7 février 2021, retour sur un vrai-faux coup d’Etat !

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Yvickel Dabrésil

Comme il y a trente ans (1991-2004-2021), on a constaté que dans cet affrontement entre Jovenel Moïse et l’opposition, même les gens qu’on croyait lucides, ayant une capacité d’analyse et de compréhension se laissent manipuler ou font le jeu des uns et des autres sans tenter de se mettre à la hauteur du mal haïtien. Or on doit pouvoir continuer à rechercher la vérité en dépit du fait que la société haïtienne, depuis la période des années 90, demeure morcelée et très fragmentée dès qu’on aborde un débat relatif à la politique. Ce comportement, aujourd’hui on en est plus que certain, est l’une des causes non pas de nos malheurs, comme disait jadis Louis-Joseph Janvier, mais les causes de nos échecs. Personne ne veut connaitre la vérité. Personne ne veut assumer ses responsabilités sans être partisan ou soutien d’un camp ou de l’autre. Par peur d’être taxé de « pour ou contre », la réflexion intellectuelle ne peut être annihilée juste pour faire plaisir très souvent à une minorité. C’est exactement ce qui s’était passé avec le Mouvement Lavalas de Jean-Bertrand Aristide. 

Sans chercher à comprendre, tout le monde se disait opposant et rentrait dans la « résistance » contre la dictature sans savoir de quoi l’on parlait et pourquoi. Résultat, Haïti et le peuple haïtien dont tous les Secteurs organisés semblent si proches, si soucieux  de défendre deviennent la risée du monde et le statu quo se poursuit. Le 7 février 2021, le régime PHTK annonce avec force et détermination qu’il vient de faire échec à un « coup d’Etat » et de mettre aux arrêts plus d’une vingtaine de personnes qui appartiendraient ou seraient proches de l’opposition qui veut le renverser coûte que coûte. Dès cette annonce qui a été faite par le Président Jovenel Moïse sur le tarmac de l’aéroport de Port-au-Prince avant de s’envoler vers la ville balnéaire de Jacmel pour l’ouverture des festivités carnavalesques de cette région, sur la toile, dans les médias, tout le monde, et surtout ce qui est plus malheureux dans l’affaire, ceux ayant plus de capacité pour se retenir, s’enflamment sur le dossier. On parle de coup monté. Mise en scène. Théâtre. On réclame la libération des prisonniers politiques. 

Joseph Mécène Jean-Louis

On parle d’attaque contre l’opposition. Dictature, etc. Rares sont des gens qui ont essayé de savoir ce qui s’est réellement passé. Qui sont les personnes trouvées sur place ? Leur statut et leur rang dans la société, etc. ? Inutile de savoir qui ils étaient puisqu’ils font tous partie de l’opposition et ils viennent d’être embastillés par le pouvoir. Cela ne vous rappelle rien ? Cela ne vous rappelle pas la période de février 2001 à février 2004 ? Certains historiens et observateurs politiques de bonne foi, oui. C’était la période où il fallait par tous les moyens détruire ou renverser le pouvoir Lavalas et ce, quelle que soit la méthode employée et utilisée. Guy Philippe et son armée étaient aux portes de la capitale prêts à donner l’assaut au Palais national après avoir incendié un grand nombre de Commissariats de police du pays. Le pouvoir d’alors ne devait et n’avait rien tenté pour se défendre par peur de tomber sous un flot de critiques les unes plus ridicules que les autres. 

Aujourd’hui, on reprend les mêmes techniques et l’on recommence de la même manière. Wè pa wè fò l ale.  Après on verra. Et on parle toujours de changer le pays… et tutti quanti.  Le problème n’est pas une question de « pour ou contre » le Président Jovenel Moïse en 2021 ou 2022 comme il en a été pour le Président Jean-Bertrand Aristide. On veut seulement comprendre quels sont les objectifs et les motifs. Si en vertu de tel ou tel article de la Constitution de 1987 amendée le Président Jovenel Moïse doit quitter le pouvoir, il faut qu’il assume. Qu’il exécute. Mais, on doit pouvoir se questionner sur le rôle de l’individu dans la société quand celui qui est placé pour nous éclairer tente sciemment de nous prendre tous pour des imbéciles. Dans cette histoire de tentative de « coup d’Etat » contre Jovenel Moïse, on l’a dit, la présentation des faits est grossière et grotesque pour les deux parties. C’est une évidence. Mais nous voulons qu’on nous explique ce que faisait un juge de la Cour de cassation à 2 heures du matin dans une « simple » réunion politique avec des membres d’une opposition vent débout depuis 4 ans déclarant ne pas reconnaître le pouvoir en place. 

On dit que le long discours de huit (8) pages trouvé sur place a été rédigé par le pouvoir. Soit ! Mais comment le pouvoir a-t-il su que c’est Me Yvickel Dabrésil qui allait être choisi ce soir-là pour lui endosser cette adresse à la nation ? Alors que trois membres de la plus haute instance judiciaire (Me Wendell Coq Thélot, Me Joseph Mécène Jean-Louis et Me Yvickel Dabrésil) étaient en lice pour que l’un soit désigné par l’opposition comme Président de la Transition. En tant que juge à la Cour de cassation, le juge Yvickel Dabrésil a-t-il le droit de participer à la délibération d’un regroupement d’opposants politiques à l’élection clandestine d’un nouveau chef du Pouvoir exécutif ? Le statut de ce magistrat l’autorise-t-il à être membre d’un Parti politique ? On pourra continuer à l’infini avec ce genre de questionnement sur la présence de ce haut magistrat dans cette assemblée partisane au cœur de sa résidence. Mais, il semble que le mélange des genres ne dit rien à personne en Haïti. Tout au moins quand cela les arrange. Pour tous les bien-pensants de ce pays, c’est tout à fait normal qu’un juge de la Cour de cassation assiste, débat, discute en toute quiétude dans le secret de la nuit de l’avenir du pouvoir exécutif. 

