Haïti Liberté garde une certaine sérénité malgré tout dans son opiniâtreté à garder envers et contre tous sa ligne idéologique dont la perspective est la libération générale des peuples du monde assujettis aux dominations quelles qu’elles soient. Voilà pourquoi nous n’avons pas hésité en certaines occasions à critiquer ce qui nous parait indésirable ou inopportun dans le comportement indécent de certains secteurs politiques.
La situation électorale qui prévaut actuellement dans le pays nous préoccupe au plus haut point, bien que nous ne soutenions aucun des candidats. Ce n’est pas que nous soyons pour autant anti-élections, loin de là. Cependant notre conviction et nos respects pour les principes nous forcent à croire qu’aucun peuple n’aura jamais le luxe et la liberté de jouir pleinement de sa souveraineté électorale dès lors qu’il est sous occupation. Quand nous voyons des courants politiques se déclarer être du secteur populaire, c’est-à-dire notre secteur, nous avons un droit légitime à hausser le ton, puisque nous sommes presque dans le même bateau.
C’est ainsi que cette semaine, nous avons observé avec attention les déclarations du candidat de la Plateforme Pitit Dessalines, Moise Jean-Charles, dénonçant un quelconque complot au Centre de Tabulation, comme quoi, le PNUD y aurait employé deux étrangers. A l’entendre, il nous vient tout de suite à l’idée de demander où était Moïse quand le PNUD avait décidé que nos bulletins de vote seraient imprimés à Dubaï. Cette décision ne le concernait pas autant que les magouilles potentielles et éventuelles au Centre de Tabulation. Nous n’avons d’ailleurs pas entendu de réaction officielle de la part d’aucun dirigeant de parti sur cette intrusion dans un acte souverain et qui en partant annonce un processus sous contrôle des Nations-Unies.
Il est des silences qui deviennent particulièrement éloquents, hautement éloquents puisqu’ils n’illustrent autre chose qu’un comportement complice. Il ne vous suffit pas de vous déclarer anti-impérialiste, il vous faut avoir le courage de dénoncer et de combattre les menées impériales sous toutes ses formes dans votre pays. Autrement, il y a de quoi douter de votre profession de foi anti-impérialiste.
Ce n’est pas la première fois que des politiciens, au mépris de toute logique, de tous les principes, affichent des comportements vides de convictions. C’est ainsi que nous pouvons différencier les progressistes réformistes des révolutionnaires. Souvent, les réformistes n’ont pas le courage d’être catégoriques. Ils se livrent à toutes sortes de manœuvres, à tout bout de champ. Parfois, ils font du marronnage avec l’ennemi de classe après avoir accepté certaines conditions inacceptables ; parce que justement ils n’ont pas la force de caractère pour dire Non ! Ces traits de tempérament politique propres aux réformistes opportunistes montrent clairement leurs faiblesses, leurs inconséquences profondes, puisqu’ils sont incapables de persévérer dans la résistance à l’ennemi.
Voyez l’ex-président Aristide à Pétionville, la semaine dernière, suivi par une foule immense en liesse. Certes, il y a eu joie, fête et plaisir ; mais à quoi ça a réellement servi quand le leader n’a pas émis un seul mot d’ordre qui pût non seulement faire vibrer les masses ; mais les rendre plus conscientes de leur état actuel. A-t-il perdu la capacité d’haranguer une foule, ou bien n’est-il plus intéressé à le faire ? Ses solides envolées péraltistes, ses significatives dénonciations du «capitalisme-péché mortel» sont-elles choses mortes et enterrées ?
La dignité dont il parle oblige-t-elle à accepter n’importe quoi ou devrait-elle concourir à refuser toute forme de vie inhumaine ? Bref, a-t-il tout à fait oublié que c’est juste après un coup d’état sanglant contre le peuple haïtien qu’il a été forcé à l’exil et qu’il s’en est suivi une occupation qui dure déjà depuis 12 ans. Cette dignité dont il parle est-elle compatible avec accepter l’humiliation des forces occupantes ou bien n’appelle-t-elle pas à mettre dehors ces dernières ? Le peuple a faim et ses dirigeants ne semblent pas vouloir l’aider à revendiquer le droit de vivre, de s’opposer au système oppresseur de façon organisée, une façon indirecte de le laisser à son sort, préparant sa tombe.
Dans la même veine, Moise annonce publiquement qu’il se rendra aux Etats-Unis pour rencontrer le gouverneur Cuomo, l’une des mille têtes de l’hydre impérialiste; et par la suite il annonce dans sa délégation la présence de l’ex-commissaire Claudy Gassant qui fut tout récemment l’avocat de Marie Taissa Mazile Ethéart, la femme du kidnappeur Sonson la Famillia, criminel proche de l’ancien régime corrompu jusqu’à la moelle. Compagnie morale et politique peu recommandable.
Où sont la dignité et l’idéal socialiste chez des dirigeants qui acceptent tout bonnement, sans protester, de participer à une quelconque élection quand leur pays est sous occupation étrangère. De quelle dignité parlent Aristide et Maryse quand la question de la force d’occupation de la Minustah n’a même pas fait partie du discours lancé à Pétionville ?
Nous voulons croire qu’au delà des consignes électorales mal comprises, les dirigeants ne se laisseront pas entrainer par un discours qui dépouille les mots de leur vrai sens. La complexité de la situation politique exige du discernement et une analyse méticuleuse des rapports de force qui sont en train de s’établir pour bien les canaliser de façon concrète et efficace, à la faveur de la renaissance des revendications populaires. L’erreur serait que sous couvert de tactique honnête, on aboutisse à des tactiques malhonnêtes qui nous dirigeront vers un nouvel avortement politique lourd de conséquences. Il nous faut mettre en garde contre toute erreur politique qui consisterait à livrer le mouvement populaire renaissant et encore fragile, pieds et poings liés à l’ennemi.
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