Conseil Présidentiel, de la création au scandale de corruption !

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De gauche à droite les Conseillers-Président Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire et Louis Gérald Gilles

(4ème partie)

 

Compte tenu la mauvaise performance du Conseil Présidentiel de Transition et le non-respect de l’Accord du 3 avril, mais surtout de la perte de crédit des dirigeants de la Transition par rapport au scandale de corruption de la Banque Nationale de Crédit (BNC) dans lequel sont impliqués trois Conseillers-Présidentiel, les Parties prenantes ont une nouvelle fois fait appel à la CARICOM. La semaine dernière, en effet, l’organisation interrégionale a dû organiser en visio-conférence une rencontre avec l’ensemble des acteurs politiques haïtiens en vue de trouver une solution. Une rencontre durant laquelle la quasi-totalité des Parties prenantes a demandé à la CARICOM de pousser vers la sortie les trois mis en cause qui continuent de faire de la résistance au sein du CPT mettant en péril l’existence même de cette structure politique collégiale. C’est aussi l’occasion pour nous de reprendre la suite de cette chronique consacrée à ce scandale hors norme dont les répercussions restent à venir.  

Une semaine après la publication du Rapport de la mission des envoyés de la Communauté caribéenne à Port-au-Prince, soit le 27 août, donc le jour même de l’audition de Louis Gérald Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin, une nouvelle rencontre avait été organisée par visio-conférence, mais séparément, entre les Éminentes Personnalités de la CARICOM et les plateformes des organisations politiques, Secteurs et autres Parties prenantes du CPT, c’est-à-dire tous ceux ayant contribué à nommer les trois personnalités nommément citées par l’ancien PDG de la BNC. Cette convocation de la CARICOM du mardi 27 août 2024 avait un but précis : connaître clairement la position de chaque partie concernée par ce dossier de corruption et dire ce que les autorités de la Communauté caribéenne attendent des acteurs haïtiens. C’est une forme de pression que Washington, à travers les dirigeants antillais, voulait mettre sur ces Parties prenantes afin qu’elles décident du sort de leurs membres au CPT. Me André Michel, ex-avocat du peuple, soutien inconditionnel de l’ancien chef du gouvernement intérimaire, Ariel Henry, et signataire de l’Accord du 21 décembre, avait très bien résumé la position de la CARICOM lors de cette rencontre.

Interrogé par la presse après la réunion, André Michel ne s’en cachait pas ce 27 août 2024 « C’est surtout l’impact de ce scandale sur le processus transitionnel en cours qui a fait la toile de fond de la rencontre. C’était une rencontre pour analyser les préoccupations des uns et des autres et envisager les possibles perspectives. Je ne peux pas vous transmettre la position de la CARICOM. Personnellement, je pense que toutes les Parties prenantes doivent assumer leurs responsabilités pour sauver le processus politique en cours, et ceci, au-delà des petits calculs partisans ». En d’autres termes, André Michel a lâché Louis Gérald Gilles qui, il faut le signaler, depuis le début du processus de la création du CPT, n’avait pas vraiment son soutien. On le sait, il avait ses propres candidats. Dans cette quête de clarification et la pression que supportent les regroupements politiques et les acteurs incriminés, les dirigeants de l’Accord du 21 décembre semblent se faire une raison.

A un moment, il faudra « virer » Louis Gérald Gilles du Palais national ou de la Villa d’Accueil s’ils ne veulent pas tout perdre. La position d’un autre dirigeant de l’Accord du 21 décembre, Pascal Adrien, n’est pas trop éloignée de celle du dirigeant du SDP (Secteur Démocratique et Populaire) bien qu’exprimée avec des nuances. Pour Pascal Adrien, s’il faut sacrifier Gilles pour sauver la Transition pourquoi pas. Faisant partie de la délégation de l’Accord du 21 décembre qui a discuté en distanciel avec le Groupe des Éminentes Personnalités de la CARICOM, il explique « Si on essaie de comprendre le message de la délégation de la CARICOM, il suggèrerait d’écarter provisoirement les trois Conseillers-Présidentiel indexés en attendant que la lumière soit faite sur le dossier…

