Décès du général Henri Namphy : On ne fleurit pas la tombe d’un président assassin, voyou et irresponsable!

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Le général-macoute-duvaliériste Henri Namphy

« Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. Créés par les hommes animés des mêmes passions, ces événements doivent nécessairement avoir les mêmes résultats. »

Nicolas Machiavel

 Ce n’est pas avec des fleurs qu’il fallait orner la bière d’Henri Namphy, mais plutôt avec des épines et des ronces. Et l’on devait lire l’inscription suivante sur la plaque funéraire : « Ci-gît un traître à la patrie, un éventreur d’êtres humains, un dilapidateur de fonds publics, un ivrogne de basse classe, un digne fils d’Hadès et de Perséphone. » Dire que nous avons entendu le colonel Himmler Rebu évoquer vaguement une possibilité de funérailles nationales pour ce « Caligula » qui succéda, dans des conditions nébuleuses, à Jean-Claude Duvalier! Alors que le concerné, lui-même de son vivant avait réalisé qu’il était impossible pour la dépouille d’un assassin de son espèce de bénéficier des honneurs de la Nation. Henri Namphy savait qu’il n’y aurait pas de place pour ses restes dans n’importe quel cimetière du pays. Avant d’effectuer son voyage éternel, le « fils de Satan » a donc choisi d’être inhumé dans les terres qui ont bu le sang des 40 000 paysans haïtiens massacrés en 1937 par le dictateur sanguinaire Raphaël Léonidas Trujillo.

Le « renégat » des forces armées de François Duvalier a sciemment désavoué son origine. Durant son exil, il avait définitivement adopté la République dominicaine comme sa nouvelle patrie. Et c’est tant mieux pour le peuple haïtien. Les membres de la famille du « disparu », comme ceux de Franck Romain, ont épargné un resurgissement cruel de tristes et douloureux souvenirs aux parents des victimes du 29 novembre 1987 de la ruelle Vaillant, des « électrocutés » et des « fusillés » du 26 avril 1986 devant Fort-Dimanche, du massacre du 11 septembre 1988 à l’église St Jean Bosco, et de bien d’autres événements criminels. Aux dernières nouvelles, Henri Namphy serait enterré au « cimetière du Christ », à Santo Domingo. Pas de « Requiescat in pace » pour les spadassins antipatriotes à la solde de la CIA!

La mort de Namphy n’alimente pas les conversations dans les foyers. Et ce n’est pas à cause de la coupe du monde de football 2018 – que nous ne suivons pas nous-mêmes – qui se déroule au pays de Vladimir Poutine. Le passage du général Henri Namphy au palais national doit être considéré comme un épiphénomène. Dans le cadre du montage d’un dossier radiophonique ou de la réalisation d’un documentaire audiovisuel, il faudrait un jour prendre le temps de fouiller dans les décombres du gouvernement de l’ère macoutique, comme des géologues passionnés de fossiles stratigraphiques, aux fins de retracer les causes exactes, les raisons véritables qui sont à la base du renversement de Jean-Claude Duvalier. Dans l’interview que l’ex-ministre Théodore Achille accorda depuis Montréal à l’émission « Ces mots qui dérangent » que nous présentions et réalisions pour Radio Plus à la fin des années 1990, le problème a été soulevé et quelque peu débattu. Mais les réponses de M. Théodore Achille ne touchaient pas, à notre avis, le fond du panier. Les argumentaires de notre interlocuteur tournaient essentiellement autour de la présidence à vie. Nous restions nous-mêmes convaincus que la CIA avait joué un rôle important dans les événements qui éjectèrent les Duvalier du fauteuil présidentiel. Les États-Unis ont profité de la révolte des masses populaires pour se débarrasser d’une satrapie encombrante, corrompue jusqu’à la moelle, responsable de crimes abominables, et génératrice d’une misère au goût de sable et de roche. Ferdinand Marcos aux Philippines, le 25 février 1986, Ceausescu en Roumanie, le 25 décembre 1989, subirent les mêmes traitements et essuyèrent les mêmes conséquences.

