parking, 12 salles de cinéma, etc etc, et 46 espaces de “fast food”, depuis Pizza Hut jusqu’à Kentucky Fried Chicken, rien ne manque. 1.8 million de personnes le visitent chaque mois, avec un pic de 2,5 millions en mai, août et décembre… Comme je disais, la plupart des 4,5 milliards de dollars envoyés par les Salvadoriens de l’étranger ne sont pas investis mais partent en fumée dans ces centres, c’est -à-dire qu’ils retournent en grande partie vers les Etats-Unis d’Amérique.

En 20 ans de gouvernement, ARENA a réalisé 33 privatisations, libéralisé les prix de 230 produits, annulé les impôts à l’exportation (café, sucre, crevettes), réduit l’impôt sur les bénéfices des sociétés de 35% à 25%, supprimé la taxe foncière, abaissé les droits de douane. Il a également démantelé le Centre national de technologie agricole et forestière «Enrique Alvarez Córdova», fermé l’Institut régulateur des aliments et coupé les ressources du ministère de l’Agriculture avec pour résultat que à la fois la production de grains de base et autres aliments baisse et les prix montent (les plus élevés d’Amérique centrale), et que plusieurs paysans soient obligés d’émigrer vers les villes ou l’étranger.

El Salvador étant le troisième producteur mondial de café, après une pointe à 50% du PIB en 1980, le café est dégringolé à … 0,56% en 2016 suite essentiellement à la chute des cours mondiaux et à la concurrence internationale. L’oligarchie traditionnellement caféicultrice s’est alors lancée dans les banques, l’administration des fonds de pensions, les assurances, les importations, soit les secteurs-clé et juteux de l’économie. Et d’exportateur, le pays est devenu importateur d’aliments, la même chose qu’au Vénézuela avant Chavez et qu’en Grèce depuis son entrée dans l’Union européenne, soit le classique plan néolibéral.

Metrocentro, en plein centre de la capitale, un des plus grands centres commerciaux d’Amérique centrale. Il fait partie du Grupo Poma une des riches familles du El Salvador. Photo par Alexandra Panaguli

Pour donner un exemple tout récemment rapporté par un jeune journaliste fort actif, Jean-Baptiste Malet, qui vient d’écrire un livre sur l’industrie mondiale de la tomate, le Ghana a commencé son indépendance en 1957 avec Kwame Nkrumah, le premier président du premier pays africain indépendant, et le père du Pan-Africanisme. Pour rendre son pays indépendant également sur le plan économique il a favorisé la production nationale, notamment par la création de deux usines de transformation “pour ne plus gaspiller les surplus de tomates qui pourrissaient lors de la saison des pluies”. Le coup d’état pro-occidental de 1966 – généralement admis comme ayant eu la participation de la CIA – a mis un terme à cette politique et le pays est tombé sous la coupe du Fonds monétaire international qui a fermé ces deux usines. “Ce sont aujourd’hui des montagnes de rouille”. Alors que 90.000 paysans ghanéens cultivent la tomate et produisaient en 2014 366.772 tonnes, cette même année le Ghana a importé 11% du concentré de tomates (contenant seulement 45% de tomate) produit en Chine par des multinationales. “Même ma femme achète du concentré chinois, car elle trouve cela plus pratique et moins cher que les tomates fraîches ghanéennes”, se désole M. Kwasi Fosu, agriculteur à Techiman. “Nous sommes nombreux à réduire d’année en année nos surfaces cultivées” [Monde diplomatique, juin 2017, p7]. Comme l’a écrit Robert W. Komer, analyste de la CIA pendant 15 ans et assistant spécial pour les affaires de sécurité nationale, au président étatsunien Johnson dans un mémo en date du 12 mars 1966, deux semaines après le coup d’état: “Nkrumah faisait plus pour miner nos intérêts que n’importe quel autre Noir Africain. En réaction à ses tendances fortement pro-communistes, le nouveau régime militaire est presque pathétiquement pro-occidental “.

Depuis son arrivée au pouvoir, surtout la deuxième fois, le FMLN essaie de freiner et puis de renverser cette tendance néolibérale. Au cours de son congrès fin novembre 2015, le parti a identifié les principaux défis immédiats pour ensuite développer ses objectifs généraux: «le démantèlement complet et définitif du néo-libéralisme, y compris la dé-privatisation des biens et services stratégiques; l’expulsion des personnes et figures de proue de l’oligarchie enracinées dans les institutions du pouvoir et de l’État; la défaite de la stratégie systématique de boycott et de sabotage de la gouvernance du FMLN; et surmonter les obstacles sur la voie de la révolution démocratique».

