Ariel Henry, deux ans à la tête de l’«Entreprise Haïti»

(1ère partie)

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Le Premier ministre de facto Ariel Henry, le PDG (Président Directeur Général) de l’Entreprise Haïti.

Aussi incroyable que cela puisse être, le 20 juillet 2023 qui vient de s’écrouler ramène le deuxième anniversaire de la prise du pouvoir en Haïti par le Premier ministre Ariel Henry. En réalité, ce docteur en médecine – il est neurochirurgien – est plus qu’un chef de gouvernement.

Haïti, n’ayant plus de Président de la République suite à l’assassinat dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021 du Président en exercice Jovenel Moïse, c’est Ariel Henry que la Communauté internationale a choisi pour diriger le pays. De fait, il cumule tous les titres, sinon tous les pouvoirs  effectifs relatifs à la gestion d’un Etat : chef de l’Etat, Premier ministre, Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, etc.

A la suite d’un Tweet émanant du Core Group, conduit à ce moment-là par Mme Helen La Lime, Représentante du Secrétaire général des Nations-Unies en Haïti, le confirmant Premier ministre en lieu et place de Claude Joseph qui assumait déjà la fonction depuis quelques mois, Ariel Henry ne s’attendait certainement pas à ce qu’il allait devenir pendant deux ans l’unique chef de l’ensemble des pouvoirs en Haïti.

Depuis plus de deux ans, en effet, ce neurochirurgien est à la tête du pays qu’il dirige comme une multinationale personnelle. En quelque sorte, il est le PDG (Président Directeur Général) de l’Entreprise Haïti. Le Conseil des ministres, pour sa part, se transforme en Conseil d’administration qu’il préside en patriarche ou en héritier direct d’une entreprise familiale.

Seuls ses avis comptent. Les ministres ne font que de la figuration et ne s’aventurent jamais à donner leur point de vue par peur de se faire gronder, réprimander, voire être mis à l’écart ou priver de ressources pour faire fonctionner leurs ministères qui, il est vrai, se transforment depuis deux ans en boîtes enregistreuses. Ariel Henry que la malice populaire ne tardait pas à surnommer « Roi Henry » a fini par prendre goût à ce pouvoir sans limite et sans contrôle au point qu’on se croirait revenir au temps du Roi-Soleil en France (Louis XIV) à la grande différence que celui-ci, dit « le Grand », au moins après des décennies à la tête du royaume de France, a laissé un patrimoine architectural et culturel inestimable pour la France et les Français, notamment, le fameux Château de Versailles. Nommé Premier ministre quelques heures avant le magnicide par le chef de l’Etat, Jovenel Moïse, Ariel Henry a failli ne pas occuper le poste de chef de gouvernement compte tenu du contexte dans lequel cette nomination a été faite.

Mais, c’était ne pas trop connaître non seulement la motivation de ceux qui étaient derrière cette promotion mais aussi la détermination de ce médecin et ancien ministre des Affaires sociales à remplir le contrat qu’il a eu avec les promoteurs de cette ascension politique. Une ascension qui allait le révéler en tant que politicien haïtien mais aussi mettre en lumière son vrai visage aux Haïtiens qui n’en revenaient point de ce politicien retors et digne héritier d’un Papa Doc Duvalier sur le plan de stratégie politique pour accaparer et surtout conserver l’essentiel des pouvoirs. Cependant, avec une différence notable, c’est important de le souligner, sans exiler, ni emprisonner et ni assassiner personne. Une posture et un comportement qui font dire à certains de ses détracteurs que ce docteur-là est pire que son illustre et sinistre prédécesseur. C’est le 20 juillet 2021 que Ariel Henry a investi le pouvoir à la Primature sous la protection politique et sécuritaire de ses protégés :

Le Core Group, Mme Helen La lime et surtout l’ambassade américaine à Port-au-Prince. Avec cette installation au Bicentenaire qui n’était pas encore un « Territoire perdu » de la République selon la Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Mme Emmelie Prophète Milcé, Ariel Henry relègue du même coup et dans un premier temps le pauvre Claude Joseph en arrière-plan, avant de le chasser définitivement du pouvoir. Il le renvoie à son Poste de Chancelier en attendant de trouver les moyens de le tuer politiquement. Car, l’ancien protégé de Jovenel Moïse croyait qu’il allait pouvoir mener la vie dure à son nouveau patron depuis son placard de Delmas 60 où siège le Ministère des Affaires Etrangères et des Cultes.

