Vie et misère du Haut Conseil de la Transition

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Mme Mirlande H. Manigat, la Présidente du Haut Conseil de la Transition

On aurait pu titrer cette chronique sur la dernière sortie de la Présidente du Haut Conseil de la Transition (HCT), Mme. Mirlande H. Manigat : « La vérité si je mens », tant qu’elle décrie avec exactitude ce qui se passe pour cette structure de la Transition depuis sa création et surtout l’installation du trio magique composé de Mirlande H. Manigat, Calixte Fleuridor et Laurent Saint-Cyr, à la tête de ce HCT, il y a près de trois mois. Le HCT, on a déjà expliqué en détail ce que c’est. Juste un rappel, c’est une structure politique, mais plus que cela, créée par le dernier Accord politique en cours, celui du 21 décembre 2022 et que lui même est une sorte de « remastérisation » de l’Accord du 11 septembre 2021 ayant pour mission de conforter le pouvoir du Premier ministre de facto, Ariel Henry. La seule nouveauté de l’Accord du 21 décembre qu’on appelle aussi l’Accord de Karibe est que dans le texte, il était prévu de créer deux organismes devant encadrer, surveiller et conseiller le gouvernement dans la gestion des affaires publiques.

Selon les promoteurs dudit Accord, notamment Charles Tardieu, à l’annonce de la création de ces deux entités plus au moins autonomes du gouvernement, même la Communauté internationale applaudissait des deux mains cette trouvaille qui allait révolutionner la gouvernance de la Transition jusqu’à la passation du pouvoir à des dirigeants démocratiquement élus lors des élections inclusives. Mais voilà, si depuis ce 21 décembre 2022, le HCT s’est installé et a choisi son Président, en l’occurrence, sa Présidente en la personne de Mirlande H. Manigat, ancienne Secrétaire générale du parti RDNP du feu Professeur Leslie F. Manigat, la machine semble depuis arrêtée en rase campagne faute de carburant. En effet, le HCT à qui tout le monde accorde des pouvoirs qu’il n’en a pas et qui n’ont jamais été prévus par l’Accord dit « Consensus National pour une Transition Inclusive et des Élections Transparentes » se heurte à une problématique de taille : sa place dans le dispositif de l’homme fort du moment, le chef de la Transition, Dr Ariel Henry, qui n’a jamais eu l’intention de partager la moindre parcelle de ses pouvoirs.

Nous disons ses pouvoirs, dans la mesure où l’homme occupe tout l’espace et n’entend point lâcher prise tant qu’il est soutenu par le Core Group et Washington qui cherchent  désespérément un consensus politique entre lui et les entités qui contestent son autorité. Histoire, sans doute, de gagner du temps ou manipuler l’opinion nationale et internationale, Ariel Henry dit le « Roi Henry » fait semblant d’appliquer le Cahier de charges de l’Accord de Karibe. Dans une grande cérémonie où était présent tout le Corps diplomatique accrédité à Port-au-Prince, il avait installé en grande pompe celle que Mme. Helen La Lime, cheffe du Core Group et Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lui avait imposée pour diriger le HCT, organisme censé l’accompagner dans le processus de sortie de crise.

Les trois membres du HCT, de gauche à droite : Calixte Fleuridor, Laurent Saint-Cyr et Mirlande H. Manigat

C’est au 5e étage du Ministère du Commerce et de l’Industrie, un immeuble flambant neuf situé au Champ de Mars, non loin du Musée du Collègue Saint Pierre, que le HCT a pris ses quartiers. De là-haut, les trois membres de cet organisme ont une vue imprenable sur la baie de Port-au-Prince tout en dominant les ruines du Palais national pas trop loin. Un pas dans la bonne direction diraient certains, dans l’application de l’Accord du 21 décembre, puisque, dans ce cadre agréable et sûr, il ne faisait aucun doute que l’équipe du HCT allait pouvoir se mettre à l’ouvrage en vue de trouver des solutions à la crise. Mais, c’était sans compter la malice d’Ariel Henry et de ses alliés du SDP, notamment Me. André Michel, qui ne veulent rien lâcher. Ce 5e étage du Ministère du Commerce est un dépôt où s’entassent des meubles et dans lequel le Premier ministre et ses amis ont tout bonnement enfermé Mirlande H. Manigat et ses deux collègues, en vérité, une voie de garage.

