Le fonctionnement du cerveau peut être assez déroutant en terme d’associations auxquelles peuvent donner lieu les cellules nerveuses. En effet, la première fois que le nom de l’actuel président de la France m’est tombé sous les yeux, ma rétine en a fait une lecture assez bizarre qu’elle a transmise à mon cortex cérébral. Celui-ci, de façon inexpliquée, m’a laissé savoir que j’avais lu « cromagnon », alors que ce devrait être Macron. Depuis, je ne cesse d’associer le nom du président français à “l’homme de Cromagnon, ce représentant de l’espèce Homo sapiens qu’on dit être arrivé en Europe au Paléolithique supérieur, entre 43 000 et 12 000 ans avant notre ère. Grosse affaire de sapiens.
Quand je vois le mec à la télé, quand je lis son nom dans les journaux, c’est le truc paléo-cromagnonien qui me vient à l’esprit et je ne peux m’empêcher de dire Cromagnon pour Macron. Bizarre mon affaire, bizarre cet entêtement de mes circonvolutions occipitales, visuelles, à me cromagnonner le cerveau et la perception que j’ai d’un homme politique remarquable sans doute, arrivé dans le concert électoral présidentiel français comme une bourrasque d’Apocalypse qui dans sa fureur centriste a balayé les vents contraires d’extrême-gauche, de gauche, de droite et d’extrême-droite.
Au fait, en me familiarisant avec le parcours de ce banquier sucré que les médias, de secrète connivence avec les penseurs, les intellectuels “lourds” et la gente argentée de l’Hexagone, nous ont cuit tout chaud pour les élections présidentielles de 2017, je me suis rendu compte que l’homme n’est ni “simple” ni “mince”. Il y a quelque chose de cromagnonnant chez lui. Sa compréhension de l’Afrique, des Africaines en particulier, est gonflée d’une solide dose d’extrême, paléolithique arriération politico-intellectuelle que j’assimile à une sorte de cromagnonnage mental chez ce monsieur qui, adolescent, s’est fait dépuceler par une institutrice qui avait l’âge de sa mère. C’est beaucoup dire.
En utilisant le néologisme cromagnonnage, j’ai voulu exprimer le caractère extrêmement primitif de la pensée de Macron, oh! j’ai failli écrire Cromagnon. Pensée tellement primitive, archaïque, anachronique, minuscullissime, qu’on la croirait émanée du petit cerveau anatomiquement mal développé, fonctionnellement fruste de l’homme de Cromagnon. Peut-être grisé par une ascension inattendue à la première magistrature de l’État français, M. Macron a pu subir une sorte de régression neuronale dégénérative sub-aiguë au point de déclarer que “le problème du continent africain n’est pas économique, ni écologique ou politique, mais démographique”.
Franchement, mon BIC m’en tombe. À l’ère des ordinateurs, je devrais plutôt dire: mon clavier m’en tombe. Faisant complètement abstraction de l’atroce passé colonial et du douloureux présent néo-colonial de la France, Macron a eu le rare culot, l’effrontée indécence, la maladresse éhontée, la mysogyne impertinence, de mettre le retard de l’Afrique au compte de l’hypernatalité des femmes africaines. Est-ce l’effet de son cromagnonnisme? Est-ce la manifestation d’une profonde frustration réactionnelle, parce que le mec n’a jamais eu de progéniture à lui? Quoiqu’il en soit, le propos de Macron est désobligeant, indécent et révoltant. Macron est vraiment frekan. Ma gand-mère paternelle aurait eu bien raison de commenter: on est risqué!