Le Secrétaire général du Conseil des ministres, Renald Lubérice

Or, ce qu’ignorait l’ancien Premier ministre intérimaire, Doc Henry avait un plan, celui d’écarter tous les pro et sympathisants du feu Président de son entourage et du cercle du pouvoir afin de constituer un cordon sécuritaire humain autour de lui avec les anciens opposants du chef de l’Etat. En quelques mois, en effet, le nouveau maître du pays a fait le ménage et s’est entouré de proches ayant tous pour mission de se rapprocher de l’ancienne opposition. Claude Joseph, dans un claquement de doigt, a été victime de la vindicte des anti-Jovenel qui s’implantaient au fur et à mesure dans les sphères et les allées du pouvoir. La résistance et la fronde qui commençaient à s’installer au siège de la présidence de la République par le biais du Secrétaire général du Palais national avec l’espoir d’empêcher le « Roi Henry » de prendre vraiment le contrôle du Palais ont été vite écrasées et ont échoué bêtement par manque de tacle et de stratégie.

Le complot des jovenelistes réunissant la présidence et la Chancellerie contre la montée en puissance des partisans du médecin va buter lui aussi sur la détermination et surtout sur un Ariel Henry décidé d’occuper tout l’espace du pouvoir. Il faut dire que cet appétit du pouvoir surprend plus d’un. Rien, absolument rien ne sera laissé aux jovenelistes. D’ailleurs, le premier qui avait fait les frais de cette chasse aux sorcières a été le Secrétaire général du Conseil des ministres, Renald Lubérice, qui pensait pouvoir jouer sur les textes et les lois de la République pour résister à ce « rouleau compresseur » souhaitant tout écraser. En moins de deux, Lubérice a été « viré » du Conseil des ministres sans avoir eu le temps de comprendre ce qui lui était arrivé. L’ex-Secrétaire général n’avait pas remarqué que le nouveau « Roi » de la République voulait faire place nette et effacer toutes traces ayant rapport de près ou de loin avec Jovenel Moïse. L’après Jovenel était derrière lui.

L’ingratitude politique est un plat qui se mange froid en Haïti. Dans un premier temps, certains observateurs n’avaient pas compris non plus l’acharnement de Ariel Henry à se débarrasser de tout ceux qui étaient proches du défunt Président au Palais national. C’est après, après seulement, qu’ils ont compris que pour Ariel Henry et ses nouveaux clercs, c’était le meilleur moyen d’asseoir leur pouvoir total sur l’ensemble du pays. C’est bien connu, comme dit l’adage : qui prend femme, prend pays, de même avec le pouvoir : qui prend le Palais national, prend les pouvoirs. Cet adage, Ariel Henry, l’a testé, l’a appliqué et l’a réussi. En commençant par dégager les oripeaux de Jovenel Moïse de la présidence de la République, il avait entamé le dejovenelisme pour éviter d’être contrarié dans sa quête de pouvoir absolu. Trop de prétendus héritiers manifestaient leur envie de continuer la politique de Jovenel Moïse. Il fallait s’en débarrasser le plus rapidement. Il l’a fait en douceur mais sans trembler. En s’emparant du Palais national tout en se gardant de prendre le titre de Président et en plaçant des hommes sûrs à la tête des Administrations, du Secrétariat général et du Conseil des ministres au Palais national, c’était la première étape de son plan qu’il fallait réussir.

Après la présidence de la République, il ne lui restait qu’à verrouiller la Primature, sa « base » officielle du pouvoir. Contrairement à d’autres, Ariel Henry n’est ni fou ni idiot. Il sait comment avancer sans choquer les âmes sensibles qui ont tendance à ne s’intéresser qu’à l’intendance en négligeant l’essentiel ou le principal. Officiellement, il est Premier ministre, chef du gouvernement, à ce titre, il est le patron de la Primature. Donc, tout le monde sait que c’est lui et lui seul qui gouverne le pays et, en l’absence d’un Président de la République, conduit la politique du pays. Il n’avait pas besoin de trop bousculer les choses ni au Bicentenaire, à la Primature, ni à Bourdon, à la Résidence officielle. Tout le monde sait qui est le patron. Alors, après avoir porté quelques corrections dans la hiérarchie et l’Administration en plaçant là aussi des femmes et des hommes clés pour surveiller la maison, il peut enfin s’occuper de l’appareil judiciaire qui était, curieusement, le seul Pouvoir à lui échapper et qui pouvait fonctionner hors de ses dictats en vertu de la séparation des Pouvoirs.

(A suivre)

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