Haïti est actuellement sans Parlement, avec un gouvernement qui n’a pas été élu lors des urnes et avec une direction judiciaire inefficace pour faire face à la profonde crise politique et à la plus grande vague de violence que le pays des Caraïbes ait connue depuis des décennies.
Un assassinat, un tremblement de terre et une aggravation de l’insécurité ont intensifié la crise dramatique en Haïti, dont l’économie languit sans plan de sauvetage en vue.
Les affrontements de gangs ont paralysé et ensanglanté une partie de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, dont la population souffre d’une inflation galopante et de graves pénuries de carburant qui compliquent l’aide humanitaire cruciale. La semaine dernière, les affrontements ont fait au moins 89 morts, 16 disparus et 74 blessés par balles ou couteaux dans le secteur de Cité Soleil.
Ces affrontements entre gangs, face à la passivité du gouvernement, affectent les activités dans toute la capitale, puisque Cité Soleil abrite le terminal pétrolier qui alimente Port-au-Prince et le nord d’Haïti. Pas une goutte d’essence n’est fournie dans les stations-service de la capitale, ce qui a déclenché les prix du carburant sur le marché noir. Face à cette situation, des motards ont érigé des barricades sur les principales autoroutes de Port-au-Prince.
« Nous constatons une augmentation significative de la faim dans la capitale et le sud du pays, Port-au-Prince étant la plus durement touchée »
Près de la moitié des 11 millions d’habitants d’Haïti sont en situation d’insécurité alimentaire, dont 1,3 million sont confrontés à une urgence humanitaire qui précède la famine, selon la classification du Programme alimentaire mondial. Dans ce contexte, l’Église épiscopale d’Haïti a nié être impliquée dans un trafic d’armes après qu’un scandale a éclaté en raison de la saisie de conteneurs supposément liés à l’institution et dans lesquels des munitions ont été découvertes.
Depuis une semaine, des volées de coups de feu se font entendre tout au long de la journée dans ce quartier pauvre et densément peuplé de Port-au-Prince, où deux factions rivales s’affrontent tandis que la police, à court de personnel et de matériel, se tient prête.
Au cours des 40 dernières années, des milliers de familles n’ont eu d’autre choix que de s’abriter dans leurs maisons dans les bidonvilles, incapables d’obtenir de la nourriture ou de l’eau.
Certains habitants sont victimes de balles perdues même à l’intérieur de leurs maisons précaires en tôle, mais les ambulances ne sont pas autorisées à circuler librement dans la zone pour venir en aide aux blessés. Il est seulement possible de faire de courts trajets en moto dans les quartiers
“Nous appelons tous les belligérants à permettre le passage de l’aide vers Brooklyn”, un quartier de Cité Soleil où se concentrent les violences, “et à épargner la vie des civils”, a demandé le chef de la mission locale de Médecins sans frontières, Mumuza Muhindo, une ONG gênée dans ses opérations d’évacuation des blessés, soignant en moyenne 15 blessés par jour depuis vendredi, dans son hôpital près de Cité Soleil.
“Le long de la seule route menant à Brooklyn, nous avons trouvé des corps en décomposition ou brûlés”, a ajouté Muhindo. “Ce sont peut-être des personnes tuées dans les affrontements ou tentant de s’enfuir qui ont été tuées. C’est un vrai champ de bataille“, a-t-il ajouté.
Difficile pour les habitants de la capitale d’organiser leurs activités quotidiennes, déjà freinées par le risque d’enlèvement, multiplié ces deux dernières années, ciblant des personnes de toutes origines socio-économiques et de toute nationalité.
Les gangs jouissent d’une impunité généralisée. Au moins 155 enlèvements ont été enregistrés en juin par rapport à mai, qui totalisait au moins 118, a indiqué le Centre de recherche et d’analyse sur les droits de l’homme. De nombreux Haïtiens tentent de fuir vers la République dominicaine ou les États-Unis.
D’autres, sans moyens économiques ni visas, risquent leur vie en embarquant sur des bateaux de fortune dans l’espoir de rejoindre la Floride, tandis que des centaines d’autres sont bloqués sur les côtes cubaines ou bahaméennes ou sont retenus en mer par les garde-côtes américains.
Plus de 1 200 migrants irréguliers ont été renvoyés en Haïti en juin. Et à leur retour, ils ont du mal à survivre, prenant des emplois informels dans ce pays où l’inflation annuelle pourrait dépasser 30% d’ici la fin de cette année.
« Nous constatons une augmentation significative de la faim dans la capitale et le sud du pays, Port-au-Prince étant la plus durement touchée », a déclaré Jean-Martin Bauer, directeur du Programme alimentaire mondial en Haïti, une agence des Nations Unies qui utilise les voies aériennes et maritimes pour envoyer de l’aide au sud et au nord du pays, pour éviter de traverser Port-au-Prince, aux mains des gangs.
Pendant ce temps, la semaine précédente, des centaines de manifestants ont organisé des manifestations depuis la place Carrefour de l’Aéroport jusqu’à la résidence de l’ancien président Jean Bertrand Aristide, à qui ils ont demandé de diriger un gouvernement de transition, équipés de banderoles, du drapeau national et des photos d’Aristide, dénonçant l’inaction de l’actuel gouvernement d’Ariel Henry, qui a pris ses fonctions après l’assassinat – par des gangs de mercenaires colombiens et américains – du président de l’époque Jovenel Moïse.
Un autre problème grave dans le pays est la situation carcérale. Selon l’ONU, le taux d’occupation estimé des prisons était de 287,77%, avec une population carcérale de 11 531 personnes, dont 405 femmes, 247 garçons et 19 filles. 9 549 prisonniers, 82,81 %, sont en attente de jugement.
Le rapport rapporte que les prisons haïtiennes sont surpeuplées, les conditions insalubres, le manque de services, le manque de nourriture adéquate, d’eau, d’installations sanitaires, de médicaments de base et d’équipements médicaux. Derrière cette grave réalité se cache, outre le manque de fonds, une situation difficile de la justice, avec des tribunaux paralysés.
Rébellion / CLAE 23 Juillet 2022