Terrorisme, banditisme, bacouloutisme, décherpillisme

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Jovenel Moïse, pendant sa campagne électorale, promettait d'être «un réformateur, un candidat du renouveau». Ou tande bèf...

Dans un temps pas trop éloigné, le qualificatif de “grand mangeur” servait à désigner une espèce pas tellement rare qui s’alimentait à plein groin dans les rateliers de l’État. Depuis Martelly, l’engeance grand-mangeuse a évolué, ou plutôt a dégénéré pour donner naissance à la race plus agressive des décherpilleurs. Ne professant ni tenue ni retenue, c’est à ciel ouvert, à visage découvert que la gente décherpilleuse s’emplit les poches. Yo piye, yo pi mal, aurait chanté ma grand-mère paternelle. Plus ils pillent les caisses de l’État, pire ils sont.

De Michel Domingue et Septimus Rameau qui s’enfuyèrent en transportant au wharf des malles pleines de l’argent d’un dernier emprunt jusqu’à la décherpilleuse équipe de Martelly-Lamothe, les hommes au pouvoir, à part quelques exceptions, ont toujours aimé danser la valse du “Foure men pran”, ou le tango du “Tout pour moi, rien pour les autres”. Quand ce n’est pas un président qui accepte des prébendes d’un sénateur dominicain maffieux ou qui puise à pleines mains dans les fonds de Petro Caribe, c’est un ministre des Relations extérieures qui, en plein parlement, accuse le premier ministre d’avoir été son complice dans le détournement de quelque quatre millions de dollars versés par l’Uruguay à titre de dédommagement pour violence et outrage à un jeune haïtien par des soldats uruguayens affectés à la MINUSTAH. Décherpillisme, quand tu les tiens…

Les décherpilleurs sont à tu et à toi avec les ambassadeurs des pays “amis”. Ils s’affichent avec telle ambassadrice des États-Unis, bras dessus bras dessous, au carnaval de Jacmel et s’en fichent du qu’en dira-t-on. Ils accourent à l’hôtel El Rancho, à l’ombre d’une pourpre cardinalice, pour endosser une mascarade politique. Et personne ne saura jamais combien de fric a été distribué à des représntants de partis zonbi pri nan lyann créés de toutes pièces pour cautionner, avaliser une madigrature, une tolaliture, une déconfiture, un brigandage au sens le plus haïtien du terme. Croulant sous le poids de multiples vices, crevant d’immoralité et de dévergondage, ils vont même jusqu’à se faire recevoir et bénir par le saint Père: le comble de l’indécence, de l’impudence, de l’outrecuidance, de l’incongruité, de l’impudicité et de l’effronterie.

Max Rudolph Saint Albin à Jude Alix Patrick Salomon, à propos des 100 000 000 de gourdes: « Prends ta part, donne-moi ma part». Mais une fuite est venue contrarier les deux larrons.

La plus récente salissure, la dernière éclaboussure, souillure, flétrissure du monde décherpilleur concerne une demande de 100 millions de gourdes du ministre de l’Intérieur, Max Rudolph St Albin au ministre des Finances, Jude Alix Patrick Salomon, son asòs dans une manœuvre de type Lamothe-Pierre Richard Casimir. Ce joli et gras montant est censé servir à couvrir les activités de renseignements (sic) et de sécurité durant la célébration du 1er mai et pendant les festivités liées à la commémoration de la date de création du drapeau. L’idée serait de protéger la caravane du chef de l’État lors de ces célébrations, dans l’éventualité d’une tentative d’attaque contre le cortège présidentiel.

En effet, le cortège de Jovenel Moïse, est tombé sur une barricade et a essuyé des jets de pierres à l’Arcahaie, en revenant de l’Artibonite, le vendredi 7 avril en fin d’après-midi. Les unités spécialisées de la Police Nationale d’Haïti en charge de la sécurité du Chef de l’Etat ont pu sortir le premier mandataire de la nation de ce désagréable pétrin, grâce à leur ”promptitude et professionnalisme” selon le Bureau de la Présidence. Ce dernier a rapporté que Jovenel, le mal élu, ”est resté serein durant l’attaque”.

Cette sérénité peut n’avoir pas été le seul fait du sang-froid du président, d’autant que d’aucuns veulent voir dans cette embuscade un montage, une mise en scène. Justement, cette manœuvre embuscadante a pu être concoctée de toutes pièces par la présidence et ses ministres sousou, en prélude à la demande pour les 100 millions de gourdes. Qui sait ? Le mal, dit-on, existe. Mal de pouvoir,  mal de conserver celui-ci au prix même d’une mascarade barricadante ; mal de fric, mal de distraire l’opinion, mal de caponner  ”les extrémistes [dont]aucune action violente ne peut faire avancer leur cause” ; mal Micky, mal rose, mal grigri, mal vakabon, mal chèf, mal prezidan, mal makak.                               