Donnant un bon coup d’arrêt au projet néo-libéral, le gouvernement a relancé le Centre national de technologie agricole et forestière « Enrique Alvarez Córdova » – nommé ainsi en honneur au dirigeant assassiné – créé la banque publique BANPRESAL, les sièges de Ciudad Mujer, la Banque de la Femme, récupéré dans le secteur public l’entreprise d’énergie thermique LaGEO (qui fournit le quart de la consommation électrique du pays), introduit une loi sur les médicaments dont le but est de réglementer les prix et la qualité, réduit les commissions que s’accordaient le fonds de pension de 21 à 17%, augmenté les impôts pour financer les programmes sociaux, notamment remonté celui des sociétés à 30% et établi 5% sur les dividendes. Malheureusement, le gouvernement FMLN n’a pas pu retirer le contrôle des institutions autonomes à la puissante Association nationale de l’entreprise privée (ANEP) parce que la Chambre constitutionnelle – belle exemple de sabotage – a annulé le décret.

Autre exemple, l’eau. El Salvador étant un pays avec forte densité démographique (293 contre 129 au Guatémala, 66 au Honduras et 44 au Nicaragua voisins) plus de 90% de ses eaux sont polluées par des produits chimiques toxiques et des métaux lourds, tels que le cyanide et le fer. Cela s’était aggravé depuis que le pro-business ARENA avait accordé toute une série de permis pour exploration minière à de nombreuses compagnies attirées par la stabilité qui avait suivi les accords de paix. Dès son arrivée au pouvoir, en 2009, le FMLN a décrété un moratoire de facto, au point que la compagnie canadienne Pacific Rim – acquise en 2013 par OceanaGold – a traîné le pays devant le Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (ICSID) de la Banque mondiale pour son refus de lui accorder un permis de recherche d’or justement dans la zone de ce pauvre Rio Lempa, lieu des massacres de la dictature oligarcho-militaire des années 1980. Après avoir traîné pendant 7 ans, ce tribunal a finalement rejeté la demande de la compagnie et lui a ordonné de payer au El Salvador 8 millions de dollars pour ses frais juridiques, une somme qui pouvait être consacrée aux programmes sociaux bien nécessiteux.

En mars dernier, l’Assemblée a voté à l’unanimité une loi interdisant toute exploitation minière de métaux, le seul pays au monde à avoir réussi à le faire. C’est d’autant plus important qu’il y a des centaines d’actions en justice dans le monde entier de la part de sociétés minières et autres contre des gouvernements qui essaient de maintenir leur indépendance face à la globalisation et leur souveraineté sur leur environnement. Cette vague d’actions en justice a été déclenchée par un système de règlement des différends investisseur-État (ISDS) désormais compris dans les nouveaux traités commerciaux internationaux dans le but de faire plier les pays réticents, parfois avec la collaboration des élites d’affaire locales.

On pourrait se demander pourquoi les députés d’ARENA ont maintenant voté contre l’exploitation des mines. “Il y avait une terrible pression sociale”, nous dit Elizabeth. Et le secrétaire de la commission législative sur l’environnement et le changement climatique est John Wright Sol, un député ARENA mais jeune et élevé aux Etats-Unis d’Amérique. Il est également en faveur des droits des homosexuels et de l’avortement, tout ce que son parti a en abomination. Ce n’est dès lors pas étonnant qu’il n’a pas l’intention de se représenter comme candidat d’ARENA lors des prochaines élections législatives. Pareil pour une autre jeune députée ARENA, Carolina Rodríguez, qui vient de voter contre son parti sur une proposition de loi du FMLN et ne se représentera pas non plus. Les jeunes avec ouverture d’esprit et conscience n’ont pas de place dans ARENA.

Ce parti est inféodé au néolibéralisme, une doctrine “déshumanisante, appauvrissante, et avec modèle de civilisation abrutissant”, pour reprendre les termes du FMLN dans son document “Sur notre parcours actuel”. L’économiste César Villalona va plus loin et dénonce ARENA comme étant un parti fasciste qui ne se préoccupe pas du bien-être du pays mais seulement de ses intérêts et de ceux des sociétés exportatrices (environ 2.000), tandis que “La plupart des employeurs dans ce pays [plus de 200.000] seraient d’accord pour élargir le marché intérieur parce qu’ils élargissent leurs possibilités d’investissement et les ventes”. Le néolibéralisme est donc néfaste à la fois pour le peuple et les petites et moyennes entreprises. C’était pareil au début de la répression. En accordant davantage de droits et revenus à la population, les oligarches auraient pu voir leurs rentrées augmenter par un accroissement de la demande. Mais, aveugles, ils se sont totalement fermés pour garder tous leurs avantages à court terme.

