Transition, l’Accord unitaire de Louisiane perd son unité !

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Certains délégués de l’Accord de Louisiane

Depuis longtemps, on le répète partout, en Haïti comme ailleurs, la diaspora haïtienne est à l’image du pays. Impossible de faire la différence avec leurs compatriotes de l’intérieur. Division, incohérence, individualisme, ambition personnelle, sans parler de leur goût pour la médiocrité. Les dirigeants de la diaspora alignent leurs points communs avec leurs collègues de la terre natale. D’où l’échec de la diaspora à s’imposer en Haïti comme un interlocuteur valable, conséquent, fiable et respecté par les pouvoirs et même devant leurs frères et sœurs à travers le pays. Trente six ans que cela dure. Depuis l’avènement de la Constitution, en effet, la diaspora tente de se faire une place au soleil en Haïti ou du moins certains de ses dirigeants cherchent désespérément à faire reconnaître la diaspora comme une entité incontournable dans le développement national tout en essayant de faire des propositions de sortie de crises en tant qu’acteurs politiques dans le cadre de cette Transition qui s’éternise.

Mais, par leur incohérence et brulant d’ambition de paraître sur le point politique, à chaque fois, ils se cassent les dents. Même sur le plan économique, le résultat est à la hauteur de sa réputation, c’est-à-dire, quasi nul ou très peu visible. Or, le plus grand paradoxe, c’est que la diaspora dans sa globalité est reconnue comme étant l’entité extraterritoriale qui ramène le plus de fonds dans l’économie nationale sans quoi le pays serait effondré et totalement en faillite. Sans faire de polémique, mais tout le monde l’a compris et l’accepte comme tel, dans l’imaginaire collectif en Haïti, dès qu’on parle de diaspora haïtienne, on entend les Haïtiens vivant aux Etats-Unis d’Amérique. Principalement ceux de la Floride (Florida) et de la côte Est alignant New-York (Brooklyn, Queens), New-Jersey (East-Orange, Elizabeth), Massachussetts (Boston) et quelques autres grandes villes du Sud des USA entre autres Atlanta (Georgia).  Ensuite, vient le Canada, plus précisément la Province du Québec dit la Belle Province avec sa gigantesque métropole, Montréal. Cette image d’Epinal ancrée dans la tête des gens en Haïti et même des Haïtiens de ces contrées fait que la diaspora haïtienne se résume à cette partie du monde.

Les signataires de l’Accord de Louisiane ont rencontré le Premier ministre Ariel Henry, chef de l’Accord de Musseau

Bizarrement, la diaspora haïtienne d’Europe (France, Belgique, Suisse, Allemagne, Angleterre, etc 😉 n’a pratiquement pas droit de cité et on cantonne les leaders de l’Union européenne dans un rôle de second couteau ou d’assistants. Même dans les activités organisées au nom des soi-disant Fédérations de la diaspora, – il y en a plusieurs – les membres de cette entité du vieux continent restent quasiment absents. Pourtant, ils ne sont pas moins intelligents, formés, actifs et créatifs que leurs homologues de l’Amérique du Nord. Quant aux « pauvres » de la République Dominicaine et des Bahamas, n’en parlons pas. Ils n’existent carrément point. Sauf, bien évidemment, pour parler de leur expulsion de ces pays. On ne va pas non plus oublier ceux des Antilles et de l’immense population haïtienne de la Guyane française qui, eux aussi, contribuent à l’assiette économique haïtienne aux dépens parfois de leur propre niveau de vie dans ces pays d’accueil. Bref, sans l’apport de cette diaspora plurielle et diverse, l’Etat haïtien n’aurait pas eu les moyens de subvenir aux besoins de sa population.

Mais voilà, il y a une vision sténotypée pour ne pas dire une captation de la diaspora haïtienne des Etats-Unis. Tous les yeux et les espoirs en Haïti se tournent et se fondent toujours sur elle. De ce fait, cette partie de la diaspora se prend pour l’unique interlocuteur des gouvernements ou dirigeants haïtiens. Très peu de considération pour les autres sous prétexte qu’elle est une diaspora pauvre ou moins fortunée que ceux de Brooklyn et de Washington qui sont choyés et invités par tous les Ministères et principalement par le soi-disant Ministère des Haïtiens Vivant à l’Etranger (MHAVE). Sauf que le résultat est là. Depuis des décennies que les dirigeants haïtiens cajolent pratiquement la diaspora haïtiano-américaine, pas grand-chose de positif n’en est sorti. En écrivant ceci, on n’a rien contre la diaspora haïtienne des Amériques, puisque nous aussi en faisons partie.

Dans cette chronique sur la Transition, nous voulons seulement souligner une réalité, c’est-à-dire, il n’y a rien de différent entre les Haïtiens qu’ils soient ici ou ailleurs dans la mesure où nous appartenons à la même culture et en vérité avons les mêmes gènes quand il faut aller à contre-courant de l’histoire. De Boston à Paris, de Brooklyn à Little Haïti, de Port-au-Prince à Fort-de-France, on se ressemble tous. On est tous pareils, on est rongé par la jalousie, l’égoïsme et l’envie de paraître d’où notre échec collectif sur ce qu’on entreprend que ce soit en Haïti ou dans les pays respectifs où nous nous sommes établis. Prenons le cas de cette Transition qui commence vraiment à nous prendre la tête. Au début l’année, du 13 au 19 janvier a été organisé à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, en grande pompe, avec le soutien certainement de l’Oncle Sam, un Sommet dit « Sommet de l’unité haïtienne » dans l’objectif de réunir l’ensemble des Accords en compétition en Haïti pour le leadership de la nouvelle Transition. La quasi-totalité des Accords connus et méconnus du grand public avait fait le voyage au bord du fleuve de Mississipi en vue de trouver une sortie à la crise haïtienne.