Nous ne parlons pas de l’effondrement des piliers du système de l’idéologie duvaliérienne. Nous l’avons déjà abordé sous cet angle dans plusieurs réflexions et analyses politiques. Le récent ouvrage que nous venons de publier, «Les Tigres sont encore lâchés », et qui est déjà disponible au Canada – bientôt aux États-Unis et en Haïti – montre que le duvaliérisme est loin d’appartenir au passé. Depuis 7 février 1986, le « tigre » s’est métamorphosé, le monstre est plongé sous les eaux de la ruse politique, comme un sous-marin nucléaire, en attendant le moment d’émerger en toute sécurité.

La Maison Blanche, le Département d’État, le Pentagone, le Canada, La France et les autres pays du G7 ont compris qu’il ne peut pas y avoir de « duvaliérisme » sans « Duvalier ». Le Parti haïtien des Tèt kale (PHTK) se montre incapable d’accomplir la tâche qui lui a été assignée par les États occidentaux : éliminer les cellules de l’opposition progressiste afin de contrer l’émergence d’un État révolutionnaire sur le territoire national. Si les Haïtiens ne font pas preuve d’intelligence et de vigilance, le fils de Jean-Claude Duvalier et de Michèle Bennett aura accumulé un pourcentage de chance qui lui permettra finalement d’accéder à la présidence. Ce qui serait, à notre avis, le comble de la catastrophe pour les couches sociales désœuvrées. Ceux qui sont retranchés derrière les murailles de cette intrigue malséante n’ont-ils pas les moyens économiques et financiers de matérialiser leur  plan diabolique? Il ne faut pas oublier que Jovenel Moïse a fraudé les mascarades électorales d’Opont, de Berlanger et du Core Group, grâce au stratagème que les Boulos et consorts ont déployé en lui faisant  distribuer des petits sacs de riz et des feuilles de tôle dans la Grand-Anse aux sinistrés de l’ouragan Matthew. Réfléchissez rationnellement. Qui, parmi ces soi-disant leaders politiques traditionnels, « avisionnaires », haillonneux, « désidéologisés » et opportunistes – sans avoir besoin de les citer – détiennent cette capacité de barrer la route de la présidence à un futur « candidat ouvertement désigné » et déjà soutenu, financé par la Maison Blanche pour remporter la prochaine comédie électorale?

Henri Namphy serait enterré au « cimetière du Christ », à Santo Domingo. Pas de « Requiescat in pace » pour les spadassins antipatriotes à la solde de la CIA!

Lorsque l’on posait la question à Joseph Kennedy sur les moyens à utiliser pour devenir président des États-Unis, il répondait de tout son sérieux : « Il en faut trois choses : l’argent, l’argent et l’argent. » Les masses haïtiennes sont réputées d’être pauvres, misérables, analphabètes… Par conséquent, vulnérables et insouciantes. Ce sont des individus – paraît-il – nés pour un quartier de cassave et un verre d’eau infectée de germes de choléra. Ne les entendons-nous pas qui viennent chaque matin mendier sur les ondes d’une station de radiodiffusion, gémir, se plaindre de leurs mauvaises conditions de vie, au lieu de se mobiliser pour bloquer le pays, renverser Jovenel Moïse et Jack Guy Lafontant, chasser les sénateurs et les députés illégitimes, barricader les portes du Palais législatif, et choisir des patriotes avant-gardistes pour former un Conseil d’État révolutionnaire (CER). Sont-ils aveugles et aliénés à ce point-là? Sont-ils réellement incapables de  se rendre compte qu’ils crèvent de faim dans un pays où un inculpé, un Jovenel Moïse ainsi connu, distribue des voitures à des enfants de moins de dix ans, sans leur demander si leurs parents ont les moyens de les envoyer à l’école primaire.

Les masses haïtiennes n’ont pas encore acquis cette conscience de classe dont parle Karl Marx dans L’idéologie allemande. Elle constitue la chaîne de la solidarité prolétarienne. En fait, c’est le prélude de toute initiative politique révolutionnaire. Léon Trotski déclara : « Pendant quarante-trois ans de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire ; pendant quarante-deux de ces années, j’ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j’avais à recommencer tout, j’essaierais certes d’éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé. Je mourrai révolutionnaire prolétarien, marxiste, matérialiste dialectique, et par conséquent athée intraitable. Ma foi dans l’avenir communiste de l’humanité n’est pas moins ardente, bien au contraire, elle est plus ferme qu’au temps de ma jeunesse

Jacques Stephen Alexis, Jacques Roumain, Adrien Sansaricq… auraient pu répéter les mêmes paroles. En 2018, y a-t-il  une personnalité haïtienne qui serait digne de reprendre à son compte l’aveu percutant de cet illustre artisan de la Révolution d’Octobre?

