Ce natif de l’Artibonite aurait probablement été inspiré vocalement, par le timbre haut perché d’un devancier issu de la même région. Personne d’autre que l’illustre Ti Manno Jn. Baptiste, qui lui a apparemment laissé une voie à suivre. En fait, le nom du père de Pipo est Edris Jn. Baptiste. Ce qui fait penser à certains liens parentaux. Bref, basta aux hypothèses et, faisons le point sur l’éclosion de l’une des plus belles voix actuelles de la musique du terroir. Que celle de Pipo Stanis, qui a dû grandir à l’écoute des multiples chantres locaux : Cubano, Zouzoul, Cajuste, Boulo etc. En plus des voix d’outre-mer galvanisant les chansons françaises, anglaises et espagnoles ; qui ont servi de repères à tout aspirant vocaliste de cette époque. Entre son parcours d’écolier et d’apprenti chanteur, l’habilitant à s’exhiber dans des groupes de débutants et, peaufiner un talent bien prometteur.
Jusqu’à son émigration pour le Canada, où il est allé s’installer avec ses parents. Tout en s’attelant à affiner son art, entre les boulots et les initiatives académiques. Pour être déballé au sein du groupe « Passion » de Montréal. Avec lequel il va donner un aperçu de son gosier solennel dans quelques titres tels : mistik, tirès la, dyonki, elat ; le propulsant promptement à l’avant-scène du music-hall environnant. Et de ce fait, devient évidemment l’objet de nombreuses sollicitations de la part des groupes plus en vue. Conséquemment, c’est en Floride nouvelle bastion des producteurs et formations du konpa, qu’on va le repérer durant le ralliement du « D’zine » ; voulant faire peau neuve après le passage d’Arly, Gazzman et autres. Annonçant la couleur dans l’œuvre :’’ Son lari a ‘’, projetant un vocaliste agressif, pas encore au contrôle de ses nuances vocales. Pourtant, cet ensemble reprenait du poil de la bête, sous l’envoutement de Pipo. Mais, il avait dû plier bagage avec le décès de son impresario Romel Barlatier.
Suite à ce mécompte, il va refaire surface avec le « Hang-out », nouveau groupe doté de quelques musiciens issus du « D’zine », dont Tinès Vincent, Wilson Jean entre autres. Parmi lesquels, vient s’ajouter la chanteuse Georgie Métellus ; ex-star des : « Zin » et « Phantoms ». Cependant, après un début tonitruant couronné du laser introductif :’’Kote m kanpe’’ ; auquel Ederss commence à insérer du feeling à son ardeur ; atteignant un palier supplémentaire dans le polissement d’un timbre qui engrène l’adhésion des aficionados musicaux. Une ascendance qui va le catapulter avec ce groupe sur les scènes des Antilles, de la diaspora et d’Haïti. A travers une collaboration qui l’a certifié comme l’un des plus talentueux chanteurs du milieu ambiant. L’ayant aussi autorisé à prendre part à quelques projets de Mini All Stars. Néanmoins, Pipo n’était pas au bout de ses expériences. Car, intolérant aux caprices, cynisme et manque de professionnalisme du show-business local. Il n’est pas du genre à venir rossignoler pour la beauté du jeu.
En s’alliant avec le guitariste Ralph Phanor Ménélas, pour faire part de ce qui allait être son meilleur produit de l’époque.
C’est ainsi que le divorce fut consommé avec le « Hang-out ». Mais, pas sans le prix de quelques controverses qui l’ont campé en artiste caractériel, chanteur mercenaire, qui fait fi de loyauté. On sait comment la critique est aisée, lorsqu’elle est dépourvue d’art. En tout cas, c’est avec le groupe « Bèl Dyaz » que Pipo va resurgir. En s’alliant avec le guitariste Ralph Phanor Ménélas, pour faire part de ce qui allait être son meilleur produit de l’époque. Dans l’œuvre :’’Konpa trankil’’, agrémentée de quelques tubes comme : u r the 1, van vire, ou fou pou li, etc ; qui vont prendre à la renverse les die-hard fans du konpa. Lesquels lui ont fait une fière ovation, pour avoir fait preuves de tant de ressources. En persistant dans sa démarche d’artiste rebelle, sans renoncer à donner la priorité à son auditoire. Toutefois, sans coup férir, Pipo a su faire taire les acerbes et faire briller « Bèl Dyaz ».
Prenant d’emblée les Antilles, l’Europe, toute la diaspora et Haïti, dans des tours à succès; en recevant les honneurs dus à un groupe établi. Fort de son timbre assaisonnant, Ederss Stanis s’est imposé en porte-orchestre et a su jeter son dévolu sur le monde du spectacle. Mais, coup de théâtre ! Puisque les mythes ont la vie dure. Et Pipo n’est pas une exception à la règle. C’est donc après un accrochage avec le maestro guitariste Ralph Ménélas, qui est aussi un collectionneur de groupes ; que Pipo s’est retiré de « Bèl Dyaz ». Laissant fans et public désemparés, jurant de ne plus le prendre au sérieux. Sans pourtant s’enquérir des dessous de cette rupture. Mais, sans se sourciller, Pipo continue sa trajectoire de saltimbanque ; promettant de ne plus se faire prendre comme un débutant. Pourtant de l’autre côté de la barrière, une autre scission va aussi faire jaser les boutefeux. C’est celle entre Arly et Gazzman.