Ma parole! Le manque d’humanité, d’humanisme, de décence de la part de Macron est assez épais qu’il pourrait complètement cacher l’éclat du soleil. Et ce qui me dérange le plus, m’agace le plus, c’est qu’avec cette presse jakorepèt-pèpètmayi, il faut s’attendre à ce que Macron fasse école. Hier, un certain Gobineau avait prétendu accéditer l’idée “scientifique” (sic) de l’infériorité génétique, intrinsèque de la race noire. Aujourd’hui, le grand “démographe” Macron vient nous bobiner, nous embobiner, nous embobeliner, nous bidonner, nous emberlificoter, nous gobiner avec sa théorie de la nature du problème de l’Afrique. Dans le subconscient du paléolithique Macron, les femmes seraient comme des femelles chiennes, femèl chen, qui devraient arrêter de “mettre bas” pour que l’Afrique puisse se développer. Il ne resterait que cela, vye rat, vieux rat-banquier que vous êtes. Vous rejoignez avec désinvolture le suffisant, pédant, insignifiant, impudent, insolent, outrecuidant Nicolas Sarkozy qui, à Dakar, avait eu à déclarer sans sourciller que le problème de l’Afrique était que l’homme noir n’était pas entré dans l’histoire. Sarkozy au minuscule cerveau d’un homme de Cromagnon…
L’insulte ne suffisait pas au suffisant et cromagnonneux Macron. En ce n’est rien, il a cru bon d’y ajouter un manman mensonge aussi pervers que la trop longue pratique colonialiste française: « Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien ». Une menterie d’autant plus cruelle, méchante, injuste, plate, miteuse, calamiteuse, mesquine, misérable, lamentable, abominable qu’en réalité, le taux de fécondité en Afrique est de 5 enfants par femme, comme l’ont montré les statistiques de la Banque mondiale en 2016, et non comme Macron le prétend: 7 à 8 enfants par femme. Oui, mon ami, turpe est mentiri.
Une sournoiserie, une fourberie, une tromperie, une escobarderie à nulle autre pareille. Pour le chef de l’Etat français, le développement de l’Afrique sera donc impossible tant que les femmes du continent continueront de “mettre bas” trop d’enfants, comme il l’affirme. Va-t-il alors préconiser la castration des hommes par quelque méthode spermatocidaire encore à développer, ou – pour être plus proche de son approche misogynante – une hystérectomisation à tout vent, san gade dèyè, de ces intarissables procréatrices de négrillons et négrillonnes? Gade non, mon cher Macron, faites votre respect, vous l’entendez?
Non, M. Macron, vous n’avez pas encore découvert l’Afrique. Vous n’êtes même pas “derrière la camionnette” de l’Histoire africaine. Laissez-moi vous faire la barbe, et surtout n’essayez pas d’y mettre vos doigts, vous vous blesseriez. Sachez que depuis leur accession à l’indépendance, seulement nominale, les pays africains, à quelques exceptions près, n’ont été gouvernés que par de misérables roitelets, des rois-madigra, des girouettes, des marionettes, des bouffons, des pantins, des cabotins, des tenten qui n’ont eu d’autres horizons que Matignon et le Quai d’Orsay, d’autres signes distinctifs que leur cruauté, leur ambition démesurée, leur mégalomanie ainsi que leur pouvoir et pratique de corruption. Sans aucun doute, le plus illustre d’entre eux fut Jean Bédel Bokassa, “l’empereur” Bobo, le Ti Bobo en chef de la République centrafricaine, “l’ami” de l’ex-président Giscard d’Estaing et son pourvoyeur en plaquettes de diamant.
Non, M. Macron, vous n’avez pas encore découvert l’Afrique. Vous devriez savoir que mèt kesyon an, le grand maniganceur dans l’ombre, celui qui a longtemps coordonné la politique néo-coloniale de la France était un certain Jacques Foccart, personnage central dans la création du concept de « Françafrique ». Foccart a manigancé, orchestré et dirigé les coups d’état clandestins en Afrique francophone pour Charles de Gaulle et trois présidents français après lui. Le grand goût du secret de M. Foccart et sa préférence pour opérer dans l’ombre étaient légendaires. Il est resté d’une puissante influence sur la politique africaine de son pays presque à sa mort.
Lors de son décès en mars 1997, le N.Y Times a rappelé « la main machiavélique de M. Foccart perçue lors de coups d’état et de manipulations en Afrique francophone au fil des ans, et dans la politique de soutien de M. Chirac au président Mobutu Sese Seko au Zaïre, malgré l’effondrement de soutien populaire pour M. Mobutu ». Ce machiavélisme éhonté dans l’action, était-ce au service du développement de l’Afrique? Ou était-ce au service des grands intérêts français tels Total, Maurel et Prom, Dyneff, Elf, etc? Tant que nous y sommes, M. Macron, parlons-en de Foccart.
