C’est un fait, l’ennemi auquel fait face le peuple haïtien n’est pas celui qui partage les mêmes conditions de vie que lui, c’est-à-dire ceux vivant dans la précarité permanente, entassés dans des bidonvilles insalubres, sans travail, sans électricité, sans un repas chaud par jour et naturellement sans aucun accès à un programme sanitaire. Autrement dit, ceux qui sont totalement privés des moyens nécessaires pour participer à la vie sociale du pays. Au lieu de réfléchir à des solutions durables et efficaces pour donner quelques opportunités aux masses qui ne demandent pas de l’or, la propagande actuelle des classes dirigeantes pour dissimuler la vérité consiste à utiliser les groupes armés comme bouc émissaire.
La tragédie en cours ne peut pas être simplement imputée aux seules actions des gangs. Non, mille fois non ! L’État haïtien porte une lourde part de responsabilités et ses représentants au sein de l’appareil administratif et politique sont les catalyseurs de cette dégradation scandaleuse et criminelle. Personne ne peut croire que les groupes armés sont les principaux responsables de la descente aux enfers du pays, voire qu’ils sont même les véritables ennemis du peuple.
Si les dirigeants haïtiens n’ont pas le courage politique et la probité intellectuelle de reconnaître que c’est l’absence ou la faiblesse de l’État qui a permis le développement du banditisme et provoque en même temps ce chaos généralisé, on peut dire, que Haïti est condamné à vivre encore longtemps ce phénomène et à se retrouver dans une impasse inexpugnable. Pire, selon eux, pour résoudre cette crise structurelle, nous n’avons rien d’autre à faire que de nous livrer à une confrontation armée. Il est probable que c’est sur cette analyse biaisée, cousue de fil blanc, que s’appuient les membres du triumvirat vautour néolibéral que sont : les Etats-Unis, la France et le Canada pour faire avancer leurs propres projets à l’encontre des aspirations du peuple.
Au fait, quels sont les objectifs sinon les perspectives de sortie de crise et du développement durable du pays ? Personne ne le sait. Il se pourrait qu’il n’y ait aucun programme, aucune feuille de route allant vers ce changement afin que la pauvreté et la misère ne deviennent de lointains souvenirs. C’est un exécutif sans ambition, sans aucun dossier clé et surtout sans aucun projet clair, en tout cas, autre que de piller les caisses publiques de l’Etat et de faire la guerre contre ses propres victimes. D’ailleurs, qui se soucie du sort du peuple haïtien, de son avenir, de sa sérénité ? Certainement pas des dirigeants haïtiens actuels qui ne se contentent de solliciter auprès de leurs tuteurs que des armes lourdes et des soldats étrangers pour entretenir une guerre pouvant être évitée.
L’urgence du moment c’est ce que le Conseiller Fritz Alphonse Jean avait prévu de lui octroyer « un budget de guerre ». Tout comme son collègue Conseiller Leslie Voltaire qui, dans la même rhétorique s’exclamait : « à la guerre comme à la guerre » comme moyen de résoudre ce problème crucial. « On ne fait pas la guerre pour se débarrasser de la guerre » nous enseigne Jean Jaurès. La guerre ne peut apporter aucune solution à une crise multidimensionnelle.
De telles réflexions ou réactions ne viennent que d’apprentis sorciers et d’ignorants en gestion de crise politique et sociale ne voyant pas plus loin que le bout de leur nez. Les habitants des quartiers pauvres ou huppés du pays devraient pouvoir vivre en paix dans une société exempte de massacres, d’enlèvements contre rançon, d’expulsions arbitraires et de discriminations, le tout garanti par un État qui reconnaît l’égalité des droits de tous sans distinction. Au lieu de réfléchir aux moyens de trouver des solutions à l’instabilité politique et institutionnelle ou à l’insécurité socio-économique, ces dirigeants veulent faire la guerre à une population exploitée, affamée, revendiquant le bien-être pour tous.
Au lieu de faire la guerre à la misère, cherchant à résoudre les problèmes d’emploi pour tenter de réduire le taux d’inflation à un niveau raisonnable, tout en organisant la lutte contre la cherté de la vie et le droit au logement à la population la plus pauvre, ces réactionnaires font tout ce qu’ils peuvent pour renforcer leur arsenal de guerre que ce soit en armes, en munitions et en hommes. Alors qu’ils auraient pu se doter en matériels agricoles pouvant nous aider à relancer notre production nationale. Le montant alloué aux frais de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité (MMAS) suffirait presque à remédier aux problèmes économiques et sécuritaires du pays si on voulait vraiment les résoudre. A quoi serviront ces policiers du Kenya, du Guatemala et d’autres, quand les gens ont faim et vivent dans un chômage récurrent sans perspectives d’avenir.
A quoi serviront ces armes et munitions quand le gouvernement n’a jamais pensé à soutenir les paysans pauvres de la Plaine de Maribaroux et le reste de la population en général ? Le budget de guerre demandé n’est pas pour faire la guerre à l’insalubrité, aux divers maux dont souffrent nos compatriotes vivant au milieu de la crasse, mais surtout pour le dilapider, certainement comme le fonds de Renseignement, tout en laissant la population dans le désarroi.
Le pays dispose des moyens nécessaires pour planifier son avenir mais malheureusement, le manque d’ambition, d’initiative et de capacité des dirigeants valets de l’impérialisme ont tout détruit. Il n’y a pas un discours sérieux et novateur visant à révolutionner la conscience de l’homme haïtien en vue de sa libération effective de toutes les formes d’exploitation néo-colonialiste. Les classes dirigeantes sont incapables de forger au nom du collectif haïtien quelque chose d’innovant. En un sens, incapables de penser un projet de société pour les besoins et les justes causes de la population.
D’une manière ou d’une autre, la seule solution d’urgence pour le moment qui puisse mettre un terme à cette situation désastreuse c’est d’arrêter le bras meurtrier des membres du Conseil Présidentiel de Transition. Le pays n’a pas besoin de ces régimes malades, antipopulaires, encouragés par la politique impérialiste dirigée par l’axe Washington, Paris, Ottawa. Pour que cette inutilité, cette barbarie politique cesse, il faut combattre les ennemis qui sont à la tête du pays. Ces ennemis ce sont cet exécutif à neuf têtes de concert, le gouvernement et le système produisant cet État failli, ainsi que tous ceux qui soutiennent leur politique destructrice !
La barbarie doit cesser, telle est l’urgence du moment !