Hypothétique retour des Casques bleus à Port-au-Prince !

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L’Administration américaine plaide en faveur du débarquement des Casques bleus sur le territoire pour aider les forces de sécurité haïtienne à combattre les gangs

Décidément, Haïti est devenu une vraie patate chaude pour les grandes puissances dites « amies d’Haïti », notamment les Etats-Unis d’Amérique, cherchant une porte de sortie dans la crise qui ronge le pays. L’envoi des Casques bleus dans ce pays, c’est le bruit qui court à travers les instances internationales en attendant des débats intenses à l’ONU sur le sujet.

Après maintes tentatives auprès de la quasi-totalité de ses alliés du continent et du sous-continent américain, Washington semble perdre tout espoir de les rallier à une intervention militaire directe à Port-au-Prince faisant suite à la demande des autorités haïtiennes. Le Canada qui n’avait rien demandé, pourtant un temps désigné par son puissant et encombrant ami de l’autre côté du lac Michigan pour conduire cette expédition armée contre les gangs qui contrôlent le pays, a dû, au fur et à mesure, se convaincre qu’il n’y arrivera point ni tout seul ni avec l’aide d’autres Etats de la région.

Même si les députés du Parlement centraméricain (PARLACEN), qui regroupe : Guatemala, Honduras, Salvador, Nicaragua, République dominicaine, Panama dont le siège se situe à Guatemala City, ont exigé lors de leur Assemblée plénière ordinaire début avril 2023, des organisations internationales, entre autres (ONU, OEA, OIM et même l’Union européenne) une intervention « rapide, sûre et active » en Haïti afin d’aider le gouvernement de ce pays à sortir de la spirale de l’insécurité et de la violence. Ottawa a pris conscience de cet échec surtout après la tentative sans succès et oh combien intéressée de la Jamaïque qui présidait dans le cadre de la présidence tournante la CARICOM de persuader les Etats membres de la nécessité d’intervenir militairement en Haïti. Mais, résolue à ne pas perdre la face, l’Administration de Joe Biden entend continuer à chercher d’autres moyens en vue de donner satisfaction aux dirigeants de son « Pré-carré »  d’Haïti se trouvant dans de grandes difficultés sociopolitiques depuis leur arrivée au pouvoir à Port-au-Prince à la suite de l’assassinat du Président Jovenel Moïse en 2021.

Alors, profitant de son voyage au pays d’Erable (Canada), le Président américain, a tenté de relancer le dossier avec son ami le Premier ministre Justin Trudeau, en évoquant une hypothétique mission des casques bleus de l’ONU en Haïti en lieu et place d’une intervention militaire classique des Etats-Unis et ses alliés. Comme l’a souligné le quotidien Le National du 28 mars 2023 dans un article faisant le compte rendu du 28e Sommet Ibéro-américain en République Dominicaine « L’Oncle Sam est plutôt favorable au déploiement des Casques bleus en Haïti. Face à l’échec de la démarche relative au déploiement d’une force multinationale en Haïti, l’Administration américaine plaide en faveur du débarquement des Casques bleus sur le territoire pour aider les forces de sécurité haïtienne à combattre les gangs », écrivait le journal, tandis que le Président dominicain, Luis Abinader, demande à pacifier son voisin. «La seule façon d’agir avec Haïti, c’est de pacifier Haïti. Si vous voulez aider Haïti, vous devez aller pacifier Haïti, ce n’est pas avec d’autres discours, c’est ainsi», déclarait-il.

Les troupes brésiliennes de la Minustah

Alors que Galves Robles, chef de l’Etat du Costa Rica, appelle les « Nations-Unies à apporter une réponse immédiate aux demandes de ramener Haïti sous contrôle et maîtriser la violence qui existe en Haïti.» Enfin, le Président de la Colombie, Gustavo Petro, qui veut se rendre sur place à Port-au-Prince, parce qu’il se sent coresponsable de la situation d’instabilité en Haïti disait-il. : « Je veux aller en Haïti et c’est une question où la Colombie a une responsabilité conjointe, d’abord parce qu’Haïti nous a aidés à être un pays libre et ensuite parce que des ressortissants colombiens sont allés tuer le Président » a avancé le chef d’Etat colombien lors du Sommet ibéro-américain. Certes, il n’y a rien d’officiel pour le moment, pas de demande auprès du Conseil de sécurité de l’ONU ni de nouvelle Résolution non plus sur le sujet.