Comme le dit sur le plan international Aditya Chakrabortty, historien et économiste au quotidien anglais Guardian, “Comment les élites restent-elles au pouvoir? […] En écartant l’opposition et ensuite en se bouchant les oreilles à la réalité. Le résultat est celui pour lequel nous payons tous”.

Un pays préparé

On peut rester optimiste. Déjà pendant la guerre révolutionnaire 1980-1992, le FMLN avait à la fois une bonne ligne idéologique et une bonne stratégie militaire. Il a fallu l’écrasant poids financier et militaire des Etats-Unis d’Amérique de Ronald Reagan (à la présidence justement sur la période 1981-1989) pour empêcher qu’il ne renverse le régime oligarcho-militaire, mais il n’a pas pour autant été vaincu. Et il aurait pu encore avancer si la chute de l’Union Soviétique ne l’avait coupé en plein élan.

Ensuite, il a d’abord réussi à négocier des accords de paix (préliminairement signés le 31 décembre 1991, cinq jours après la dissolution de l’URSS) qu’il a en fait imposés à l’oligarchie gouvernante – et ses sponsors étatsuniens. Maintenant, qui célèbre les anniversaires de ces accords de paix? Qui leur fait constamment référence? Qui a édifié le parc de la Réconciliation? Le FMLN uniquement, ARENA préférant ignorer cette avance populaire.

Le Front révolutionnaire de guerilla a alors réussi très vite à se transformer en parti politique, fin 1992. Et au cours de la décennie suivante, il a réussi à surmonter les nombreuses divergences internes et se définir comme résolument socialiste.

Le politologue cubain Roberto Regalado craignait qu’il ne suive la voie des social-démocraties européennes qui ont fini par embrasser le néo-libéralisme (avec l’espoir fou de lui garder une vitrine humaniste), du fait que le FMLN n’était pas arrivé au pouvoir par une révolution mais selon les règles de la démocratie bourgeoise [8, p228], que la bureaucratie de l’Etat qu’il héritait était d’ARENA [9, p2], qu’il ne contrôlait pas les ressorts du pouvoir politique (comme par exemple la Cour suprême de justice) [8, p231] et surtout que l’oligarchie continue à exercer le pouvoir économique.

Mais au lieu de simplement occuper le pouvoir, le FMLN a lutté pour mettre en pratique la théorie révolutionnaire [8, p236]. Ce qui l’a aidé, bien plus qu’au Nicaragua, est “l’accumulation d’une longue et difficile histoire de la lutte qui a commencé au début du 20ème siècle” et la démonstration d’une grande “volonté et capacité de lutte” [9, p4]. Ce qui va l’aider maintenant encore plus est l’effritement du néo-libéralisme.

De façon plus globale on a passé les moments difficiles de la fin de l’URSS et nous nous trouvons maintenant dans un débat rénovateur du marxisme qui doit mener vers une nouvelle société et la socialisation des moyens de production [8, p235-6]. En Amérique latine, nous sommes également dans une nouvelle phase, où “la domination violente a été remplacée par l’hégémonie bourgeoise”, comme l’Europe à la fin du 19ème siècle. [9, p5]

Regalado ajoute: “l’élection du premier gouvernement de gauche au El Salvador, en plus d’être un événement sans précédent en lui-même, implique que le pays a franchi un point de non-retour dans son histoire. Comme tout gouvernement de gauche, le gouvernement de la gauche salvadorienne connaîtra sûrement des succès et des revers – et nous sommes convaincus que les premiers seront plus importants et plus nombreux que les derniers – mais, de plus, El Salvador ne retournera plus à la dictature, ni à la démocratie d’exclusion”. [9, p3]

Il faut maintenant consolider son pouvoir, même par des alliances – comme le FMLN avec GANA – tant que celles-ci ne deviennent pas homogénéisation, c’est-à-dire qu’il faut des alliances tactiques pour avancer, tous ensemble si possible, et non pas pour se diluer. S’ouvrir sans se détruire.