Avec l’héritage du nom de Duvalier, la progéniture masculine de Jean-Claude devrait se cloîtrer dans une forêt sauvage, comme Quasimodo le fit à l’intérieur d’un monument, pour échapper au jugement des hommes et des femmes. Le miroir magique lui renvoie une fausse image de lui-même. Comment peut-on exhiber une fierté arrogante avec un nom putride, sale, infecte, qui  donne haut le cœur? Arriverons-nous à oublier les nuits de la dernière marche des condamnés de la démence françoisienne et jean-claudienne?

La dernière marche

Où vont ces pas hésitants
Qui titubent sans complainte
Dans le silence frémissant
Des nuits sans étoiles?
Où vont-elles,
Ces loques humaines,
Aux regards éteints,
Qui marchent à la file indienne,
Les lèvres soudées,
Le cœur compressé
Et les mains encordées?
Ils vont dans ce vaste enclos
De lambeaux de chair suspendus
Sur des poteaux de fémurs
Et sur des bancs de crânes
Blanchis sous la chaleur ardente
D’une forge « hécatombale ».
Ils vont là,
Dans ces lieux lugubres,
Où le jour ne se lève pas
Sur les aubes des horreurs.
Écoutez camarades!
N’entendez-vous pas
Les râles des piquoirs défaillants
Qui entaillent le cœur endolori
De la nature pleurarde?
Encore du sang frais
Pour davantage rougir
Le coquelicot d’Eurasie…
La terre continue d’élargir ses flancs
Pour engouffrer les âmes éclopées,
Écrasées sous les sabots
Des rosses d’un automne meurtrier.
Où mènent ces traces de pas
Que les pluies rageuses
N’arrivent  pas à gommer
Comme une feuille crayonnée?
Ils vont à Titanyen,
Là, où les nuits des souffrances,
Comme des bacchantes,
S’exhibent sur les foulées
D’une éternité égorgeuse.

(Robert Lodimus, extrait de Où vont ces pas dans le silence de la nuit?, inédit)

Février 1986. La vindicte populaire a fait des victimes incalculables au sein des duvaliéristes en débandade. Le sang giclait et les pleurs de détresse s’élevaient au milieu des foules en liesse. Des cadavres brûlés, lynchés, des corps décapités pavaient les rues de la capitale et des villes de province… La fumée des brasiers de chair humaine empestait l’air… Des enfants eux-mêmes y participaient.

Pour court-circuiter l’insurrection, le gouvernement américain utilisa la même stratégie politique qui avait échoué au Nicaragua en 1979.

Les États-Unis, la France, le Canada et  les  autres  pays  qui  supportaient le gouvernement de Jean-Claude Duvalier étaient eux aussi dépassés par l’ampleur du mouvement. Inquiétés même. Le  caractère explosif de la situation était préoccupant à leurs yeux. Ce petit pays révolté, dégoûté, grisé par la rébellion, voulait coûte que coûte découvrir une autre voie politique et idéologique.  Au lendemain de l’effondrement du régime de 1957, les revendications des masses s’apparentaient  – et elles étaient interprétées comme tel – à un désir de « Révolution ». Pour court-circuiter l’insurrection, le gouvernement américain utilisa la même stratégie politique qui avait échoué au Nicaragua en 1979. Ayant vu Anastasio Somoza et sa garde prétorienne sur le point d’être anéantis par les forces sandinistes, la Maison Blanche demanda au président d’abandonner le pouvoir et de confier la direction du pays à son second. Les États-Unis avaient pensé que des changements humains opérés dans le système auraient pu éviter qu’il eût été ébranlé. C’était comme si les Nicaraguayens n’avaient eu des problèmes qu’avec le clan des Somoza. Ils tentèrent donc de maintenir en place toute la structure du régime  dictatorial; naturellement, en prenant soin d’éjecter le prédateur principal et sa famille immédiate. Le chef des sandinistes, Daniel Ortega, avait compris le subterfuge. Et il le fit échouer. En Haïti, le coup réussit. Les États-Unis confièrent le pouvoir à un Conseil National de Gouvernement (CNG) dirigé par le général Henri Namphy.