Sauf que l’hypothèse d’un retour des Casques bleus en Haïti est bel et bien envisagée et engagée par les deux pays les plus enclins à appuyer cette option à l’ONU, s’agissant des Etats-Unis d’Amérique et du Canada. Comme tant d’autres, l’ancien Premier ministre Robert Malval l’a aussi souligné dans son texte publié par Le Nouvelliste du 28 mars dernier.  « Devant le refus obstiné du Canada de prendre la tête d’une force d’action rapide à même d’assurer un environnement sécurisé dans le pays, Biden n’a d’autre recours que de se tourner une fois de plus vers l’ONU pour la mise sur pied problématique d’une mission de maintien de la paix dans le cadre du Chapitre 7 de la charte des Nations-Unies » écrit l’ex-chef de gouvernement de Jean-Bertrand Aristide. En effet, ce dossier faisait partie des discussions ayant eu lieu lors de la visite officielle qu’avait effectuée le Président Biden à Ottawa au cours du mois de mars 2023. D’ailleurs, lors de la Conférence de presse qu’il a donnée le vendredi 24 mars après sa rencontre avec le Premier ministre canadien, l’élu américain avait abordé de manière très diplomatique ce dossier sensible devant les journalistes.

Bien sûr, l’aide à la police haïtienne demeure la courroie de transmission par laquelle on tente de faire passer tout et n’importe quoi sous prétexte de lui donner les moyens pour contrecarrer les groupes armés. Mais, dans cette crise, l’idée fondamentale reste l’envoi d’une force armée internationale en Haïti comme l’avaient vivement sollicité les autorités de la Transition. Lors de cette Conférence de presse du 24 mars, le Président Biden avait vaguement souligné « La chose la plus importante que nous puissions faire – et cela va prendre du temps – est d’accroître les perspectives des services de police en Haïti pour qu’ils puissent faire face aux problèmes auxquels ils sont confrontés. Et cela va prendre un peu de temps (…) Nous cherchons également à déterminer si la Communauté internationale, par l’intermédiaire des Nations-Unies, pourrait jouer un rôle plus important dans cette situation (…) Nous pensons que toute décision concernant la force militaire, qui est souvent évoquée, devrait être prise en consultation avec les Nations-Unies et le gouvernement haïtien. »

Venue du locataire de la Maison blanche, cette petite phrase ne doit nullement passer  inaperçue et encore moins sous-estimée par les observateurs politiques dans la mesure où Washington cherche depuis le début de la crise par tous les moyens à élargir le dossier haïtien vers d’autres Etats au-delà du continent américain et du bassin des Caraïbes afin de l’aider à monter un Corps expéditionnaire multinational sous couverture de l’ONU ou pas qui sera, en vérité,  sous la domination américaine comme ce fut le cas de toutes les précédentes missions montées par le Conseil de sécurité des Nations-Unies. Bien entendu, Joe Biden, durant sa Conférence de presse, a évoqué l’utilisation du Chapitre 7 de l’ONU pour la mise en œuvre d’une telle force multinationale sachant que depuis le début, bien avant la demande du gouvernement haïtien, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, étant très favorable à l’envoi d’une force armée en Haïti et ce quel que soit son statut juridique sur le terrain.

Il faut savoir que dès la demande solennelle des autorités haïtiennes en octobre 2022 à l’envoi d’une force militaire étrangère en Haïti, Washington était partisan d’une intervention militaire directe composée d’un ensemble d’Etats ayant la capacité de fournir des hommes et de soutenir financièrement cette opération et ce sans passer par le  fameux Chapitre 7 de l’ONU qui est lié à une opération de maintien de la paix plus difficile à obtenir compte tenu de l’hostilité des russes et des chinois. Certes, toute mission militaire dans un Etat souverain nécessite un vote du Conseil de sécurité. Mais, avec l’accord de l’Etat demandeur et en vertu de différentes Résolutions, cela peut se faire sans trop de contrainte car il ne s’agit pas d’une attaque belliqueuse contre un Etat souverain surtout si c’est Washington qui est à la manœuvre comme c’est le cas pour Port-au-Prince, où ce sont les dirigeants eux-mêmes qui en font la demande. En revanche, s’agissant de l’utilisation du Chapitre 7, tout change, la nature, les données et le statut. Pour commencer, il faudrait un vote au préalable et à l’unanimité des cinq (5) membres permanents du Conseil de sécurité composé des – Etats-Unis, France, Chine, Grande-Bretagne et Fédération de Russie -.

