Numéro 5-Emmanuel ‘’Timanno’’Sanon (Port-au-Prince, 1951-Orlando, 2008)
« Un buteur sans bornes »
Manno surgit comme un météore dans l’arène du foot-ball, parmi l’un des derniers monstres sacrés d’une époque révolue. Lorsqu’il était permis de comparer les valeurs locales aux légendes d’outre mer. Avec l’ardue tâche de remplacer l’irremplaçable Guy Sainvil, ‘’Timanno’’réussit son pari en le faisant à sa propre façon ”Tout pou yo’’, comme l’éclair qui foudroie. Né à Port-au-Prince, E.S fut dès l’âge de gamin imprégné de la magie du foot-ball. Ce qui l’emmena bosser sur tous les terrains de jeu environnants et, spécialement sur celui des Frères Salésiens du Don Bosco où il devint un jeune protégé du bon père Jacques Diebels, professeur, mécène sportif et instructeur physique de cet établissement qui l’intégra dans les catégories préliminaires de ce club. Ce qui lui permit de côtoyer les joueurs de l’Aigle Noir son équipe avec son idole Chardin Délisces. Entre temps il apprenait les règles du jeu sous la houlette de l’entraineur Pierre Blain alors gloire nationale et portier de l’Aigle à l’école Fabre Geffrard. De là il attérit au Lycée Anténor Firmin, où il continua à se bonifier. Cependant, lorsque le père Diebels fut transféré à la paroisse de Pétion-Ville, ”Manno” fut promu dans l’équipe A du Don Bosco et, en même temps passa du Lycée Firmin à Port-au-Prince à celui de Pétion Ville.
A cette étape, il fut sous les feux de la rampe et constitua avec Nazaire, Bayonne et Eddy Antoine, Fito Léandre etc. les nouveaux espoirs du foot-ball national. Ce groupe fut aussi les grandes figures du Championnat Interscolaire, avec stade archi-comble, dans un mini tournoi appelé ‘’Coupe François Duvalier’’, avec deux poules de quatre équipes dont l’une fit partie de la sélection nationale. Durant cette saison ‘’Manno’’’ non seulement gagna le trophée scolaire contre le favori Lycée Toussaint Louverture, mais aussi atteignit la finale de la coupe nationale avec le Don Bosco devant la Sélection Nationale, ne baissant pavillon que sur un pénalty converti par le superbe Guy Sainvil.. Malgré la défaite, sa prestation honorable lui ouvrit les chemins de la sélection dans laquelle il joignit à 18 ans: Obas, Guy Sainvil, P. Vorbes, Tom Pouce, Francillon, Barthelmy; Guy. François, Formose, Legros le capitaine, en vue de contribuer son talent à la campagne du mondial mexicain 1970. Pourtant, certains n’y voyaient pas d’un bon œil la venue de cette nouvelle recrue, qu’on disait trop ‘’personnel’’, pas tout à fait collectif pour jouer à coté de ‘’ Tiguy’’ et de ‘’Tom pouce’’ qui s’entendaient comme deux larrons en foire. Tout ça ne fut qu’une question de vision, du fait qu’il était un peu en avance par rapport au foot gâteau, se montrant déjà en éclaireur du foot total.
Paré d’une force d’accélération non ordinaire, similaire aux deux Ronaldo, des dribbles dévastateurs, d’une gauche impardonnable, d’un jeu aérien auréolé d’une tête précise, d’un instinct de placement et de capacités acrobatiques qui firent de lui un danger constant à la limite de la surface de réparation. Autant de traits pour en faire le prototype de l’avant-centre moderne, tout-terrain. En 1969, à la surprise générale, il fut intégré parmi les 16 qui devaient partir pour San Diego affronter en match retour les USA qui avaient été défaits à Port-au-Prince par deux buts à zéro de Guy Sainvil. Bien qu’ayant fait le déplacement Sanon ne fut pas aligné. Puisqu’un joyau de but de Guy suffit pour envoyer les Etats-uniens vers l’agonie de l’élimination. Son premier match pour la sélection fut ironiquement le match d’élimination à la Jamaïque contre le Salvador. Au cours de laquelle, il remplaça Guy pourtant blessé, à la deuxième mi-temps des prolongations et ne put rien faire au grand désespoir de ‘’Manno’’ qui rêvait à 19 ans de jouer sa première coupe du monde contre Pelé. Cependant les illusions de Mexique 1970 envolées, GS retrouva une Coupe Pradel (diminué du Barcadi et du Victory), que les mordus du foot-ball avaient tant désirée. A ce carrefour, il en fut la vedette au sein d’une équipe de Don Bosco qui avait enfin trouvé sa vitesse de croisière. Durant cette saison (1970-1971), il est sacré Champion de la Coupe Pradel, tout en remportant le trophée de Meilleur Buteur.