Déposés là sans bureau, sans personnel administratif ni matériels didactiques et sans le moindre budget de fonctionnement, la Présidente du HCT et ses deux adjoints se sentent carrément abandonnés par Ariel Henry. Ils tournent en rond et ne savent pas à qui s’adresser pour les sortir de ce qui leur paraît comme un piège. Depuis leur installation le 6 février dernier, les membres du HCT passent plus de temps chez eux qu’au bureau. Et pour cause. Impossible d’organiser la moindre réunion ou rencontre, voire prendre un rendez-vous pour parler « Transition et pouvoir » faute de pouvoir accueillir convenablement leurs invités.  Alors, comment dans ces conditions, le HCT pourrait assumer ses responsabilités et exécuter ses engagements vis-à-vis de ceux qui attendent les premières grandes décisions qui les mettront en confiance? Or, des dossiers multiples et variés attendent Mirlande H. Manigat, Laurent Saint-Cyr et Calixte Fleuridor qui commencent à s’impatienter, voire se demander ce qu’ils font là, perchés au sommet d’un immeuble sans que personne ne s’occupe d’eux. Par peur de se faire traiter d’immobilisme, ce qui est évidemment le cas, la Présidente du HCT a eu recours à la presse pour déplorer cet état de fait.

C’est le quotidien Le Nouvelliste, daté du 6 mars 2023 qui a été le premier à donner la parole à Mirlande H. Manigat afin qu’elle puisse faire un premier bilan depuis l’installation du HCT. Le moins que l’on puisse dire, la constitutionnaliste n’a pas raté sa sortie pour lancer un cri de désespoir sur le sort du HCT, certains diront, qu’elle a profité de l’occasion pour se lamenter et dire ses quatre vérités avec l’espoir qu’elle soit entendue par ceux qui l’ont mise  dans cette situation. « Nous essayons de nous mettre en place. Là où nous sommes logés ne convient pas. C’est un immeuble particulier. Nous sommes au 5e étage du Ministère du Commerce. Il y a des meubles mais il n’y pas de bureaux. On ne peut même pas trouver une feuille de papier. Nous avons des difficultés pour fonctionner comme institution. On ne peut pas recruter du personnel puisqu’on n’a pas encore de budget. Nous avons dû protester, arguant qu’on ne peut pas nous traiter de cette manière.

Nous espérons que les personnes à qui nous nous adressons seront de bonne foi et que nous pourrons fonctionner bientôt comme n’importe quelle institution de l’Etat », avance Mirlande H. Manigat à Le Nouvelliste. La Présidente du HCT avoue sans hésiter son impuissance à faire avancer les choses plus rapidement. Elle déplore également la lenteur du Premier ministre de facto de procéder au remaniement ministériel, ce qui, selon elle, handicape le mouvement du HCT dans ses attributions. Or, d’après une clause de l’Accord de Karibe, la structure qu’elle préside impose ce remaniement afin de faciliter la gouvernance de la Transition et le HCT a son mot à dire, dans la mesure où ses membres participent au Conseil des ministres : « Notre participation au conseil des ministres se heurte au retard pris pour réaliser le remaniement ministériel. Le remaniement est prévu dans l’Accord et devait être effectué de concert avec le HCT. Jusqu’à présent, le Premier ministre n’a pas encore donné de signe qu’il va changer des ministres.

En fonction des évaluations et des feed-back du public, la plupart des ministres devront partir. C’est ce qui a été conclu et publié dans le journal Le Moniteur. Nous attendons les premiers signes de l’application de cette disposition » se lamente la Présidente du Haut Conseil de la Transition qui semble vouloir garder son indépendance par rapport au locataire de la Primature qui, de toutes les façons, décide seul. A en croire Mme. Manigat, un bras de fer se prépare entre les deux entités, sauf si le pouvoir fait machine arrière entretemps dans un dossier que nous avions abordé dès la première chronique sur la création du HCT. Il s’agissait du nombre de personnes formant véritablement cet organisme politique. Dans le document intitulé : « Consensus National pour une Transition Inclusive et des Élections Transparentes », on avait relevé qu’au lieu de trois personnalités constituant les membres du HCT, il s’agit, en fait de 7 membres, puisque en plus des 3 membres désignés par les signataires, il y a 4 autres personnalités qui seraient des conseillers chargés des questions techniques et de logistiques. Il se trouve que personne ne l’avait remarqué, tout au moins, ne l’avait souligné.

Or, voilà que l’affaire refait surface maintenant dans les conversations dans les milieux intéressés. En effet, depuis quelques semaines, il y a des discussions sur une éventuelle augmentation du nombre des membres du HCT afin d’élargir cette structure qui devrait passer de 3 à 7 membres. Une approche mettant en colère la Présidente du HCT qui se place déjà en opposition à toute ouverture de son institution à d’autres secteurs. Pour Mirlande H. Manigat, cette ouverture n’a pas raison d’être, donc, c’est « niet ».