Avec un certain Pierre Debizet, anticommuniste viscéral, il est, à l’ombre du général de Gaulle, le fondateur de cette redoutable, puissante et secrète « Cellule Africaine », qui pendant le demi-siècle passé a surveillé les intérêts stratégiques de la France en Afrique, gouvernant sur un grand andain d’anciennes colonies françaises. La mise en place du fameux Pacte colonial, c’est lui. Improviser des structures pour une collection de petits États nouvellement ”indépendants”, chacun avec un drapeau, un hymne et un siège aux Nations Unies, c’est encore lui. La politique monétaire gouvernant un agrégat de pays aussi divers et qui était en fait opéré par la Trésorerie Française, c’est toujours lui. Foccart était une sorte de fòk se li politico-économico-stratégico-machiavélique de la France.
La « Cellule » utilise l’armée Française à sa guise pour installer des gouvernants qu’elle estime conciliants avec les intérêts français. En retour, ces pays donnent à des industries françaises la primeur sur leur pétrole et d’autres ressources naturelles. Mettant à l’écart des canaux diplomatiques traditionnels, la « Cellule » ne fait des rapports qu’à une personne : le président. La politique africaine est le domaine privé du bureau du Président. Cela était vrai de De Gaulle, Mittérand, Giscard d’Estaing et Chirac. Sarkozy a laissé le truc « cellulaire » en place. Hollande, le «socialiste» est resté, lui aussi, en mode cellulaire. Vous, M. Macron, le «centriste», je gage que vous allez rester au centre des magouilles qui protègent les banquiers, investisseurs, comploteurs, maniganceurs, conspirateurs et spoliateurs, vye fanmi w yo.
À la base du développement foiré de l’Afrique ex-coloniale francophone, il y a bien, M. Macron, ce Pacte colonial qui a maintenu et maintient encore le contrôle de la France sur les économies des États Africains après sa prise de possession des réserves de monnaies étrangères, contrôlé les matières premières stratégiques de ces pays, posté des troupe avec le droit de libre circulation, exigé que tous les équipements militaires soient acquis de la France, pris en charge la formation de l’armée et de la police, exigé que les hommes d’affaires français soient autorisés à avoir le monopole des entreprises dans des secteurs clés (Eau, Electricité, Ports, Transports, Energies, etc.). Dites, M. Macron, après que votre belle France, les Foccart, les rat dokale et autres ratiboiseurs ont mis l’Afrique francophone en coupe réglée, qu’est-ce que la fécondité des Africaines a à foutre dans tout cela ?
Vous n’êtes pas sans ignorer, monsieur le “démographe” Macron que plus de 80% des réserves étrangères de ces 14 pays africains dans l’orbite de la Communauté Financière de l’Afrique (« CFA ») sont déposées dans des « comptes d’opérations » contrôlés par la Trésorerie française. Les deux banques CFA sont africaines de nom, mais ne possèdent pas de politiques monétaires propres à elles. Les pays eux-mêmes ignorent quel pourcentage de la cagnotte de leurs réserves étrangères tenues par la Trésorerie Française leur appartient en tant que groupe ou individuellement. Le cercle limité des hauts cadres de la Trésorerie Française qui ont connaissance des montants des « comptes d’opérations » où ces fonds sont investis et qui savent s’il y a des bénéfices sur ces investissements ont ordre formel de ne livrer aucune de ces informations aux banques CFA ou aux banques centrales des États africains.
Ah! Monsieur Macron, menteur d’occasion, tenez-vous bien. Là, je vais vous dire des choses qui vont vous faire honte, honte de votre France “des Lumières”. Cette monnaie CFA qui dessert les besoins de quelque 100 millions d’Africains est imprimée en France même. Où est alors la souveraineté de ces pays africains? Vous devriez savoir qu’ils sont les seuls pays au monde à payer un impôt à un autre pays, en l’occurrence à la France. 50% de ce que ces pays gagnent vont au trésor public français en dépit du fait que depuis jadis te kaporal les intérêts français ne font que saquer les ressources africaines. Finalement, monsieur Macron, vous devrez bien vous faire à l’idée que le franc CFA est un outil de contrôle politique et économique de quatorze pays africains. La vérité est là, elle n’est pas dans la fécondité ou dans l’utérus des Africaines. Vous êtes bien permettre. Donnez-moi du vent pour voguer vers la Gonâve.
