Boulo Valcourt : Une légende de la musique populaire haïtienne s’est éteinte

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Henriot «Boulo» Valcourt

Il serait rare de trouver un contemporain épris de musique haïtienne qui n’aurait pas une idée de Henriot « Boulo » Valcourt, celui qui a traversé toutes les avenues des rythmes du terroir.

En effet, c’est avec surprise que les mélomanes de partout ont appris le décès du samba grandiloquent Henriot «Boulo» Valcourt survenu le jeudi 16 novembre dernier conséquemment à l’âge de 71 ans dans un hôpital de New-York où il était hospitalisé depuis 3 mois suite  à la maladie du diabète.

En cette occasion, nous publions à nouveau cette biographie qui en dit long sur la fabuleuse carrière de l’un des plus singuliers vocalistes et merveilleux multi instrumentiste, compositeur et arrangeur de la musique universelle. Haïti Liberté présente ses sincères condoléances à sa famille, à ses proches, à ses amis, à tous ceux et toutes celles que cette disparition afflige.

 Henriot « Boulo » Valcourt (Port-au-Prince, 1946-New-York 2017)
« Un samba de multiples facettes »

Musicien polyvalent, ce remarquable vocaliste, compositeur, interprète, guitariste, keyboardiste etc., n’a vécu que pour la musique, pour avoir conquis dès l’adolescence un public acquis à sa cause. Il débuta avec « Les Gilbreeteurs », petit groupe de quartier et à seize ans intégra l‘ensemble de Pépé Bayard. C’est pourtant au sein du groupe «Les Copains» qu’il se propulsa comme chanteur-guitariste d’une formation influencée par la mouvance rock de la génération yéyé, mettant en évidence son timbre tonitruant à la sonorité ‘’cool’’, agrémenté d’un phrasé tout personnel en plus captivant .Mais aussi d’un guitariste en herbe, avec assez d’arguments pour faire la fête. Il n’avait alors que dix-sept ans et, avec quelques amis, il initia ce groupe qui devait animer les chauds samedis d’adolescents en délire au Rex Théâtre. C’était juste avant l’éclosion de la génération mini à laquelle il n’a pu prendre part.

Musicien polyvalent, remarquable vocaliste, compositeur, interprète, guitariste et keyboardiste

Entre temps, il émigra au Canada, pour des études d’aviation et d’électronique. C’est là, où fasciné par le jazz de Georges Benson et le soul de Wilson Pickett et de James Brown qu’il rallia le groupe «Caraïbes» de Emile Volel, lequel expérimentait des paramètres fusionnés. Quelques années plus tard, il s’installe à New-York pour la reformation du groupe «Ibo combo», en compagnie de: Gaguy Dépestre, José Tavernier, Réginald Policard, les frères Laraque etc.

Au milieu des années 1970, il est de retour au pays et anime à Télé-Haïti, “le Boulo Show”, qui s’adonne à la promotion de jeunes talents locaux. Parallèlement, il forma en compagnie de Frantz Courtois, Tico Pasquet etc. le groupe «Horizon 75» dont l’existence éphémère, a donné voie au «Caribbean Sextet», au gré du retour au bercail de ses anciens partenaires de l’«Ibo» de N.Y.

Boulo Valcourt

Pour prendre d’emblée la scène musicale avec sa musique innovatrice, ses vocalises et onomatopées, tempo aérien, scat imperméable et la maitrise d’un timbre alliant swing et vitalité qui ont épaté les mélomanes. Il y fit aussi des débuts de pianiste prometteur avec le quartet «Pikliz», groupe pionnier de “drum machine”, qui fut une expérience très brève. Entre différentes occupations, “Boulo” Valcourt continua à sillonner le monde. Collaborant avec des musiciens de divers horizons pour atteindre ce degré de perfection qu’il a toujours recherché. Ce qui l’a autorisé à mieux connaitre et admirer le guitariste Joe Pass, pour sa grande sensibilité. Le chanteur français Michel Legrand, demeure son modèle de prédilection, tout en admirant le sens innovatif du pianiste Chick Chorea, ainsi que le pianiste cubain Arturo Gonzalo Balcabal, avec lequel il lia amitié et apprit des choses extraordinaires dans les années 1980 à la Martinique. Au niveau local, il a gardé un souvenir inoubliable de son idole “Ti paris” dont l’humour, la façon d’être, l’ont toujours ébloui. De même que “Dòdòf” Legros dont il a admis avoir hérité le coté imaginatif.

“Boulo” a toujours eu à cœur d’être un ambassadeur valable de la musique haïtienne. Lui ayant gratifié l’honneur de décrocher pour le compte de son pays: un 1er prix en République Dominicaine et en Colombie, plaque d’or à Trinidad. Durant deux années consécutives, il s’adjugea du 1er puis du 2eme prix au festival de Curaçao. Sans oublier, ses succès en France, en Suisse en Espagne et l’Afrique; spécialement au Bénin où il s’était fait bien apprécier. Dans les années 1980, il enregistra en espagnol Magoudou et Cherie ou la,( deux morceaux qu’il a popularisés avec le «Caribbean»); en compagnie de Jhonny Ventura et, parallèlement , fut l’animateur de “Plein soleil” une émission de variétés, et, “Pyram” un feuilleton télévisé. Subséquemment, le «Carribean Sextet» étant devenu inactif, “Boulo” fit à nouveau preuve d’initiatives personnelles et de son sens versatile, en fondant le groupe «Djanm» dont le C.d: “Batala” reste sa grande contribution à la valorisation de la musique traditionnelle haïtienne. Tout en continuant son ascension d’un musicien de diverses facettes, il orienta ce groupe rebaptisé «Caribbean Djanm», dans une musique plus variée., essayant ainsi de maintenir les traditions musicales de deux groupes distincts.

Requin de studio, il reste incessamment sollicité pour nimber de son gosier expressif, tout à fait dominant les productions des autres. Comme dans ses fructueuses collaborations avec R. Policard. Ou encore le c.d: “Inter culturel” de Eddy Prophète, mettant en verve sa marque pittoresque. Sans oublier, les œuvres multiples: “Haïtiando” nimbées de coloration latine qui le firent baigner dans l’exotisme, malgré un registre vocal de référence native. Et dans lesquelles, il interpréta quelques succès incontournables du répertoire local. Comme d’ailleurs il le prouva dans une fructueuse collaboration avec son pote défunt, le maitre-tambourineur ‘’Azor’’ dans l’album ’’Sous lakay’’, qui fait jaillir du ‘’Boulo’’ au sommet. Autant d’arguments au cas où l’on douterait de cette force naturelle qui continue discrètement mais toujours inlassablement son chemin de samba émérite, malgré dit-il: ‘’l’absence de structures adéquates, de conservatoires, de salles de représentations à même de perpétuer et d’exposer les grandes traditions culturelles et musicales haïtiennes…’’.

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