D’après l’entretien qu’elle a accordé à Le Nouvelliste, jamais elle n’accepterait que son HCT passe de 3 à 7. « Il n’en est pas question. Je ne suis pas au courant. Le HCT est formé de 3 membres. Je ne vois pas comment on viendrait proposer un élargissement. Aurais-je été au courant et je serais contre. On ne peut pas représenter tous les secteurs de la vie nationale dans une institution. Ce n’est pas possible », argumente-t-elle pour justifier son refus. Décidement, Mirlande M. Manigat semble tombée des nues dans cet Accord, ou elle ne l’avait pas lu, compte tenu sa position aujourd’hui sur certains aspects du texte : « Consensus National pour une Transition Inclusive et des Élections Transparentes ».

Outre son opposition exprimée sur l’élargissement du HCT, Mme. Manigat est aussi en contradiction avec elle-même sur un autre organisme prévu, lui aussi, par l’Accord du 21 décembre dont son parti RDNP a signé la présence, s’agissant de l’Organe de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG). Pour la Présidente du HCT, c’est du temps perdu, cet organisme qui serait chargé de contrôler les actes et actions du gouvernement intérimaire est inutile. Elle ne voit pas non plus l’utilité de mettre en place un OCAG, puisque le HCT pourrait fort bien  faire le travail. A bien la suivre, ce serait un doublon. « Je ne vois pas à quoi cela pourrait servir. Personnellement, j’ai des réserves quant à la création de l’OCAG. Je me demande à quoi il va servir » dit-elle. Heureusement, le « Roi Henry » n’est pas encore là et peut-être ne sera jamais arrivé à ce point de l’Accord qui pourrait mettre fin plus tôt que prévu à cette « Entente cordiale » entre le chef de la Primature et certains de ses alliés qui commencent à comprendre que le « Roi Henry » était sur le point de les rouler dans la farine.

Pour la Présidente du HCT, cet organisme qui serait chargé de contrôler les actes et actions du gouvernement intérimaire est inutile.

Pourtant, si Mme. Manigat commence à manifester sa mauvaise humeur sur certaines clauses de l’Accord du 21 décembre, elle n’a encore rien vu dans la mesure où, selon ses propres aveux, à part participer à quelques Conseils des ministres, donner seulement leur avis sur la nomination des 8 juges à la Cour de cassation, « Nous avons formulé nos points de vue. Mais nous n’avons pas choisi les juges » a-t-elle confirmé.  A part tenir une rencontre informelle avec un groupe de signataires de l’Accord de Karibe, le 6 mars et un entretien avec le Sous-Secrétaire d’Etat américain Brian A. Nichol’s le 9 mars, depuis leur intronisation le lundi 6 février 2023, elle n’a encore rien entrepris de sérieux avec son HCT. Certes, Charles Tardieu, l’un des porteurs de l’Accord du « Consensus National pour une Transition Inclusive et des Élections Transparentes » est venu à son secours sur Radio magik9 le jeudi 9 mars pour défendre le Haut Conseil de la Transition (HCT) dans le retard pris dans la réalisation de sa Mission en déclarant : « Si un arrêté publié dans le journal officiel Le Moniteur a conféré un statut légal au HCT, vous devez comprendre que rien n’avait existé auparavant.

Le gouvernement a donné au HCT un étage au Ministère du Commerce, mais cet étage était vide à tous les points de vue; il n’y avait ni bureau ni personnel ; donc pour l’instant le HCT travaille pour l’établissement de son bureau, bien sûr, avec un minimum de personnel. Je demande à la population de faire preuve d’un peu de patience, le temps que le HCT équipe son bureau en matériel, équipements et en personnel, à savoir un personnel de soutien, des personnels administratif et technique, etc. », il ne reste pas moins que la population est impatiente de découvrir les travaux du HCT. Surtout les propositions sur le projet de la nouvelle Constitution que vont proposer les nouveaux tenants du pouvoir par rapport au projet initial quasi fini de feu Président Jovenel Moïse. Il y a aussi la formation d’un nouvel organisme électoral dont on a hâte de voir la composition et les réactions qui vont avec.

Bref, des sujets qui ne manqueraient pas de mettre Mme. Mirlande H. Manigat, la  Présidente du HCT, au cœur de l’actualité avec toutes les conséquences qui vont avec, là aussi. Comme nous l’avons toujours écrit, une démission de la veuve du Professeur dans ce « piège à con », qu’est le Haut Conseil de la Transition, n’est pas à exclure.

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