Il ne faut pas que j’oublie M. le démographe-obstétricien-gynécologue. Trois présidents africains se sont rebellés contre ce maudit franc CFA. De façon étrange, ils ont “mal fini”. Il y a eu d’abord Sylvanus Olympio du Togo. Il a été assassiné, en 1963. De façon encore plus étrange, celui qui a revendiqué l’assassinat, quatre ans plus tard, le féroce dictateur Étienne Eyadéma Gnassingbé a occupé durant 38 ans la présidence du Togo, de 1967 à sa mort d’une crise cardiaque, après avoir décherpillé les caisses de l’État. Devinez, M. Macron: le président français Jacques Chirac a présenté ses condoléances à sa famille en rappelant : « Avec lui disparaît un ami de la France qui était pour moi un ami personnel». Un loustic que je connais aurait commenté: tout a été dit, tout a été consommé.
Modibo Keita, président du Mali de 1960 à 1968 eut le «malheur» de montrer des penchants “socialistes”. Lui aussi s’était élevé contre “la tyrannie” du franc CFA. Que pensez-vous qui arriva, M. Macron? Il fut victime d’un coup d’État dirigé par le militaire Moussa Traoré, sans doute (télé)guidé par l’ami Foccart. Emprisonné, il allait être libéré quand il est mort la veille de sa libération. Étrange! Ne pensez-vous pas? À titre de récompense pour son crime crapuleux, la “Cellule” laissa Traoré et son épouse s’enrichir pendant 23 ans au pouvoir. Lò sa bèl, di l bèl.
Enfin, il y a eu Thomas Sankara, le plus “violent” des récalcitrants, président du Burkina Fasso pendant seulement quatre ans. Son marxisme révolutionnaire, son admiration pour Fidel Castro, sa constante dénonciation des intérêts français “spoliateurs” avaient fini par agacer la “Cellule” qui chargea Blaise Compaoré de la sale besogne de liquider son “frère d’armes”. Comme Moussa Traoré, Blaise fut toléré au pouvoir par la gente spoliatrice pendant 23 ans. Non, M. Macron ce ne sont pas les femmes africaines qui sont responsables des malheurs et du manque de développement de l’Afrique.
Ce sont plutôt les requins de la “Cellule” qui ont porté et toléré au pouvoir les rapaces nommés Bokassa (12 ans), Traoré (23 ans), Compaoré (23 ans), Gnassingbé (38 ans), Mobutu (32 ans), Sassou-Nguesso (20 ans), Omar Bongo (42 ans!!!!) dont la mauvaise gouvernance, la corruption et l’attitude veule vis-à-vis des intérêts des multinationales ont laissé leur pays respectif en ruine. Quel triste palmarès! Non, M. Macron, il ne faut pas prendre les femmes africaines pour boucs émissaires. Elles ne sont pas responsables du maldéveloppement de l’Afrique. Ne vous trompez pas de cible, mauvais tireur que vous êtes. Bwa fouye, ansyen Fòd twa pedal, kousen pyese, dernier survivant du Paléolithique supérieur, vous feriez mieux de vous taire.
Durant mon entraînement en pathologie, à Montréal, l’une des secrétaires du département, québécoise pure laine, avait du mal à comprendre ce que je lui expliquais à propos du processus d’appauvrissement d’Haïti par les pouvoirs impériaux français, puis étatsunien. De guerre lasse, elle avait fini par m’avouer qu’elle était « dure de comprenure ». Ah ce délicieux vernaculaire québécois qui m’a charmé pendant cinq années! Alors, cher M. Macron, si après tout ce que je viens d’exposer à votre entendement, vous persistez à répéter que le problème de l’Afrique est une affaire de natalité débridée, eh bien là je serai obligé de conclure que vous êtes vraiment indécrottable, « dur de comprenure ».
16 juillet 2017