En effet, après quelques lustres à collaborer au « Nu look », ce dernier en avait assez des abus d’Arly Larivière et a finalement jeté son tablier pour concocter son propre projet. C’est cette opportunité qui est offerte à Pipo pour remplacer ‘’l’homme couleur’’ et faire cause commune avec Arly la ficelle. Mais pour les plus imbus, ce mariage entre le lama (cet animal apprivoisé qui a pourtant horreur des travaux domestiques) et le serpent Larivière, qui se passe de présentation, était voué à l’échec. Et pourtant, la lune de miel a fécondé et les mariés sont aux anges aux premières heures de l’union, avec l’album :’’Confirmation’’ qui vient pour tempérer les sceptiques. Encore une fois, Pipo va se surpasser dans quelques titres qui ont fait d’Arly l’autre chanteur, au lieu du soliste habituel. Délivrant avec brio les morceaux : nouveau look, jou m rankontre, li pa nòmal, destination finale et so what ?, en duo avec Arly ; faisant de cet opus le meilleur du groupe.
Tout allait bien. Jusqu’à ce qu’Arly, fidèle à sa renommée de grippe-sou, a tenté d’exploiter l’image du musicien instable de Pipo. En le faisant jouer sans le rémunérer ; espérant que celui-ci va tout encaisser en silence pour ne pas écoper de la bronca du public. Heureusement qu’entre les deux récidivistes Arly était celui avec la réputation d’avare. Tandis que Pipo avait celle d’un salarié, réclamant son dû. Ce qui a facilité sa sortie du «Nu Look» et, faire taire les jusqu’au-boutistes. Toutefois, cette affaire l’avait complètement agacé; l’emmenant à traiter Arly de salaud et de prostitué. Et jurant de ne jamais prendre part à aucun groupe musical qui ne soit pas son initiative personnelle. Mais, c’était sans compter avec la ténacité de Richie Hérard. L’ancien maitre à penser du « Zenglen » de Miami ; lequel à son tour mettait la dernière touche pour le début de son orchestre « Klass ». Professionnel intègre, Richie est l’un des rares du milieu ambiant à avoir des retenues concernant les causes louches.
C’est l’image contraire d’Arly, pour qui le fric n’a pas d’odeur. (On se souvient de sa mise à pied au « D’Zine ». Sans omettre sa conduite envers Gazzman puis Pipo et bien d’autres. En fait, c’est l’une des vedettes sans honte, qui s’entêtent à s’afficher publiquement avec Martelly. Bien qu’il ait été éconduit en diaspora à cet effet. Il ne se gêne même pas pour performer pour des kidnappeurs qui continuent d’endeuiller le pays. Et sans gêne, Arly semble se réserver un standard particulier). Quant à Pipo, après avoir connu les épreuves des sans foi ni loi, il ne pouvait se permettre de mettre Richie dans le même sac. D’autant que ce dernier conscient de sa potentialité, lui avait même offert un partenariat avec « Klass », qui a fait de lui l’un des actionnaires de ce groupe irrésistible. Lequel n’a pas pris de temps pour devenir la coqueluche du music-hall antillais et d’ailleurs. Pas étonnant que « Klass » ait fait sa sortie sur des chapeaux de roue dans l’album :’’ Fè l vini avan’’.
Dans la consolidation des vocalises attrayantes d’un barde caractéristique ; pour l’imposition de la ‘’marque à Pipo’’.
Donnant une exposition adéquate à Pipo qui a finalement trouvé un ensemble compatible à sa carrure de vocaliste solennel. Et mettant en valeur sa qualité versatile, ‘‘Pipo tout jan’’ ; l’adjudant du titre de meilleur chanteur par approbation populaire. Tout en ne donnant aucun signe de ralentissement. Notamment à travers trois lasers consécutifs : ‘’Fè l ak tout kè w’’ et ‘‘Ret nan liy ou’’. Offrant une kyrielle de tubes à fredonner et à danser: yo towing ou, you don’t want me, fè l vini avan, priyorite, mizik sa a, nou se aysyen, emmène-moi, bagay 9, fè l ak tout kè w’’, m ap marye, lol (pa fiye), ranje chita w, let’s make it work, anmwe sekou, se ou sèl mwen genyen (faithfully), il est friday, lajan sere, bouche twou vid, blackout, ret nan liy ou, klike sou li, lanmou pafè, joyeux noël , etc ; alternant les allures les plus diverses : konpa, kadans, ballades, rabòday et autres.
Propulsant un Pipo dans tous ses états. Lequel a su éloquemment créer un impact, au gré de son vibrato, son flair ; inspirant le ‘’salvo’’. Assorti de reflets emplis de musicalité, de clarté et d’articulation. Dans la consolidation des vocalises attrayantes d’un barde caractéristique ; pour l’imposition de la ‘’marque à Pipo’’. Bientôt dix années à l’avant-poste du groupe «Klass», dont il reste l’identité vocale. Et au sein duquel, il va sûrement continuer à faire des vagues ; à l’avant-poste du plus demandé des orchestres du terroir. Pour dire définitivement à son sujet, que l’histoire n’est pas toujours un éternel recommencement. Mais surtout, une succession d’épreuves, de sorte qu’à la phase ultime, on finit toujours par récolter la rançon de sa cohérence.