Seulement vingt-deux jours après la mort de sa compagne Annette Auguste dite ‘’Sò Anne’’, le musicien Tido Lavaux communément appelé, vient de décéder vendredi dernier 8 Mai à l’Hôpital de L’OFATMA de Port-au-Prince ; suite à des complications de diabètes et d’hypertension. Nous gratifions notre révérence à sa famille et ses frères musiciens affectés par cette perte.
Tido pour sa part s’est révélé l’un des premiers adeptes du mouvement fusion qui a fait boule de neige au pays à la fin des années soixante-dix. Bref, après des études secondaires au lycée Jean Jacques Dessalines, il a décidé de prendre part au groupe d’études du master Denis Emile. Lequel est en pleine élaboration du genre qui allait déboucher sur la montée de la musique rasin. Et dont Wilfrid Lavaud va être l’un des premiers adhérents, en se consacrant à la guitare, laquelle il va être désigné comme l’un des experts du processus ; tout en cultivant aussi les percussions. La suite, c’est la formation du groupe « Sa » qui a constitué un ballon d’essai pour la continuité de cette insurrection musicale ; dans laquelle Tido a su entre-temps bien se faire des idées, pour en devenir l’un des fers de lance.
Wilfrid Lavaud demeure surtout un homme de cordes tout en flair.
A la phase subséquente, c’est la création du groupe « Foula » qui va constituer une étape supplémentaire pour Wilfrid, qui cette fois-ci s’est associé à Chico Boyer, Jean Raymond Giglio et autres pour faire l’offrande d’un brin de vodou-fusion en plus spectaculaire. Ce qui eut pour effet de mettre la musique rasin en dehors des sentiers battus. Et comme le premier groupe de ce courant à se faire ovationner en dehors des frontières locales. Une position qui a bien conforté Tido dans sa démarche de régénérateur des rythmes et rites traditionnels haïtiens. Musicien polyvalent, il a su bien contourner les barricades percussives, en pourvoyeur de l’environnement sonore, grâce à un jeu fait de ponctuations précises ; prouvant qu’il maitrise aussi bien le sujet auscultant.
Mais, Wilfrid Lavaud demeure surtout un homme de cordes tout en flair. Guitariste inspiré, son toucher s’imbibe des influences des sonorités globales, incluant : le jazz, le blues, le bossa-nova, le rock, le reggae et autres. Des marques qui l’ont installé parmi les meilleurs guitaristes de sa génération, fort d’un style inventif et complet lui ayant permis de faire jaillir dans un même moule, un doigté estampé de multiples escapades contemporaines. La deuxième demie des années quatre-vingt a été très entreprenante pour la culture populaire ; de même que le combat pour le droit à la vie. Deux facteurs que le consortium colonial et ses affidés locaux ne voyaient pas d’un bon œil. De cette logique, s’emmène le coup d’état de 1991 contre le premier président démocratiquement élu d’Haïti.
Une agression qui eut pour conséquences de nier à une génération entière le droit à la justice, la dignité, la paix, le changement et la démocratie. Tout en déstabilisant la culture et par extension le mouvement rasin qui était en effervescence. Avec autant de persécutions pour les musiciens de ce standard, qui n’ont eu le choix qu’entre le maquis, l’exil ou la capitulation. De ce fait, Tido s’est retrouvé à N.Y en compagnie de son pote Chico Boyer. Où ils se sont regroupés avec Nikol Levy, pour un remake du groupe « Foula » qui s’est installé au state ; galvanisant la diaspora pour ‘’le retour à la démocratie’’. Finalement, lorsque du lest nous est lâché pour mieux nous bouffer, Wilfrid a pu enfin regagner son pays, pour résumer sa marche d’artiste musicien. Ainsi que sa réintégration au sein de l’original « Foula », sous le leadership de J. Raymond Giglio.
Continuant à mettre en évidence son sens pluridimensionnel, en s’aboutant cette fois ci au xylophone. Tout en se mettant disponible pour donner la réplique aux différentes sollicitations dont il est l’objet ; incluant sa compagne ‘’Sò Anne’’ Auguste dont il devient le chaperon permanent. Tout en s’impliquant dans des initiatives culturelles natives. Mais, les laboratoires des ambassades prédatrices sont revenus à la charge, pour nous rappeler le leurre de la démocratie bourgeoise ; en kidnappant le président Aristide. A ce stade, Tido s’est retrouvé avec l’arrestation de ‘’Sò Anne’’ par le régime néo duvaliériste ‘’Grenn nan bouda’’. Entre les tractations, c’est Préval le cynique qui revient au galop à la présidence. Prenant tout son temps de voir ses ‘’amis’’, le bon père Jean Juste et ‘’Sò Anne ‘’, déshumanisés en prison ; avant qu’ils viennent les élargir.
Pensant trouver un allié en ‘’Tiréné’’, Tido décide alors de briguer la mairie de Delmas, sous la bénédiction de celui-ci qui l’a bien encouragé. Pendant qu’en coulisses, le président disait à ses proches : « Tido panse m fou, pou m ta vin bay yon lavalasyen pouvwa ». Depuis, Wilfrid s’est fait un peu discret, entre les opportunités qui s’offrent peu dans un environnement aussi délictueux et dans lequel il est si difficile de survivre. Prenant encore à cœur sa vocation d’éclaireur de la culture native. Pas étonnant qu’il ait été installé comme chargé culturel au Théâtre National, afin de répertorier les multiples rites et rythmes du terroir natal. Jusqu’à ce que la mort impitoyable vienne le ravir d’une brise de vie.