Autres facteurs importants à considérer dans cet épisode historique, c’est cette lutte farouche interindividuelle ou interclanique pour l’accession au trône d’Ulysse… qui a ouvert des brèches de faiblesse dans les remparts de la lutte démocratique. Les groupes politiques ont poussé comme de la mauvaise herbe. Par la suite, les observateurs dénombreront 86 candidats à la présidence pour les élections de novembre 1987 avortées dans le massacre des votants à la ruelle Vaillant. En voulant exercer leur droit de vote après plus de trente ans, de simples citoyens avaient pris rendez-vous avec la mort sans le savoir. Un drame inconcevable, une tragédie inimaginable, un cocktail de monstruosités et d’épouvantes à la Pierre Corneille, à la Jean Racine, qui dépassait l’entendement et l’imagination… Comme Benjamin Constant: « Nous avons vu se graver sur ces figures nobles et expressives les signes avant-coureurs de la mort… »

Des duvaliéristes frustrés, écartés de la procédure des inscriptions de candidature, laissaient clairement entendre qu’il y aurait du grabuge pendant la journée du scrutin. Ils proféraient des menaces de mort à l’encontre du Conseil Électoral Provisoire (CEP) qui avait appliqué contre eux l’article 295 de la nouvelle constitution. Jean Robert Sabalat, apparemment bouleversé, avait exprimé ses inquiétudes à la Télévision nationale d’Haïti quelques heures avant l’ouverture des bureaux de vote. Effectivement, le Conseil Électoral Provisoire se retrouva dans l’obligation d’interrompre le processus pour arrêter le carnage. Les massacreurs macoutes n’ont pas été inquiétés voire poursuivis, arrêtés et punis !

Le système idéologique de François Duvalier a nettement inféodé le corps sociétal haïtien. Les événements du 7 février 1986 n’en sont pas venus à bout. C’est dans cette direction qu’il faut aller pour expliquer les causes de l’instabilité politique que l’écrivain et journaliste Pierre Raymond Dumas qualifie de « transition qui n’en finit plus ». Le système auquel nous faisons allusion a traversé différentes phases de survie, si l’on se réfère à la liste des présidents qui ont succédé à François Duvalier :

  1. a) François Duvalier (22 septembre 1957 – 21 avril 1971)
  2. b) Jean-Claude Duvalier (21 avril 1971 – 7 février 1986)
  3. c) Gén. Henry Namphy (7 février 1986 – 7 février 1988)
  4. d) Leslie F. Manigat (7 février 1988 – 20 juin 1988)
  5. e) Gén. Henry Namphy (20 juin 1988 – 17 septembre 1988)
  6. f) Prosper Avril (17 septembre 1988 – 10 mars 1990)
  7. g) Hérard Abraham (10 mars 1990 – 13 mars 1990)
  8. h) Ertha Pascal Trouillot (13 mars 1990 – 7 février 1991)
  9. i) Jean Bertrand Aristide (7 février 1991 – 30 septembre 1991)
  10. j) Raoul Cédras (1er octobre 1991 –  8 octobre 1991) 
  11. k) Joseph C. Nérette (8 octobre 1991 – 19 juin 1992)
  12. l) Raoul Cédras (15 juin 1993 – 12 mai 1994)
  13. m) Émile Jonassaint (12 mai 1994 – 12 octobre 1994)
  14. n) Jean-Bertrand Aristide (12 octobre 1994 – 7 février 1996)
  15. o) René Préval (7 février 1996 – 7 février 2001)
  16. p) Jean-Bertrand Aristide (7 février 2001 – 29 février 2004)
  17. q) Boniface Alexandre (29 février 2004 – 14 mai 2006)
  18. r) René Préval (14 mai 2006 – 14 mai 2011)
  19. s) PHTK1è version (14 mai 2011- 8 février 2016)
  20. t) Jocelerme Privert (14 février 2016 – 7 février 2017)
  21. u) PHTK 2ème version (7 février 2017 – ?)