Mais, ce n’est pas une injonction. Cela ne pourrait pas être une injonction non plus. Nous autres au niveau de l’Accord du 21 décembre, nous croyons qu’il faut sauver l’intégrité de la Transition. Mais il faut attendre d’abord la conclusion de l’enquête de l’ULCC. L’Accord du 21 décembre conditionne son ultime décision à la publication des conclusions du Rapport d’enquête de l’ULCC. Si cette enquête, dans sa conclusion, établit la culpabilité de son Conseiller-Président, le secteur-mandant qu’est le 21 décembre invoquera l’article 33 du décret du 27 mai 2024 déterminant l’organisation et le mode de fonctionnement du Conseil Présidentiel de Transition ». D’autre part, l’audition des ces Conseillers avait donné lieu à plusieurs interventions dans les médias de plusieurs Secteurs et organismes de la Société civile, entre autres RNDDH de Pierre Espérance.

Le mercredi 28 août 2024, c’est-à-dire le lendemain du passage des Conseillers-Président Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire et Louis Gérald Gilles au cabinet d’enquête de l’ULCC, en effet, le Directeur du Réseau National de Défense des Droits de Humains, Pierre Espérance qui, il faut le dire, n’a pas bonne presse dans certains secteurs du pays, était l’invité de l’émission panel Magik sur Magik9 en vue de dire sa compréhension du scandale de corruption qui éclabousse les trois membres du CPT. Comme de coutume, Pierre Espérance n’a pas été de langue morte. C’est ce qu’il avait oublié ou qu’il n’a pas su qu’il n’a pas déballé en direct sur cette radio ce jour-là. Si le patron incontesté mais non contestable du RNDDH a dit tout ce qu’il sait sur les trois accusés, c’est sur Louis Gérald Gilles et Smith Augustin qu’il avait concentré toutes ses flèches. A propos du Conseiller-Président Smith Augustin, lors de cet entretien, Pierre Espérance a déclaré « En ce qui concerne M. Augustin, il ne suffit pas d’accuser des Secteurs soi-disant qui ne voulaient pas de EDE au Conseil.

Il vaut mieux que vous apportiez des preuves pour démontrer votre innocence » en réponse certainement à Claude Joseph, le chef du parti EDE qui, dans un premier temps, s’en prenait à certains Secteurs qui auraient été opposés à l’accession de Smith Augustin à la tête du CPT. Mais, la charge, en vérité, était réservée surtout au représentant de l’Accord du 21 décembre au Conseil Présidentiel de Transition, qui en a pris pour son rang vu le volume d’accusations qu’il a reçu ce 28 août 2024 sur Magik9 de la part de ce responsable d’une organisation de défense des droits humains qui se disait, d’ailleurs, être à la disposition de l’ULCC afin de partager les informations qu’il détient sur Louis Gérald Gilles qui, selon lui, est impliqué dans des corruptions à grande échelle. Juste un court extrait de la déclaration de Pierre Espérance ce jour-là peut donner une idée de ce qu’il prétend connaître sur l’un des représentants du Pouvoir exécutif de Transition. « Le Conseiller Louis Gérald Gilles est impliqué dans plusieurs cas de corruption. En plus de l’affaire BNC, le Dr Louis Gérald Gilles est impliqué dans plusieurs autres dossiers de corruption.

Il a un homme de confiance dénommé Hermann Nelson, qui vit chez lui depuis mai, qui est chargé de soutirer de fortes sommes d’argent aux Directeurs des administrations autonomes de l’État pour qu’ils gardent leurs postes. Hermann Nelson a déjà reçu beaucoup d’argent pour le compte du Conseiller Gilles. Le Conseiller Gilles a tellement sali l’image du CPT que je ne vois pas comment il peut rester au Conseil » disait-il. Face à la montée des accusations et la pression de l’opinion publique, les six autres membres du Conseil ont tenté d’écarter ceux dont les noms sont donnés en pâture. Mais, un problème s’est posé à eux, la question de la « majorité qualifiée de 5 sur 7 » au Conseil. Impossible donc d’obtenir une majorité. Chaque fois qu’une réunion se tient, les trois concernés s’opposent tout simplement à ce qu’une majorité se dégage. En clair, les trois membres du Conseil refusent de joindre leurs voix à celles des autres afin de constituer cette majorité introuvable. En fait, Emmanuel Vertilaire, Smith Augustin et Louis Gérald Gilles n’entendent pas faire hara kiri, se suicider afin de débloquer la Transition qui pourtant, à cause d’eux, est franchement en standby, en mode attente, c’est-à-dire dépendant uniquement de la volonté des trois mis en cause.