D’où, naturellement, l’appel à sa libération immédiate. Puisque, selon justement son statut de membre de la Cour de cassation, il ne peut être jugé que par la Haute cour de justice de la République qui, comme par hasard, ne peut être mise en branle à cause du dysfonctionnement du Parlement. Rien que dans la demande de la libération du magistrat, on trouve une contradiction flagrante et une incohérence de la part de ces censeurs dans la mesure où eux-mêmes reconnaissent, compte tenu du statut de ce haut magistrat, qu’il ne peut être traduit devant un simple juge. D’ailleurs, après avoir été gardé à vue dans les locaux de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), ensuite à la prison de la Croix-des-Bouquets, le magistrat a été libéré 4 jours plus tard (jeudi 11) par le juge Yvelt Petit-Blanc du Tribunal de Première instance de la juridiction de la Croix-des-Bouquets. 

Alors, est-ce pourquoi cet homme bien imbu des conséquences qu’il encourait, avait décidé, en toute connaissance de cause, d’organiser en sa résidence accompagné de trois (3) de ses cousins : Renard Dabrésil, Roosevelt Cinéus et Romain Dabrésil plus son chauffeur Fritznet Saint Cyre et son Agent de sécurité, Steven Hérard, une réunion pour se faire désigner Président de la République en parfaite violation des règlements qui définissent ses droits et devoirs en tant que membre de la Cour de cassation ? Pourquoi ce qui est possible à l’étranger ne peut l’être en Haïti ? Ce haut magistrat n’est pas un simple citoyen. Il le sait. Le juge Yvickel Dabrésil sait mieux que quiconque la neutralité que lui impose sa fonction, surtout en Haïti où l’on ne cesse de réclamer l’indépendance du Pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir politique et particulièrement du Pouvoir exécutif. Tous ceux qui parlent de persécution politique pour l’arrestation du juge Yvickel Dabrésil et l’humiliation ou une attaque contre la Cour de cassation savent pertinemment qu’ils sont dans le déni de la vérité. La Cour de cassation n’a rien à voir avec l’affaire. 

Cette affaire ne concerne que l’honorable juge Dabrésil, haut dignitaire du pouvoir judiciaire, qui a outrepassé son rôle de grand magistrat pour tomber dans le ridicule à la recherche d’un autre titre. Il n’était pas au mauvais moment et au mauvais endroit. Entretemps, tous les autres coaccusés dans l’affaire ont été libérés le vendredi 26 mars 2021 suite à une décision de la Cour d’appel de Port-au-Prince prononcée en leur faveur le mercredi 24 mars par les juges Yves Altidor, Gabriel Dominique Pierre et Jacques Hermont Constant. Le cas de Me Yvickel Dabrésil impose, d’ailleurs, une autre question. Qu’est-ce que c’est cette histoire de juges de la Cour de cassation qui ne cessent de faire campagne à travers le pays et même à l’étranger pour devenir Président provisoire de la République? Me Jean Wilner Morin, Président de l’Association Nationale des Magistrats Haïtiens (ANAMAH) qui a dénoncé, lors d’une Conférence de presse le vendredi 12 février au nom de la Corporation, le caractère illégal de l’arrestation mais aussi salué la libération de Me Dabrésil, tient tout de même à rappeler à l’ensemble des membres du Pouvoir judiciaire ceci : « Nous avons des devoirs de réserve : un magistrat n’est pas un leader politique, un magistrat n’est pas un militant politique. » 

Wendell Coq Thélot

Ses propos visent aussi plus directement les autres juges de la Cour de cassation dont les noms s’associent à l’opposition. En effet, depuis des années, il y a le cas de Me Wendell Coq Thélot qui était toujours pressentie par l’opposition pour succéder provisoirement à Jovenel Moïse. Cette juge de la Cour de cassation ne s’en cache pas. Elle veut le pouvoir et elle le fait savoir à la terre entière au mépris de son statut de magistrat de haut rang et de la neutralité que requiert sa fonction en tant que membre de la plus haute juridiction du pays. Certes, ce n’est nullement une raison ni pour les pourchasser ni pour les persécuter politiquement encore moins de les poursuivre devant la justice. Mais, tout de même, comme disait Me Samuel Madistin, il y a une question d’éthique. Aucun juge de la Cour de cassation n’a à faire de lobbying auprès des partis politiques ou des instances internationales pour être désigné Président de la République. 

Surtout que la Constitution de 1987 amendée prévoit le chemin pour y parvenir et de toute façon cela passera forcément par un de ces juges. Raison de plus pour eux de garder leur neutralité et de laisser les politiques régler leur compte jusqu’au moment où ils doivent faire appel à un de ces juges pour remplacer le chef de l’Etat dans les conditions prévues par la Constitution. Bien sûr pas comme le pays l’avait assisté éberlué le 7 février 2021 avec la nomination par surprise et dans le plus grand secret au clair de lune de Me Joseph Mécène Jean-Louis comme Président de la Transition. En effet, dans une courte déclaration sur les réseaux sociaux, ce juge, le plus ancien de la Cour de cassation, dit avoir accepté, sans hésiter, l’offre de l’opposition pour devenir Président de la Transition et de la rupture. Mais, jusqu’à l’heure, personne ne sait dans quelle condition ce choix a été fait ni comment l’opposition compte l’installer au Palais national et surtout quand. (A suivre)

 

C.C

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