Fritz Alphonse Jean

A l’issue de la Conférence, tous ou presque ont accepté d’unir les Accords représentés dans un seul grand Accord sous le nom de « Accord unitaire de Louisiane ». Mieux, deux jours après l’ouverture de ce Sommet de l’unité haïtienne, tous les congressistes présents ont voté à l’unanimité pour que l’économiste, Fritz Alphonse Jean, puisse devenir Président provisoire de la République en droite ligne de ce qu’ont proposé les signataires de l’Accord du 30 août dit de Montana et du Protocole Entente Nationale (PEN). Le malheureux Fritz Alphonse Jean n’était même pas présent en Louisiane quand son nom fut scandé à tue-tête : Fritz Jean, Président, Fritz Jean, Président, etc ; etc c’est dire combien tous les participants étaient motivés et ont cru dans cette initiative. Mais, quinze jours plus tard, le démon de la division est entré en action, par une note de presse signée de trois membres de l’Accord de Louisiane, note dans laquelle on apprend que non seulement le pauvre Fritz Alphonse Jean n’était plus dans le coup, mais qu’il a été purement et simplement remplacé par : Jean Wilson Hyppolite. Le lendemain, un court message sur les réseaux sociaux nous  a aussi prévenu que des responsables de l’Accord unitaire de Louisiane étaient partants pour une rencontre avec le Premier ministre a.i Ariel Henry et chef de l’Accord de Musseau. Entre-temps, l’un des organisateurs du fameux Sommet de l’unité haïtienne, le Dr Bernier Lauredan, Président de la « Haïtian Diaspora Fédération », co-organisatrice de la Convocation de la Nouvelle-Orléans, déclare, presque embêté, que non seulement il n’était pas au courant de cette rencontre avec le locataire de la Primature mais non plus de la décision d’écarter Fritz Alphonse Jean. Non seulement dans cette Transition, l’on nage carrément dans le brouillard mais l’on commence sérieusement à s’y perdre. Après la tentative de putsch du trio : Sauveuron Philippe de l’Accord du Milieu, Bickenson Darant de l’Accord PEDSAM, et Jean Wilson Hyppolite de l’Accord CESOC, pour semer encore plus de confusion, Bernier Lauredan avoue que la diaspora ne contrôle plus l’Accord unitaire de Louisiane « Nous perdons le contrôle de l’Accord » dit-il avant de se mettre à prêcher dans le désert « Nous prônons un consensus entre les Accords. C’était l’objectif du Sommet de Louisiane ».

Dans la cacophonie ambiante, un autre signataire dudit Sommet, Akô Lari A (Accord de la rue) s’est précipité pour faire sortir une note de soutien à Fritz Alphonse Jean. Selon cette note signée du Révérend Pasteur Rudy Laurent, parue le 3 février 2022, les responsables dudit Accord s’étonnent de l’information selon laquelle c’est l’ancien député, Jean Wilson Hyppolite, qui prend la place de celui qui est aussi élu par les Délégués de l’Accord du groupe de Montana. Bref, comme au bon vieux temps, une partie de l’ex-opposition reprend les mêmes guéguerres fratricides, la même trajectoire sans issue au risque de tout perdre au cours de cette nouvelle Transition qui commence à révéler les maux qui caractérisent la lutte pour le pouvoir dans un système dépassé.

Dans cette affaire, comme l’avait prédit un leader de la communauté haïtienne à Cayenne, en Guyane, qui n’était pas invité à la Nouvelle-Orléans, au Sommet de l’unité de la diaspora, une fois de plus, c’est la diaspora tout entière qui sera le dindon de la farce en arguant, nous citons : « Au lieu de faire venir tous les coquins de Port-au-Prince pour continuer à jouer leur hymne de la trahison, les organisateurs auraient dû convoquer uniquement les membres de la diaspora à raison d’un Délégué par Communauté à travers le monde afin de désigner un représentant unique pour les instances de discussions avant d’élire un Président pour la diaspora dans le cadre de la présidence collégiale de la Transition de rupture ». Mais, au risque de décevoir notre ami, on veut seulement lui rappeler que non seulement cette histoire de Collège de Président de cinq membres n’a quasiment aucun avenir, mais plus grave encore, jamais la diaspora, à l’image de leurs compatriotes de l’intérieur, ne se mettra d’accord sur une candidature unique.

On prend déjà le pari que celui qui sera désigné pour la présidence collégiale fera l’objet de contestation d’une partie des Fédérations ou Associations de la diaspora. Puisque, les leaders des Communautés haïtiennes, quel que soit le pays, sont trop soupçonneux l’un vis-à-vis de l’autre et que, comme en Haïti, aucun candidat de New-York n’accepterait qu’il soit battu par un concurrent de Paris. Ni un postulant de Montréal ne reconnaitrait le vainqueur s’il venait de Bruxelles ou de Pointe-A-Pitre, en Guadeloupe, etc ; notre égo haïtien primera sur l’intérêt général comme toujours. Malheureusement, tous les gouvernements haïtiens, sans exception, jouent sur cette faiblesse humaine pour cantonner l’ensemble de la diaspora dans une sorte de ferme agricole juste pour servir de vache à lait pour nourrir la population à leur place. D’où l’absence, depuis plus de trente six ans de lutte, d’efforts et de prosélytisme, d’un vrai représentant de la diaspora auprès des autorités centrales ayant pouvoir et autorité de parler au nom de toute la diaspora sans discrimination et sans distinction de pays et de continent. Le Sommet de Louisiane en est un bel exemple, il a perdu son unité et ce malgré un changement de nomination le lundi 21 février  2022 pour devenir l’Accord Unitaire d’Haïti (AUH).

 

C.C

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