Le 30 août 2024, une tentative de sortir par le haut a été initiée mais devant le refus des concernés de prendre part au vote, la réunion s’est terminée en queue de poisson puisque qu’aucune majorité n’ait pu être dégagée, tandis qu’ils s’opposent avec foi et conviction à toute forme de Résolution dans laquelle le CPT préconise leur mise à l’écart provisoire. Résultat, les trois Conseillers-Président continuent d’agir comme s’ils n’avaient rien à se reprocher, une sorte de prise en otage de cette aile de l’Exécutif bicéphale. Néanmoins, les quatre autres Conseillers, au nom du Conseil Présidentiel de Transition, ont tout de même pris une petite « Résolution » sans l’aval des trois téméraires et sans effet non plus sur leurs activités, démarches et déplacement officiels, bref sur leur fonctionnement. Ce document se lit ainsi« Le pays traverse depuis quelque temps une crise multidimensionnelle à laquelle le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) est appelé à y apporter les réponses adéquates. Cependant, les allégations de corruption contre trois (3) membres du Conseil affectent l’image et la crédibilité de tout le CPT. Plusieurs secteurs, tant de la vie nationale qu’internationale, ont ouvertement manifesté leurs préoccupations et attendent une prise de position formelle du Conseil sur cette question.

Face à cette délicate situation, les membres du CPT se sont réunis et ont décidé : I. Les quatre (4) autres membres votant vont travailler pour faire la lumière sur ce qui s’est passé avec l’appui d’un Conseiller technique. II. Les Conseillers-Président avec droit de vote s’engagent à remettre en question les dispositions de la Résolution du 7 mai 2024 relative à la prise des grandes décisions, concernant la participation des Conseillers Smith AUGUSTIN et Louis Gérald GILLES dans la présidence tournante.  En attendant les résultats de l’enquête de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), les décisions et mesures conservatoires prises par le CPT restent et demeurent en vigueur. » Après cette énième tentative de trouver une solution à l’amiable et surtout de convaincre le trio à s’auto-écarter, c’est-à-dire de se mettre volontairement en « indisponibilité pour la République », un membre du CPT qui retient l’anonymat s’est entretenu avec le quotidien Le Nouvelliste et disait regretter le manque de sagesse et de coopération de la part de ces Conseillers-Président.

Il fait remarquer que « Des secteurs ont demandé au Conseil Présidentiel de prendre des mesures conservatoires contre les trois Conseillers accusés. Le sujet a été abordé en Conseil et est toujours en discussion. Il devrait y avoir la formation d’une Commission d’enquête, ensuite des mesures conservatoires en attendant. Mais, avant tout cela, le CPT devrait prendre une résolution. Ces mesures conservatoires seraient profitables aux Conseillers accusés qui auraient la possibilité de sortir sous les feux des projecteurs, mais ils ne l’ont pas compris de cette façon. Or, il serait plus sage que les trois Conseillers indexés prennent eux-mêmes la décision de s’écarter momentanément. Des acteurs de la Communauté internationale nous ont dit que les conséquences de cette situation peuvent être considérables pour le CPT. » C’est dans ce contexte que l’un des principaux artisans de la création du CPT, le Secrétaire d’État américain Antony Blinken allait débarquer en Haïti au début du mois de septembre afin de comprendre ce qui se passe au sein de cette structure étatique.

La situation parait si grave que c’est la première fois en presqu’une décennie qu’un ministre des Affaires Etrangères des Etats-Unis d’Amérique (Secrétaire d’Etat) décide de venir à Port-au-Prince. La dernière fois que la capitale haïtienne a eu la visite du chef de la diplomatie américaine remontait à 2015, c’est dire combien le dossier du CPT inquiète au plus haut point à Washington. Juste avant l’arrivée du Secrétaire d’État des Etats-Unis à Port-au-Prince, un porte-parole du Département d’État, Matthew Miller, devait expliquer que « Antony Blinken rencontrera à l’Ambassade des États-Unis, à Port-au-Prince, Edgard Leblanc Fils, le Président du Conseil de Transition, et le Premier Ministre Garry Conille pour discuter des prochaines étapes de la Transition et du soutien américain au peuple haïtien à travers l’aide humanitaire et les efforts de stabilisation dirigés par la PNH avec le soutien de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS).