Et en parallèle continuer à mobiliser et conscientiser, surtout les jeunes. Samuel Huntington, le fameux professeur étatsunien de sciences po et auteur du Choc des civilisations (1996), disait dès 1975 que “Certains des problèmes de la gouvernance aux États-Unis proviennent aujourd’hui d’un excès de démocratie … Le fonctionnement efficace d’un système politique démocratique nécessite habituellement une certaine mesure d’apathie et de non-participation de la part de certains individus et groupes”. Ce type de démocratie était celui exercé par ARENA pendant 17 ans après les accords de paix, et lequel “remplissait la même fonction que les dictatures militaires: maintenir l’exclusion politique, économique et sociale de la grande majorité du peuple salvadorien”. Nous devons aller dans la direction opposée, vers un excès de démocratie et faire participer tous ces individus et catégories marginalisés.

Ce qui va également aider à continuer la conscientisation et la mobilisation est une nouvelle génération de penseurs tels que Néstor Kohan (1967) philosophe et militant argentin, qui ont pris le relais des milliers de penseurs et militants assassinés dans toute l’Amérique latine depuis le coup d’Etat de Pinochet, avec d’autres qui ont réchappé, Atilio Borón, sociologue argentin, François Houtart, théologien belge, Michael Lebowitz, économiste canadien, Hugo Moldiz, chercheur et professeur bolivien.

Et bien sûr continuer à lutter avant tout contre le néo-libéralisme, lutte qui, en parallèle avec les triomphes électoraux de la gauche en Amérique latine, caractérise notre époque. Alors que nous quittions El Salvador, à la mi-février, deux week-ends allaient être consacrés à l’ « empadronamiento », soit le recensement électoral. Les partis doivent donner la liste de leurs membres au Tribunal suprême électoral. C’est prévu par une nouvelle loi votée par tous les partis dans le but d’apporter davantage de transparence et de démocratie aux élections. Mais, dit Elizabeth qui se préparait à parcourir pendant ces quatre jours tous les cantons de sa circonscription, ils n’inscriront pas les meilleurs militants qui ont de l’expérience car ceux qui apparaissent sur les listes ne peuvent aider au processus électoral, ainsi que décrété par la Chambre constitutionnelle pour, ici aussi, entraver les partis plus conscientisés et organisés. D’autres pays, tel que les Etats-Unis d’Amérique, se basent sur les capacités des juges et de tout acteur de la société civile et non pas sur leur affiliation politique.

Elizabeth, vient de nous dire qu’elle va se représenter en mars prochain, cela a été décidé lors des toutes récentes élections internes du FMLN. Cette fois le nom et la photo de son/sa députée suppléante figurera sur sa fiche. Pour le terme présent, 2015-2018, la même Chambre constitutionnelle avait jugé que les suppléants ne pouvaient siéger car ils n’avaient pas été élus. Encore du sabotage. Pendant trois ans elle n’a pu compter sur une rempalaçante. “Mais il y a de l’espoir”, nous dit-elle, “le mandat des juges de la Cour suprême expire en juillet prochain, 2018″, à la différence de ceux des Etats-Unis d’Amérique qui sont nommés à vie. On peut espérer insuffler un peu de progressisme dans cette chambre pétrifiée. Chaque nouveau juge doit avoir le soutien de 56 députés.

Répondant à la question du media El Faro qui lui demandait comment, après 30 ans, elle voit le FMLN, Lorena Peña, comandante de la guerilla de longue date, députée à l’Assemblée qu’elle a présidé en 2015-16 ainsi que je l’ai mentionné plus haut, a répondu: “Il y a toujours des hauts et des bas, mais je pense que fondamentalement le Front fait ce qui est correct, je pense qu’il s’efforce d’être un parti du peuple, il s’efforce de se former davantage sur le plan politique et idéologique, nous sommes responsables avec le gouvernement et le pays. Je pense que le Front est en train de faire un de ses plus grands efforts et il me semble que même là où les choses ne changent pas il est digne d’éloges”.

(Fin de la série)

Notes

  1. La Gauche latinoaméricaine au gouvernement. Alternative ou recyclage?, Roberto Regalado, La Havane, 2012.
  2. http://www.contextolatinoamericano.com/articulos/fmln-de-la-insurgencia-la-oposicion-y-de-la-oposicion-al-gobierno/ FMLN: de la insurgencia a la oposición, y de la oposición al gobierno, Roberto Regalado, 11 décembre 2009.

 

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