N’en déplaise à ceux qui s’émerveillent à l’annonce de l’arrivée des troupes étrangères, notre devoir au sein du journal Haïti Liberté est de mettre en garde les masses populaires, face aux initiatives des puissances exploiteuses qui, tout en cachant leurs culpabilités renvoient sans cesse au peuple la responsabilité de ses malheurs et de ses souffrances.
Aucune illusion, en effet, n’est permise sur le fait que l’impérialisme occidental puisse renoncer de lui-même à son œuvre de destruction. En d’autres termes, l’aigle étoilé pourrait-il se transformer en un oiseau de bon augure, porteur de nouvelles rassurantes pour résoudre ou débloquer la crise humiliante du peuple haïtien ? Assurément non ! Mais les médias traditionnels mis au pas et aux ordres ne font que rallumer cette flamme démagogique pour plaire à l’ennemi qui nous empêche de vivre en paix, qui a détruit notre économie et nous a jeté dans le marasme d’une insécurité également financière et alimentaire.
Le peuple travailleur doit se méfier de ces porteurs de bonnes nouvelles, ces loups affamés qui se masquent en agneaux toujours prompts à jouer le rôle de bienfaiteurs ou de médiateurs mais en réalité cherchent à endormir notre méfiance et de plus à détourner notre attention du combat que nous devons incessamment engager pour défendre notre patrie.
On ne pourra jamais mettre fin aux gangs armés sans investir dans des projets sociaux, donner du travail aux masses et des perspectives d’avenir à la jeunesse haïtienne.
Un rappel historique s’impose pour mieux saisir la portée et la véritable signification de l’épreuve actuelle que traverse le pays. L’invasion et l’occupation américaine de 1915 furent la conséquence initiale de l’effondrement de l’État haïtien. Elles n’ont pas résolu un seul de nos problèmes qu’elles prétendaient venir solutionner. Au contraire, elles les ont empirés jusqu’à constituer le prolongement de la situation de décomposition des institutions étatiques et de l’impuissance des élites politiques et économiques d’Haïti.
Nous sommes le 23 juin 2004. Vingt ans jour pour jour plus tard, l’impérialisme américain sous la couverture des Nations-Unies déployait sous la direction du Brésil, la Mission des Nations-Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) pour prendre le contrôle d’une quelconque opération de maintien de paix dans le pays. À quoi cela a-t-il servi ? À rien. Sinon, à s’aventurer dans une criminelle politique de déstabilisation à outrance. Depuis plus de deux cents ans, l’impérialisme détient sous la cendre certains éléments sous forme de braises plus ou moins incandescentes sur lesquelles il peut souffler au moment opportun pour les transformer en incendies dévastateurs. Sitôt après, il est le premier à se présenter pour prétendre éteindre l’incendie.
C’est ainsi qu’il faut comprendre la conjoncture dans laquelle se déroule cet énième déploiement des forces étrangères en Haïti. Ce sont toujours eux qui ont concocté cette date du 25 juin 2024, comme étant le jour-J du débarquement en Haïti d’une force militaire kényane, aux côtés de plusieurs autres pays marionnettes de l’impérialisme dont le Bénin, les Bahamas, le Bangladesh, la Barbade, la Jamaïque, le Tchad pour ne citer que ceux-là d’une mission soutenue par l’ONU venue soi-disant pour stabiliser Haïti qui, selon eux, souffre depuis des dizaines d’années d’une instabilité politique chronique qu’ils ont eux-mêmes créée.
Vingt ans plus tard, ne soyez pas étonnés d’entendre les mêmes discours, puisque, on le sait tous, l’impérialisme ne va certainement pas changer ni sa politique ni sa vision d’Haïti à moins que l’on arrive à le mettre en déroute.
Dans ce cas, toutes les acrobaties du Conseil présidentiel « bidon » verrouillé qui ne peut décider donc de rien, mis aux ordres, entre autres, par le locataire de la Primature, aussi bien du Président marionnette du Kenya, Williams Ruto, tous ne sont que des petits porte-valises des intérêts et des méthodes du capitalisme nord-américain.
C’est sous la propagande d’une prétendue violence des « gangs » que l’impérialisme cache la vérité sur les maux qui traversent un pays ruiné avec son cortège d’affreuses misères héritées de la domination coloniale impérialiste. On ne pourra jamais mettre fin aux gangs armés, comme on le souhaite uniquement avec des réactions répressives, sans investir dans des projets sociaux, donner du travail aux masses et des perspectives d’avenir à la jeunesse haïtienne.
Ce cauchemar est loin d’être terminé, dans la mesure où, la classe politique moribonde à l’unisson a jeté tous son poids et mis tous ses moyens dans la bataille pour assurer le succès de cette entreprise interventionniste américaine. Elle s’est faite complice de ce traquenard avec la propagande que le gouvernement américain distille dans l’intérêt du pays. C’est la liquidation de la nation haïtienne et de la lutte du peuple qu’elle cherche à précipiter et cela devrait occasionner sans nul doute des tempêtes de mobilisations, de protestations et de dénonciations partout dans le pays.
Tous les travailleurs, patriotes qui se respectent, instinctivement devraient rejeter ce système en décomposition que ce nouveau régime espère restaurer. Ce n’est guère Washington, ni la Banque Mondiale et le FMI, à travers le Conseil Présidentiel et le Premier ministre Garry Conille qui doivent nous donner des leçons et nous imposer leurs réformes cosmétiques.
Le mal est infiniment profond. Il n’y a pas de voie pour sortir du sous-développement, de l’insécurité sans renverser l’ordre impérialiste dominant dans le pays. Seule la mobilisation de millions de travailleurs et de jeunes, tous unis avec leurs organisations, peut empêcher ce régime à la solde de l’impérialisme d’aller jusqu’au bout de sa logique de destruction sociale pour l’instauration d’un Etat indigne dépourvu de souveraineté.
La grande majorité du peuple opprimé sombre de plus en plus dans une indicible détresse. A cet égard, la véritable libération de la domination impérialiste, l’éradication de la violence, la pauvreté systémique ne pourra être que l’œuvre des masses ouvrières qui sont les seules à pouvoir combattre tous les corrompus et mercenaires politiques à la solde des grandes puissances. Il faut inverser la donne de la loi du plus fort, du plus puissant qui est imposée au plus faible. Pour éviter toute libre disposition du destin du peuple haïtien des mains des cliques impérialistes, il faut stopper l’impérialisme d’aller jusqu’au bout de son imposture qui consiste à faire d’Haïti un Etat paria.