Le Secrétaire d’État américain, Blinken, rencontrera également le Commandement de la MMSS en mettant en avant le soutien américain pour rétablir la sécurité en Haïti tout en soulignant l’importance de promouvoir le respect des droits humains ». Antony Blinken était arrivé à Port-au-Prince le jeudi 5 septembre 2024, pour une courte, très courte visite de quelques heures, le temps suffisant pour lui de se faire expliquer ce qui ne va pas dans le Pré-carré américain des Caraïbes. D’ailleurs, l’américain n’a même pas pris la peine ou eu la décence de se rendre à aucun bureau ou institution symbolisant la République d’Haïti ou un État souverain. Pas un saut au Palais national au Champ de Mars où siège la présidence haïtienne pour rencontrer le Président du CPT et ses 8 collègues du Conseil.

Pas non plus une petite visite de courtoisie au Premier ministre à la Villa d’Accueil où siège provisoirement le gouvernement à Musseau. Antony Blinken s’est contenté de convoquer tout le monde, mais vraiment tout le monde, à l’ambassade des Etats-Unis à Tabarre, une banlieue de Port-au-Prince et à la résidence de l’ambassadeur à Bourdon à un jet de pierre de la Villa d’Accueil servant à la fois de siège provisoire de la Primature et de la présidence d’Haïti pour dire ce qu’il avait à dire aux autorités haïtiennes et aux acteurs politiques à propos de la seconde Transition post-Jovenel Moïse qui piétine et patine et surtout pour faire entendre sa voix sur le dossier des 3 Conseillers-Président mouillés dans le scandale de 100 millions de gourdes. En effet, du Président du CPT, Edgard Leblanc Fils, au chef du Gouvernement, Garry Conille à l’ensemble des secteurs des Parties prenantes, de la Société civile, Secteur économique, bref les élites dirigeantes, tous ont défilé à la queuleuleu soit à Tabarre à la représentation diplomatique soit au salon de l’ambassadeur Dennis B. Hankins pour aller expliquer au patron ce qui n’allait pas au sein du pouvoir et de la République.

Après avoir rencontré séparément le Premier ministre et le Président du Conseil Présidentiel, Antony Blinken a rencontré en même temps à l’ambassade américaine, neuf responsables d’organisations politiques. Magalie Comeau Denis pour l’Accord de Montana, Maryse Narcisse et Joël Vorbe pour le parti Fanmi Lavalas, André Michel et Pascal Adrien pour l’Accord du 21 décembre, Jerry Tardieu pour le parti En Avant, Clarens Renois pour la plateforme Collectif 30 janvier, Jean-Charles Moïse pour le parti Pitit Desalin et Claude Joseph pour le parti EDE. A la suite de cette rencontre, Me André Michel, au nom de l’Accord du 21 décembre, a résumé pour la presse ce dont son organisation a discuté avec l’envoyé de l’Oncle Sam « Nous avons exprimé nos préoccupations sur le scandale de corruption de la BNC qui risque de plomber l’ensemble du processus politique.

Nous avons demandé aux autorités américaines de continuer à supporter la PNH et la MMAS dans leur tâche essentielle de pacifier le pays. Enfin, nous avons demandé au Secrétaire d’État américain de tout faire pour faciliter le retour en Haïti de l’ancien Premier ministre Ariel Henry, un homme d’État qui a servi son pays dans un contexte difficile. » Par ailleurs, le même André Michel en a profité pour annoncer que ce jeudi 5 septembre 2024, il y a eu une autre rencontre par visio-Conférence avec le Groupe des Éminentes Personnalités de la Communauté des Caraïbes (GEP) dans le cadre du scandale de corruption concernant les trois membres du CPT. « Une délégation de l’Accord du 21 décembre a rencontré ce jeudi la CARICOM pendant plus d’une heure. À cette rencontre, la délégation de l’Accord du 21 décembre a accepté le principe de la mise à l’écart provisoire de Louis Gérald Gilles pour le remplacer en attendant les résultats de l’enquête » (A suivre)

 

 

C.C

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