Le duvaliérisme en tant que système politique a atteint les limites de sa course. Il n’est plus capable de se reproduire. Il attend un remplaçant… La thèse d’Ilya Prigogine, surtout connu pour « les structures dissipatives et l’auto organisation des systèmes » a permis également aux économistes de mieux comprendre les problèmes auxquels est confronté depuis quelque temps le capitalisme mondial. C’est ce vide de système à combler qui occasionne toutes ces situations de turbulences politiques qui, elles-mêmes, déséquilibrent la société haïtienne. Haïti est un pays en crise. Ilya Prigogine, physicien, chimiste et philosophe belge, est originaire de Russie. Il a reçu le prix Nobel de chimie en 1977 pour ses travaux remarquables sur les structures dissipatives et l’auto-organisation des systèmes. Selon l’auteur, une structure dissipative est un système qui opère dans un environnement avec lequel il échange de l’énergie ou de la matière.

Nous avons écrit dans notre ouvrage « Les tigres sont encore lâchés » : « Depuis l’abandon du pouvoir le 7 février 1986 par la dynastie duvaliérienne, Haïti porte le maquillage de l’hésitation et du tâtonnement. Chaque groupement politique recherche pour lui-même, pour l’assouvissement des intérêts mesquins, l’exercice du pouvoir étatique. Les néoduvaliéristes ont creusé une brèche dans les hostilités interclaniques par lesquelles ils se sont intelligemment infiltrés. Ils ont su astucieusement profiter de l’atmosphère de trahison, de division, d’assassinat,  de coquinerie, de fraude, de magouille… qui règne dans les milieux de la « politicaillerie » pour retourner sur la scène nationale et la dominer. Trente ans plus tôt,  aucun observateur local et étranger n’aurait supposé que le palais national serait pris aujourd’hui  d’assaut  par des individus qui se réclament ouvertement du duvaliérisme. L’absence d’alternative qui caractérise les élites intellectuelle, professionnelle, économique et sociale a recrucifié Haïti sur la porte outrageante de l’absurde. La lutte revient à son  point de départ. L’État est assiégé  dans un espace labyrinthique, sans issue apparente. Ses institutions se portent mal. Elles ne fonctionnent presque plus. La situation est triste et décevante. La société haïtienne dérive. Elle n’a aucun itinéraire. Aucune destination.[1]»

Le duvaliérisme en tant que système politique a atteint les limites de sa course.

Les marginaux du pays ont continué à souffrir davantage de la faim après le 7 février 1986. Le chômage a explosé. Certains individus ont même ouvertement exprimé le regret d’avoir contribué au départ du dictateur Jean-Claude Duvalier. Ce qui est à notre avis une grave entorse faite à l’histoire de la lutte des peuples pour la Liberté et la Justice sociale. Car le duvaliérisme s’est révélé le pire cauchemar  politique, économique et social que les familles haïtiennes aient vécu depuis la proclamation  de l’indépendance le 1e janvier 1804. Aucune souffrance physique et psychologique dans la Caraïbe ne vaudra celle vécue par les Haïtiens de 1957 à 1986.

Henri Namphy est décédé sans être jugé et incarcéré pour ses crimes et assassinats. C’est au pénitencier national que l’ange de la mort aurait dû le surprendre, pour le conduire au royaume des Gorgones.

Haïti, malheureusement, n’a appris à marcher qu’à reculons. Tout cela nous inspire une crainte effrénée de l’avenir. À force de descendre chaque jour plus bas, ce pays finira peut-être par ne plus remonter. Cependant, aucun d’entre nous n’aimerait être comme Fermina Daza témoin du dernier soupir de Digna Pardo, dans le célèbre roman « L’amour aux temps du choléra » de Gabriel Garcia Marquez. Digna Pardo s’est rompu le crâne en essayant d’attraper un perroquet. Avec le temps, Haïti est devenue une vaste léproserie. Et ce qu’il faut comprendre, contrairement à la fiction de Marquez, la disparition de Kiskeya ou Boyo ne laissera pas de témoin. Ce sera la mort déshonorante de tous les Haïtiens!

Non, la République d’Haïti, en aucun cas, ne doit subir l’affront, la dictature et la cruauté d’un autre Duvalier.
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Références

[1] Robert Lodimus, LES TIGRES SONT ENCORE LÂCHÉS, essai, Éditions Michel Nemours, décembre 2017, 294 pages.

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