Ainsi se renforça son idylle avec le public haitien, devenant le nouveau numéro 10 de l’équipe nationale. Il fut déjà â l’avant-poste pour des rencontres amicales contre le Santos de Pelé en 1970, suivi par d’autres amicales de rodage dans lesquelles il s’imposa comme le talisman du groupe. Puis, ce fut le grand baptême de feu au Brésil où Tassy en charge d’une sélection du Concacaf le choisit en compagnie de : Francillon, Nazaire, Vorbes, Tom-pouce, Barthelmy, G. François, pour prendre part à ce Mini Tournoi. Auquel Sanon fut la grande révélation, en marquant un but d’anthologie contre la Sélection Africaine qui fit partie de cette poule avec la France et L’Argentine. Ensuite, vinrent les Jeux Panaméricains de Cali, en Colombie où Haiti se tira bien d’affaires avec une équipe qui réussit un nul spectaculaire contre l’Argentine. La fin de l’année 1971 a vu la participation du Onze National au Concacaf de Trinidad où l’équipe nationale fut classée seconde, invaincue, derrière le Mexique. Entre d’autres matches d’envergure: Racing de Buenos-Aires, La Catolica du Chili ainsi que la sélection nationale chilienne, l’Equateur, Le Pérou, l’Uruguay etc; en vue des préparations du Prémondial 1973, qui devait prendre place en Haiti. Lequel a vu la qualification la Sélection Haïtienne pour le mondial 1974 en Allemagne. C’est durant ce tournoi que Manno obtint sa lettre de noblesse internationale lorsque d’un geste fulgurant, il mit fin à l’invincibilité du gardien italien Dino Zoff, lequel vit ses 1143 minutes sans encaisser de buts s’envoler en fumée.
Sanon récidiva encore contre l’Argentine dans un de ses buts dont il avait bien le secret. A partir de là, le ciel n’avait pas de limites pour ‘’Timanno’’ qui reçut l’offre de plusieurs équipes d’Europe, mais finit par s’entendre avec le Bershoot de la Belgique. Bien que la période d’adaptation fut difficile, puisqu’il dut jouer comme arrière latéral avant de gagner sa place d’attaquant où encore une fois, il prouva ses habilités hors-normes de buteur. Qu’il a encore mis à la disposition de son pays pour les campagnes de 1978 et de 1982. Au point que lorsque l’équipe belge n’avait pas voulu le libérer pour une rencontre avec l’équipe nationale, réclamant de surcroit une somme de 30.000 mille dollars pour sa libération, la population se leva d’un seul geste, en organisant un tombola pour rassembler cette somme: que l’équipe belge devenue honteuse et de son implication avait dû refuser. Par la suite, Sanon intégra l’équipe San Diego aux EU où une tacle vicieuse du défenseur hollandais Rijsbergen (NY Cosmos), mit une fin définitive à sa carrière. A ce stade, il s’engagea dans de multiples boulots, publia sa biographie, et eut un stint comme entraineur de la sélection nationale. Avant d’être annihilé par un cancer du pancréas le 21 Février à Orlando où il vivait. Son corps rapatrié au pays, il eut droit à des funérailles nationales. Le Magazine France Foot-ball le classa parmi les 100 héros de l’histoire de la coupe du monde…