Haïti : l’union européenne, entre déni et mauvaise foi

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Josep Borrel, haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, est vice-président de la Commission européenne pour une Europe plus forte dans le monde.

Dans le prolongement de la campagne internationale Stop silence Haïti, quatre eurodéputés Verts avaient interpellé l’Union européenne. Celle-ci vient de répondre. Une réponse à côté ; à côté des questions et, surtout, loin du peuple haïtien.

 

Le 27 janvier 2021, quatre eurodéputés du groupe des Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE), les Français Marie Toussaint, Salima Yenbou, Mounir Satouri, et l’Allemande, Pierrette Herzberger-Fofana, rompirent le silence assourdissant du parlement européen. Dans le prolongement de la campagne internationale Stop silence Haïti, signée par une centaine d’organisations haïtiennes, européennes, canadiennes et africaines, ils interpellèrent l’Union européenne (UE) sur la situation politique en Haïti et la fin du mandat présidentiel de Jovenel Moïse [1].

Le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, y a officiellement répondu le 19 avril [2]. Si tant est qu’on puisse appeler une « réponse » ces trois paragraphes.

Josep Borrel, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, est vice-président de la Commission européenne pour une Europe plus forte dans le monde.

Le premier point, sur le changement de constitution est un « copier-coller » du positionnement du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) : « La majorité des Haïtiens réclament une réforme de la constitution actuelle, considérée comme non adaptée à la situation dans le pays. L’UE estime que, en période de vide institutionnel, un tel processus devrait être inclusif et faire l’objet de débats approfondis avec l’opposition et la société civile ».

Pierrette Herzberger-Fofana

La fiction d’une « majorité des Haïtiens », mise en scène dans deux sondages, dont on ne connait pas les commanditaires, pèse donc plus lourd que les innombrables prises de position des acteurs et actrices de la société civile, et les milliers de Haïtiens et Haïtiennes qui, à de multiples reprises, ont manifesté leur rejet de ce référendum constitutionnel et de Jovenel Moïse.

Mounir Satouri

Il est fort à parier que ce que réclame la majorité de la population, ce n’est pas une réforme de la constitution, mais de vivre libre et dignement. Et la corruption, l’impunité, l’insécurité, la pauvreté, l’asservissement ne sont pas un problème constitutionnel, mais un problème du pouvoir ; le pouvoir de Jovenel Moïse, soutenu par l’international.

La deuxième question portait sur les politiques, passées et à venir, de l’UE pour répondre aux mobilisations du peuple haïtien et « au glissement démocratique en cours dans le pays, initié par son président Jovenel Moïse, dont le mandat prend fin ce 7 février ». La réponse est révélatrice du déni et de l’impuissance – et de la puissance du déni – de l’Europe. « En juin 2020, la délégation de l’UE a publié un communiqué appelant à un dialogue inclusif entre toutes les forces politiques de Haïti afin de trouver un accord sur les conditions nécessaires à l’organisation d’élections libres, crédibles et démocratiques, dans un cadre constitutionnel et législatif renouvelé, qui réponde aux aspirations du peuple haïtien. La délégation s’est également déclarée vivement préoccupée par le fait que la recrudescence de la violence dans le pays pourrait réduire à néant tout effort en ce sens. L’UE entretient des dialogues réguliers à différents niveaux avec le gouvernement haïtien au sujet de la grave détérioration de la situation des droits de l’homme dans le pays et de la nécessité urgente de mettre en œuvre des réformes socio-économiques et électorales de base ».

Marie Toussaint

Ainsi, l’UE ne réagit pas au fait que le mandat présidentiel de Jovenel Moïse est terminé depuis le 7 février 2021 ; ce qui revient à le soutenir. De plus, les « actions » mises en avant – appels, déclarations, préoccupations et dialogues – sont autant de marqueurs de l’échec de la diplomatie européenne. À la question, qu’avez-vous fait et que comptez-vous faire, l’UE répond donc : nous avons échoué et nous continuerons d’échouer.

À l’heure où le pays s’enfonce dans une crise sans fin et où la population n’en peut plus, alors que le sort des religieux enlevés, dont deux Français, ressortissants européens, est préoccupant, l’UE entérine son soutien à l’agenda référendaire et électoral d’un président illégal et illégitime, premier responsable de la situation actuelle.

La réponse de Josep Borrel est à joindre au dossier de l’UE. Un jour – et nous ferons tout pour que ce jour soit prochain –, celle-ci aura des comptes à rendre ; sur ce qu’elle a fait et laissé faire, sur sa responsabilité dans la stratégie du pourrissement orchestrée par Jovenel Moïse.

 

Notes

 [1] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2021-000488_FR.html. Nous n’aborderons que les deux premières questions qui concernent la situation actuelle, laissant de côté la troisième, à propos de l’aide européenne depuis le séisme de 2010.

[2] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-9-2021-000488-ASW_FR.pdf

 

Cetri 26 avril 2021

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