Bien sûr, les autorités qui ne sont jamais à court d’imagination, d’astuce et de pirouettes verbales ont vite trouvé une explication, une justification à la requête cent-millionaire. Selon l’imagination des bureaucrates du Bureau de la Présidence rompus aux gymnastiques politiciennes d’emberlificotage, d’embobinage, d’embobelinage du grand public : ”Le ministère se fait le souci de s’assurer de toute filature pouvant déboucher sur des catastrophes regrettables et qui pourraient plonger le pays dans des situations difficiles”. Pa ban m.

À la vérité, on veut bien essayer de comprendre les besoins désembuscadants, sécuritaires du président, de la nécessité pour lui d’échapper à des embuscades, mais là où le bât blesse, écorche même, c’est dans la façon ticouloutarde, cachotière, peu démocratique de son entourage, de la Présidence, du sérail de flatteurs, de faire les choses, y compris, bien sûr, les ministres et le président  qui pourtant, pendant sa campagne électorale, à la manière (retorse) de Martelly s’est fendu d’être un réformateur, un candidat du renouveau. Ou tande bèf… Tu as beau entendre mugir des boufs, mais tu n’arrives jamais à voir de cornes.

Il a fallu la fuite d’une correspondance embarrassante, ticouloutante, entre deux ministres zélés, aux tendances décherpillantes, pour qu’on sût la grosseur de l’anguille cent-millionnaire sous la roche de ticouloutances ministérielles, pour qu’on découvrît la magouille. En effet, le 13 avril 2017, subrepticement, ticouloutement, encachettement, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, Max Rudolph Saint Albin, sollicitait l’intervention du ministre de l’Économie et des Finances, Jude Alix Patrick Salomon «pour qu’un montant de cent millions (100, 000,000) de gourdes soit viré sur le sous-compte111205071, logé dans le compte unique du trésor (CUT)», rien que pour « la surveillance et le renseignement». Franchement…

St Albin tient sans doute un discours qui prône la ”rationalité budgétaire”, mais que n’explique-t-il au grand public, rationnellement, dans les détails, le pourquoi des 100 millions. Non, il se dérobe aux questions des journalistes. Il cultive la dérobade, l’esquive, la fuite. Monsieur joue au taciturne. Il ne répond pas au téléphone, il ne lit aucun texto, il ne fait aucun commentaire. Entre-temps, le teledyòl sur les réseaux  sociaux s’en donne à cour joie; on en fait des gorges chaudes, même brûlantes sur la bêbêtude suspecte de St. Albin à qui il manque du courage, le sens de ses responsabilités ministérielles et la plus élémentaire probité. Comme la bêbêtude est un mal contagieux, Jude Alix Patrick Salomon, le ministre des Finances, contaminé, s’est réfugié lui aussi dans la bêbêtance. Allez donc lui demander de renseigner le public sur les suites données à la demande saintalbine du 13 avril. W a konn Jòj.

De toute façon, revenons à l’embuscade du 7 avril qui, curieusement, n’a pas fait de victimes, malgré des tirs rapportés par la PNH : aucun blessé, aucun mort, aucun agresseur appréhendé. Bizarre comme guet-apens. Pourtant le président mal élu Jovenel Moïse a parlé d’un ”acte terroriste”. Assurément, des terroristes qui n’ont pas eu leur entraînement sous la performante direction de Daesh et de la CIA. Tant mieux pour le président. Peut-être qu’à Nice, à Paris, en Belgique, ces terroristes eussent été plus efficaces. Il se peut que le décor archelois ne les ait pas bien inspirés. N’empêche que le bananant Jovenel a utilisé un langage très fort, j’allais dire terrorisant.

L’embuscade prétendument tendue à Jovenel : un acte terroriste ? Pas du tout : «un acte de banditisme », opine le «bandit légal» Youri.

Un langage si fort que le sénateur Youri Latortue, lui qui faisait partie du cortège présidentiel, a bémolisé le propos de Jovenel. Il a en effet mis un bémol à l’excès de langage de son président. Il a préféré parler d’«acte de banditisme».  On a l’impression que le président du sénat a parlé en connaissance de cause. Vieux routier de la politicaillerie haïtienne, il sait d’instinct que dans les rangs des écumeurs des avenues de l’État, il n’y a pas de ”terroristes” au sens Al Qaedant du terme: il n’y a que des habitués du banditisme de haut vol, du bacouloutisme à toute épreuve et du décherpillisme le plus performant qu’on puisse imaginer.

22 avril 2017

 

 

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