Avant tout, l’ONU utilise le Chapitre 7 pour ses propres opérations ou missions de maintien de la paix dans un pays en proie à de graves difficultés de guerre civile, insécurité sociale récurrente et bien entendu instabilité politique. Le tout avec une différence notable si c’est l’ONU qui organise tout l’ensemble à commencer par la désignation de l’Etat qui prendra le Commandement de la mission. D’autre part, les troupes sont fournies en fonction des listes mises à la disposition de l’ONU par différents Etats membres de l’organisation et enfin c’est l’ONU qui finance la mission.

D’où, au départ, la réticence de Washington de voir l’ONU accaparer le dossier de la demande des autorités haïtiennes pensant, sans nul doute, qu’il allait embrigader et embarquer sans la moindre difficulté ses alliés et partenaires des Amériques et débarquer dans la capitale haïtienne en soutien au gouvernement de la Transition. De guerre lasse ! Devant les refus enregistrés un à un de la part de ses amis, la Maison blanche a dû faire machine arrière toute à défaut de s’embarquer seule au risque de tomber dans un bourbier militaro-diplomatique en Haïti et tente aujourd’hui de se replier sur une hypothétique mission de Casque bleus entrant dans le cadre d’une mission de maintien de la paix avec, là aussi, le risque de tomber sur un refus aussi sec de ses meilleurs ennemis du Conseil de sécurité que sont : la République Populaire de Chine de Xi Jinping et la Fédération de Russie de Vladimir Poutine.

Mais aussi de l’opposition, sinon de l’hostilité des Haïtiens qui ne veulent entendre parler d’un retour de la MINUSTAH bis en Haïti dont les seuls souvenirs qu’ils gardent de cette mission qui a duré de plus de dix ans (2004-2017) sont : viols à répétition, vol de bétail des paysans et surtout l’introduction du choléra dans le pays. D’ailleurs, même le gouvernement haïtien est assez prudent sur un éventuel retour des Casques bleus en Haïti à en croire Jean Victor Généus, le ministre haïtien des Affaires Etrangères préférant toujours et encore l’envoi d’une force armée multinationale sous l’autorité des Etats-Unis ou dans une moindre mesure du Canada : « Nous devons tirer des enseignements positifs des expériences passées. Le chapitre 7 impose une multitude de contraintes. Tout d’abord, il s’agirait d’une mission de maintien de l’ordre alors que la conjoncture exige une mission offensive pour mettre fin aux actions des bandits armés. Haïti ne pourrait pas faire entendre sa voix dans la définition des termes de référence et des règles d’engagement. Les rapports avec les autorités locales seraient définis par le Conseil de sécurité. Point besoin de rappeler d’autres souvenirs amers. 

Le gouvernement haïtien a fait appel à un appui robuste en faveur de la PNH. Les citoyens de bonne foi ont compris le sens de cette démarche » a-t-il déclaré à l’invocation par le Président Biden de cette affaire de Casques bleus. Pourtant, malgré cet accueil très timoré des autorités de la Transition, Washington et Ottawa semblent bien partis pour changer de registre et s’approcher davantage de l’option de maintien de l’ordre sous le parapluie des Nations-Unies. En effet, selon le journal américain Miami Herald du vendredi 24 mars 2023, les deux capitales entendent bien porter et soutenir le dossier devant le Conseil de sécurité, puisque, entretemps, Washington a discrètement changé son fusil d’épaule en adhérant à l’option d’une mission de paix en vue de trouver une solution à la crise multidimensionnelle haïtienne. « Ce que nous faisons avec le Canada, c’est d’examiner ce qui est vraiment nécessaire sur le terrain, ce qu’il faudrait, vraiment, combien d’autres pays potentiellement, quel type de mandat, que ce soit un Chapitre 7, ou si c’est quelque chose que le Conseil de sécurité de l’ONU devrait vraiment débattre (…) Les États-Unis continuaient à travailler avec leurs partenaires internationaux pour développer le cadre d’une force multinationale afin d’aider la police nationale haïtienne (…) »

D’après le journal de la Floride qui évoque trois sources anonymes, « l’Administration Biden avait discrètement changé d’orientation ces derniers jours sur Haïti et penche de préférence en faveur d’une mission de maintien de la paix » ce qui confirme, en fait, les déclarations du Président Joe Biden lors de sa visite au Canada à la fin du mois de mars. Le gouvernement haïtien quant à lui reste suspendu au coup de pouce de la Communauté internationale dans cette crise sociopolitique et continue à quémander de l’aide auprès des Etats-Unis, du Canada et de la France pour équiper la police nationale qui, depuis sa création il y a bientôt trente ans, est en sous-effectif et sous équipé donc impossible d’honorer sa devise : Protéger et Servir.

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